Christian Olivier : une révolution non identifiée

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christian olivier le ça
christian olivier le ça

En ce mercredi 15 novembre, nous nous dirigeons du côté de Montreuil. Le lieu qui nous accueille avec gentillesse, simplicité et de nombreux sourires :  » La Marbrerie « .
À vocation exploratrice et curieuse, elle semble être un écrin idéal pour accueillir une révolution non identifiée annoncée.

La Marbrerie
La Marbrerie

De multiples espaces pour s’installer permettent à chacun de choisir librement la proximité et l’énergie d’une fosse ou le calme et le recul d’une immense mezzanine. Tables, banc, manges-debout invitent à profiter d’une cantine réconfortante, bienvenue pour commencer à réchauffer des corps forcément transis par ce contexte des plus hivernaux.

 

« Si l’amour nous veut ensemble, pourquoi ne pas laisser faire ? »

 

Comme apéritif, à 19h40, c’est un charmant trio, piano voix, guitare et violoncelle qui, avec succès, suscitera une timide mais bien réelle curiosité de la foule. Avec ses deux compères Valentine Duteil au violoncelle et Victor Paimblanc à la guitare, l’auteur compositeur, Léonard Lasry, habille ses mots comme il l’a fait pour d’autres auteurs par le passé (Sylvie Vartan, Charlotte Rampling…) de créations pop sophistiquées et de très élégantes harmonies. « Des mots d’âmes et d’amour » en balades, dont les sonorités, même mélancoliques, apaisent en ces temps de discorde permanente. On est curieux et on ne loupera pas la sortie de ce prochain album en début d’année 2024.

20h15… La fosse commence à se densifier pendant que les derniers réglages se font en régie. Un écran finit de s’étalonner derrière une petite scène emplie d’instruments un peu en pagaille. Une batterie des plus imposantes aura, c’est certain, une place prépondérante dans le set à venir. Un bon gros jeu de pédales du côté de trois guitares (deux acoustiques et une électrique), deux violons, un trombone, un accordéon viennent rappeler la signature d’un univers ouvert et intemporel. Deux portes-voix, au cas où des appels au rassemblement seraient prévus. Une grosse caisse trône côté cour. Il va y avoir du son c’est sûr.

H-10 minutes : une ampoule en centre fond de scène vient de doucement s’allumer. L’heure approche. Cette lumière orangée, je la regarde telle une simple idée, unique, douce et chaude. Un espoir, une solution, un chemin, une route à suivre vers une réunification. « La musique » ! Une légère fumée commence à s’épaissir.

« Les rues sont nos pinceaux, les places nos palettes ».

Stridences lentes de violons saturées, douces mélopées, l’embarquement nous emmène sans détour vers une Russie délabrée du premier quart du 20e siècle. La révolution d’Octobre comme trame de fond. Un soulèvement, une réinvention, une métamorphose qui changera le monde. Ouvrières, ouvriers, suivis rapidement de populations plus aisées puis de soldats soulevés contre leur propre commandement feront tomber en 17 un régime autoritaire installé depuis trois siècles, en à peine une semaine.

Une révolution d’inspiration russe

Christian Olivier à la Marbrerie Une révolution non identifiée
Christian Olivier à la Marbrerie

Source d’inspiration évidente pour de nombreux poètes tels Harms, Pasternak, Maïakowski, Essenine, Akhmatova, Blok, Bounine, Volochine, Klebnikov, Zdanevitch, Mandelstam et Marina Tsvetaïeva, qui formeront « les douze » auteurs des lumières du soir, traduits par André Markowitz et Christian Olivier lui-même. Une scie musicale chauffe et accorde une équipe de cinq musiciens et musiciennes. L’interprète apparaît.

« Je crie, pour tout ce qui vit, je crie, pour ce qui est joli ».

Sa voix sombre et puissante finira de nous faire décoller pour le voyage. Un voyage à travers plus qu’une seule Russie, mais bel et bien vers des contrées de pensées intimes. Des âmes et coeurs confrontés à l’exil, la misère et la mort, à la solidarité, l’amour et la vie. Le véhicule est dotée d’une liberté inébranlable. Une véritable passion anime les artistes présents sur scène et se fait contagieuse. Il est là « le ça » !

Une passion qui n’appartient qu’à Nous et n’a que faire du jugement ou des tentatives de contrôle. Notre chaos. Notre cri primal et bestial s’élève. Le son de notre voix rude et la portée de sa note nous guide vers l’invisible. Une pulsion d’une nouvelle révolution se voit portée au firmament par ce lyrisme lumineux, ces rythmes et accents assumés de musiciens fous, ces mots du monde d’à côté reportés grands ouverts sur des douleurs et sentiments universels.

Christian Olivier marbrerie concert Christian Olivier : une révolution non identifiée
Christian Olivier à la marbrerie – 15 novembre 2023

Deux heures plus tard, tout le monde criait avec lui. C’est bien un rock solide, explosif, qui s’est mêlé avec talent à des mots subtils parfois chantés, parfois récités, parfois scandés tels des incantations chamaniques. Le public, tantôt au coin d’un feu à chuchoter un « Je t’aime », tantôt au milieu d’une foule et d’un boulevard à crier son mécontentement et son refus.

L’équilibre est subtil et fonctionne à merveille. Il écarquille les yeux, il émeut, hébète et impressionne, sème et rattrape, cogne et câline. Quelques opalines raides clôtureront la soirée pour la plus grande joie de beaucoup de spectateurs fidèles prêts à lâcher les derniers chevaux dans une émotion nue plus que palpable.

Même si cet univers qui, empli d’expérimentations sonores « en studio », de chant parlé parfois déstabilisant, de poésie lugubrement lumineuse ou ancrée dans un contemporain exacerbé ne saura (on le déplore) réussir à fédérer tout le monde, il est indéniable qu’il parle à de multiples sensibilités.

Il se fait beaucoup plus « accessible » avec les yeux lors d’une telle rencontre. Grâce à des regards, des gestes, une interprétation splendide, précise et prodonde. Ce fut un plaisir dévastateur et incroyable d’Être.

Christian Olivier est un de ces rares artistes capable de mêler le sublime de la langue, celui d’une note, à celui du révolte qui vient du fond du coeur.

Christian olivier marbrerie
Ilia Zelitchonok, Martial Bort, Christian Olivier, Delphine Langhoff, Pierre Payan, Clarisse Catarino

« Et fondra la neige… »

Prochaine date parisienne de Christian Olivier : 01 et 02 février 2024 à l’Athénée : Ici.

Article Rédigé par Romain Cresson