Killadelphia, le monde d’après

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Dans le deuxième volume de Killadelphia les vampires sont désormais sortis au grand jour… enfin ils ont révélé leur existence lors d’une nuit sanglante. Toute la société doit désormais vivre avec cette menace.

Les vampires au quotidien

Dans les premières pages, Jimmy Sangster résume, en quelques pages, ce qui s’est passé dans le premier livre de Killadelphia. Avec sa collègue policière, ils croyaient à l’existence de vampires mais ils se taisaient pour éviter de passer pour fou. La suite de Killadelphia s’intéresse aux conséquences concrètes de la mise à jour des vampires. À chaque mort violente, il est envoyé pour vérifier si le coupable n’est pas un vampire. Il doit retrouver le tueur et s’assurer que la victime ne se transforme par en suceur de sang. Dans ce but, une unité spéciale de la police est créée.

Cette nouvelle donne concerne également le monde de la nuit. Le chef des vampires, l’ancien président John Adams, a été tué et une nouvelle direction s’impose au conseil. On oublie le racisme d’Adams pour un groupe plus représentatif du monde.

Cependant, l’échec d’Adams dans le tome un de Killadelphia crée des conflits. Un radical veut exterminer les humains pour venger les vampires brûlés. Plus tacticienne, Abigail cherche préserver la source de sang. Elle s’attaque aux dirigeants humains (de la politique, de la culture, des médias) pour montrer que les vampires sont les véritables maîtres de la région.

Le monde d’après de la suite de Killadelphia décrit également des passages de relais. Dans le conseil des vampires, Abigail, épouse de John Adams, dirige malgré l’héritage de l’échec de son époux. Devenu un vampire dans le premier tome, le père de Jimmy disparaissait à la fin du premier tome. Contre son grès, Jimmy Senior est rappelé de l’au-delà devenant une guest-star comme dans une série tv. Ce retour est voulu par son fils mais l’empêche de faire son deuil et d’assumer l’écrasant héritage.

Le fantôme de l'esclavage dans Killadelphia
Le fantôme de l’esclavage dans Killadelphia

Ce passage de relais se vérifie également par les péripéties. Ce deuxième volume de Killadelphia est un volume de transition. Dans la dernière partie, plusieurs personnages importants du tome un reviennent.

Killadelphia ou l’image sanglante de l’Amérique

Avec Killadelphia, Rodney Barnes poursuit sa description des recoins sombres de son pays. Comme les visions opposées de Martin Luther King et de Malcolm X, John Adams voulait changer le monde alors que Abigail veut le détruire. Les scénariste critiquent aussi la formation de stars empêchant chacun d’exprimer sa créativité. En effet, le dessinateur et le scénariste s’amusent à placer des personnages connus : Blake Scott évoque le rappeur Travis Scott. Plus loin, Mulder et Scully sont sèchement renvoyés dans leurs bureaux.

Killadelphia dénonce l’esclavage, cicatrice toujours ouverte de nos jours. L’ancien esclave Jupiter continue à porter un masque de fer et à se faire enchaîner la nuit. Le livre nous saisit par la violence de sa vie pendant l’esclavage à partir du récit d’Abigail. Jupiter ne parle plus et garde les engins de torture de son ancienne condition servile. Il n’expulse sa rage qu’en tuant.

Ce n’est pas la violence qui a détruit son âme mais la séparation de sa famille. Ses proches ont été vendus à deux reprises sans le consulter. Ce deuxième volume de Killadelphia décrit son émancipation. Un autre personnage illustre une révolte plus progressive. Toppy était un fidèle serviteur des blancs. Il a commencé comme contremaître dans une plantation tuant les esclaves en fuite puis a été enrôlé dans l’armée du Sud. Toute sa vie n’a été que violence, illustrant un passé sombre des Etats-Unis qui impacte le présent.

Jupiter incarne la colère brute des opprimés alors que le héros est un intégré. Cet inspecteur défend l’ordre de l’État. Cependant, il est faible moralement. Il est persuadé que sa lutte contre les vampires est vouée à l’échec. Dans sa vie intime, il pense n’attirer que des femmes brisées dans des relations sans avenir.

La dénonciation de l’esclavage dans Killadelphia passe également par le dessin. Jason Shawn Alexander montre les tortures par les muselières et les collier en fer portés par les esclaves pour les punir. Le dessin reste splendide. Charbonneux, il évite les formes précises amplifiant l’idée du secret du complot et de le pénombre. Même quand le personnage est précis, Shawn Alexander dessine autour des traits de feutre. Pris dans un brouillard graphique, le lecteur voit l’essentiel puis, en tournant la page, il est brusquement choqué par des ombres en train de se faire un shoot de drogue. Les couleurs très subtiles de Luis NCT sont aussi très réussies. La gamme chromatique est réduite et il choisit une teinte globale qui change selon l’ambiance.

Une histoire bonus propose un récit poilu sur le racisme. Barnes s’intéresse aux mouvements noirs révolutionnaires contre la violence policière. Ces personnages découvrent qu’ils sont la réincarnation d’Africains s’étant révoltés pour conserver leur liberté. Leur lycanthropie marque le réveil violent d’un peuple noir refusant désormais de se soumettre à la société raciste.

Demeurant une lecture rapide, Killadelphia est aussi une série dense et puissante. Ce deuxième volume édité par Huginn & Muninn monstre que l’esclavage hante encore l’Amérique expliquant la violence actuelle du pays. De plus, Rodney Barnes sait proposer des cliffhanger dignes de ses séries télés.

Retrouver d’autres récits de vampires avec Bleed Them Dry et Vampironica.