Jul n’en finit plus de nous épater avec ses initiatives surprenantes. Après la vente aux enchères de ses certifications ou encore la conception collaborative de la cover de son projet, le rappeur prolifique annonçait le double album. La Machine sortira le 19 juin prochain, six mois seulement après C’est pas des LOL, certifié disque de platine. Et si la bromance récente et naissante entre Jul et Polnareff berçait les espoirs de ses aficionados quant à un possible featuring rassembleur, la tracklist, dévoilée il y a peu, nous promet d’autres surprises…
Le 26 mai dernier, Jul révélait sur son application mobile la liste des 30 morceaux qui composeront son double-album, accompagné d’un nouvel extrait. Après «Sousou» et «Fait d’or», l’artiste nous propose bel et bien une reprise du tube de Début de Soirée «Nuit de folie», sorti en 1988. Si on reconnait l’air et qu’on le fredonne volontiers, l’instru’ du titre (sobrement intitulé «Folie») a quant à elle été modifiée… Les lyrics aussi, il va sans dire.
Guest who’s back ?
Si cette annonce a de quoi abasourdir, une autre nouvelle fait sensation : la guestlist. Ne vous emballez pas, Michel Polnareff n’y figure pas. Si l’on attendait effectivement les deux ovnis sur un morceau exubérant, la rencontre du troisième type attendra. D’autres noms comptent néanmoins parmi les featurings de La Machine : Bigflo & Oli, Doria, Jimmy Sax, Moubarak, Morad, Ghetto Phénomène, Kamikaz… et Nessbeal. Et franchement, c’est tout aussi mythique.
Artiste du premier âge d’or du rap français, que l’on situe entre la deuxième moitié des années 90 et le début des années 2000, Nessbeal est résolument un rappeur d’une autre génération. Celle des classiques immuables d’un rap contrarié et en manque de reconnaissance. À l’heure de la démocratisation d’internet, les téléchargements illégaux provoquent un effet boule de neige d’ampleur : la crise du disque. Nessbeal compte parmi les artistes victimes d’une avalanche meurtrière, qui occasionna la ruine de beaucoup de carrières.
Roi d’autrefois
Après la faillite progressive des titres de presse spécialisés hip-hop, écrasés par les nouveaux contenus disponibles sur le net, la couverture médiatique se raréfie. Le reste, c’est la structure de ce que l’on appelle un oligopole à frange : quelques artistes de renommée se partage une vaste part du marché via les Majors, qui ont le monopole, tandis que le reste tente difficilement la percée en indé’.
Si sa réputation de légende le précède, NE2S a donc longtemps lutté pour vendre ses disques à une époque où le rap français, loin du mainstream d’aujourd’hui, ne séduit pas l’hexagone. Alors même que sa discographie compte bon nombre de titres intemporels, Nessbeal restera longtemps un roi sans couronne.
Après son dernier album Sélection Naturelle, en 2011 et deux apparitions en 2015 sur R.I.P.R.O Vol. 1 avec Lacrim et sur 20Z0, l’album de Zesau, Nessbeal demeurait aux abonnés absents. Forcément, la nouvelle du duo a réveillé les ardeurs d’anciens fans autant que des internautes. Comprenez bien : le monument NE2S, en featuring avec l’un des rappeurs les plus influents et novateurs de sa génération, cinq ans après sa dernière apparition dans le rapgame. Si prédire un classique avant la sortie d’un morceau est mal vu dans le milieu, il faut avouer que ça démange.
Quelques interrogations demeurent toutefois : quelle ambiance pour la rencontre ? Sur quel thème et quelle prod’ se fera le feat ? Que peut donc nous réserver ce rapprochement rapologique improbable ? Réponse le 19 juin. Pour ceux qui espèrent un retour de Nessbeal sur la durée et en grande pompe, ce dernier a bel et bien confirmé son comeback sur son compte Instagram avec un post mystérieux. Un peu de teasing n’a jamais fait de mal ! Ce n’est en tous cas pas notre coqueluche marseillaise qui dira le contraire. Patience, donc…
Une rencontre symbolique
Jul et Nessbeal partagent nombre de similitudes. Alors même que Nessbeal fait partie des ambassadeurs du genre, ses couplets aux influences plus « rue » que « bibliothèque» ont longtemps été stigmatisés. À Jul aussi, on a reproché un manque de profondeur. Le rappeur marseillais a longtemps été critiqué pour la simplicité de ses textes et sa productivité. Qu’on lui reproche tantôt la forme, tantôt le fond, ses détracteurs estiment qu’il privilégie la quantité aux dépends de la qualité. De ces deux poètes de la rue, on a dit qu’ils étaient analphabètes. Certes de deux générations différentes, le rapprochement semble presque symbolique…
« En studio c’est direct, t’inquiètes j’ai jamais fait de maquettes
Roi sans couronne, j’suis ce poète analphabète » Nessbeal, « Roi sans couronne »
Avec force entêtement, Jul a joué son propre remake de David contre Goliath. S’il a toujours voulu rester indépendant face aux Majors, il a aussi su en faire sa force. Souvent moqué voir détesté, il est adulé par sa communauté : au début de l’année, il devenait même le plus gros vendeur rap de l’hexagone. Quelle revanche pour Nessbeal, le «rappeur pour rappeur» qui aura connu le succès d’estime toute sa carrière durant…
Alors que la démocratisation d’internet a causé bien des galères à NE2S, Jul surfe aujourd’hui plus que n’importe qui sur la vague du numérique. Sur le titre «Rentrez pas dans ma tête», il offre même au rappeur légendaire une place de choix dans La Machine. Un comeback prometteur, qui débute par un avènement sur la place publique : le sacre par le J d’un roi d’autrefois. Puisque c’est Nessbeal, on espère que la couronne soit d’or. Et, peut-être, d’un peu de platine…
