Wonder Egg Priority débarque sur la plateforme Wakanim en 2021. Derrière des atours colorés, la création originale des studios CloverWorks brise toutes les attentes et provoque un raz-de-marée chez les fans de japanimation. Retour sur le phénomène WEP Project !
L’histoire
Ai Ohto est une jeune fille solitaire. Harcelée à l’école, elle ne se rend plus en cours depuis plusieurs mois. Ses seuls moments de quiétude consistent en de longues balades à la nuit tombée.
C’est au cours d’une de ses virées nocturnes qu’Ai fait une drôle de rencontre… et se découvre le pouvoir de combattre des monstres au cœur de ses rêves.
My dear Alice…
Wonder Egg Priority donne d’emblée l’impression d’une relecture tout à la fois sombre et psychédélique d’Alice au Pays des Merveilles. En effet, l’anime partage la même symbolique que l’œuvre phare de Lewis Caroll. Après sa rencontre avec un étrange animal parlant (ici un scarabée), Ai Ohto doit, littéralement, se jeter dans un trou pour accéder au jardin d’une imposante demeure. Là, se trouvent les maîtres des lieux, fac similés d’épouvantails nommés Acca et Acca-verso (Ura-Acca en VO). Ils confient alors sa mission à la jeune adolescente : protéger à tout prix les « Wonder Eggs ». Ces œufs renferment en réalité des jeunes filles, dont le traumatisme devra être exorcisé par celle qui en a la garde. Et quel trauma, puisque l’on comprend rapidement que toutes ces filles ont volontairement mis fin à leurs jours.
Un écho aux propres blessures d’Ai, puisque sa meilleure amie s’est elle aussi suicidée. Sauver les inconnues issues des Wonder Eggs permettrait-il à Ai de comprendre les raisons de son geste ? Voire de ramener son amie à la vie ?
Wonder Egg Priority : thérapie de choc
Naviguant entre rêve et réalité, Wonder Egg Priority place le spectateur directement aux côtés d’Ai. Nous découvrons et comprenons les règles en même temps qu’elle. Nous souffrons également aux mêmes moments. Ce procédé narratif renforce l’attachement que l’on a vis-à-vis de ce personnage.
A la façon d’un shônen plutôt hardcore, Wonder Egg Priority pousse ses protagonistes dans leurs retranchements. Dans une sorte de passage à l’âge adulte sans concession, Ai, Neiru, Rika et les autres doivent, pour avancer, déposer sur la table tous leurs traumatismes. Ceux qui les ont façonnées tout comme ceux qui les empêchent de continuer à vivre.
L’apparition de l’antagoniste qui semble tirer les ficelles de tout ceci fait par ailleurs entrer l’anime dans une nouvelle dimension. Avec une cassure brutale dans l’ambiance, voire un basculement dans l’horreur pure et simple, Wonder Egg Priority entre alors dans sa deuxième phase. Ici sont abordées des questions sur le transhumanisme, les dérives de la science et la fascination dichotomique entre vie et mort.
Wonder Egg Priority : une ambiance qui se démarque
Wonder Egg Priority attire l’œil d’emblée avec son chara-design soigné et coloré, signé Saki Takahashi. Adaptant un scénario de Shinji Nojima, le réalisateur Shin Wakabayashi nous offre une animation fluide, alternant sans heurts entre scènes du quotidien et combats dantesques.
Une certaine mélancolie se dégage des protagonistes, à mesure que l’on apprend à les connaître. A l’image de l’opening et de l’ending, fragmentés, à la fois tristes et entraînants, des familles éclatées se dévoilent, la jeunesse se confronte aux responsabilités qui viennent avec l’âge adulte.
Le spectateur se retrouve engagé dans la quête de ces filles contraintes de risquer leur vie pour d’autres. Il cherche lui aussi des réponses à ses questions, nombreuses, à l’image de Serial Experiment Lain. Malheureusement, cette seule saison, malgré un treizième épisode d’une heure séquencée en deux parties, récapitulatif et développement, en soulève plus qu’elle n’en résout. Pourrait-on y voir l’amorce d’une saison 2 ? C’est ce que l’on souhaite en tout cas, pour cet anime qui n’hésite pas à venir bousculer son spectateur, à la fois voyeur fasciné et victime impuissante d’une œuvre unique en son genre.
Anime lorgnant vers le film de genre, Wonder Egg Priority offre une expérience aux atours hallucinatoires. Mêlant rêve et réalité jusqu’à ce qu’ils ne fassent plus qu’un, cette oeuvre n’est pas à mettre entre toutes les mains. A l’instar de Ningyo, nouvelle pépite de chez Glénat, Wonder Egg Priority pose des sujets sensibles sur la table. Mais grâce à la force d’Ai et ses amies, il nous montre que dépasser ses peurs et ses traumatismes est possible.