Que se passerait-il si l’on pouvait connaître toutes les pensées des autres ? On pourrait penser que ce serait le paradis mais Télépathes montre une réalité bien plus sombre…
Une météo déplorable
Dès la première case, J. Michael Straczynski installe l’ambiance en expliquant que Télépathes se déroule dans un monde parallèle perturbé par un phénomène naturel. En arrivant sur Terre, une tempête solaire provoque l’apparition de pouvoir de télépathie chez un dixième de la population. Loin de modifier simplement la vie de quelques personnages, ce changement bouleverse totalement la hiérarchie sociale et la géopolitique mondiale.
Télépathes fait croire à une réinterprétation des mutants. Au départ, les télépathes subissent une migraine lors de la première apparition des dons au milieu d’une foule paniquée et confondent la parole et la pensée. Progressivement, ils découvrent de nouveaux moyens d’utiliser leurs dons : ces télépathes entendent les pensées des autres puis leur imposent leur volonté. Pourtant, les personnages ayant reçu le pouvoir ne sont pas des mutants. En effet, il n’y a qu’une forme de don et le pouvoir se déclenche à n’importe quel moment à l’âge adulte. Il pousse leur caractères plus loin, dans le bien ou le mal.
La tempête solaire ayant eu un effet massif, Télépathes se structure autour un récit choral. Le premier épisode alterne ainsi à un rythme rapide entre plusieurs personnages illustrant différentes situations où il vaut mieux ne pas connaître les pensées : un mari découvrant que sa femme le trompe, une femme empêchant un attentat avant qu’il se déroule et un criminel bloqué en prison. La suite se divise entre une zone de conflit urbain entre policiers et truands et des bureaux où l’élite cherche à retrouver le contrôle. Deux personnages charismatiques émergent alors à égalité : un policier, Jack Kelly, voulant défendre la société et un gangster, Miles Terence, voyant dans cette révolution une espoir d’ascension.
La révolution des Télépathes
L’incident solaire bouleverse la stabilité sociale. Les exclus voient dans ce don un moyen de dominer et, par darwinisme, progressent plus vite que les individus banals mais cela peut-il durer ? Déjà, certains membres de l’élite, privés de don, veulent utiliser les télépathes pour maintenir leur place au sommet. Le pouvoir devient une course de vitesse pour trouver les télépathes ou maîtriser encore davantage son don. D’autres imaginent un génocide. D’autres encore veulent les enregistrer puis les enrégimenter au profit de l’État.
On trouve plus de télépathes actifs dans les minorités et de blancs dans l’élite. Le scénariste pose un regard profond sur les gangs. Ils ne sont pas décriés mais sont froidement analysés : des minorités marginalisées se rassemblent par affinités pour résister à l’oppression sociale. Le scénariste met aussi en avant en postface sa réflexion sur la vidéosurveillance : la sécurité contre la liberté.
Cependant, malgré cette diversité, Télépathes se concentre sur quelques thèmes communs. La série part d’une question simple : que se passerait-il si on pouvait connaître toutes les pensées de l’autre ? Notre monde fonctionne sur de multiples secrets – des secrets intimes, bancaires, d’État… – et, pour J. Michael Straczynski, il s’effondrerait sans ces mensonges. A part quelques cases, on ne voit pas la catastrophe mais on en parle : les multiples crashs d’avion, le réseau électrique et téléphonique en panne, les émeutes…
En effet, l’unité est également assurée par la présence d’un seul dessinateur, Steve Epting. Son style réaliste avec une mise en page classique est agréable à suivre. Il réussit très bien à faire monter la tension et les enjeux par des combats de plus en plus puissants. Il montre par une belle double-page les multiples effets de l’éruption, d’une catastrophe aérienne à une noyade dans une baignoire.
Derrière un comics de super-héros, Télépathes édité par Delcourt est une réflexion sur le pouvoir d’une élite face aux minorités opprimées. Le scénariste imagine une révolution qui pourrait rabattre les cartes. Il mêle action et réflexion créant un univers passionnant. La série est très ambitieuse mais six épisodes n’est-ce pas trop peu ? Heureusement, les derniers mots de ce volume me rassurent.
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