La pétillante Maggie Rogers était à Paris la semaine dernière pour annoncer son nouvel album. Justfocus a pu lui poser quelques questions.
On vous en parle depuis 2017… Maggie Rogers, révélée par Pharrell Williams durant une masterclass dans son université, est une jeune artiste talentueuse et spontanée dont la musique nous avait particulièrement touchée. Nous avons eu la chance de la rencontrer pour en apprendre d’avantage sur son entrée dans le monde de la musique
Avant tout comment vas-tu ?
Ça va bien, merci. J’aime beaucoup être ici. Le fait de revenir sur Paris me rend très heureuse.
Il paraît que tu as fait ton Erasmus à Paris ?
Oui, c’était génial ! J’adore la culture française Xforce Crack. J’ai passé six mois ici en 2015… C’était à une période où j’étais vraiment perdue. Je n’étais pas sûre de ce que je voulais faire, ni si la musique c’était vraiment pour moi. J’avais besoin de sortir de ma tête et venir ici m’a permis de lâcher prise. Juste vivre, exister, expérimenter de nouvelles choses. Je suis tombée amoureuse de la dance à Paris mais aussi à Berlin. Ça a changé beaucoup de choses quand je suis rentrée aux states : sur ma façon de percevoir la musique notamment ! Soudain je pensais au rythme et c’était nouveau par rapport à ce que je faisais avant.
Tu as grandi avec plusieurs instruments et avec différents styles musicaux, mais ton choix s’est arrêté sur le folks et le banjo quand tu es allée au lycée. Comment et pourquoi ce choix ?
Je pense que le plus important c’était mon genre, parce que j’était une fille. Je sais ça paraît bizarre de dire ça Hotspot Shield VPN Crack. J’ai toujours joué de la guitare et j’ai très vite compris que je n’allais jamais jouer dans un groupe parce qu’il y avait trop de mecs qui en faisaient déjà. Donc en commençant le banjo, je savais que je serai la seule. Aujourd’hui je n’en ai plus besoin. Je crois qu’à cette époque je ne pensais pas que je pouvais vraiment utiliser ma voix. Je pense que j’ai commencé à avoir un peu de ressentiment parce que cela me marginalisait et que je produisais en même temps. Lorsque tu produis, tu ne peux pas jouer sur tous les instruments, ni programmer tous les instruments. Mais, le banjo c’était quand j’étais au lycée. Et puis je suis allé à l’université, j’ai arrêté de jouer car j’étudiais surtout l’ingénierie et la production ; j’ai eu accès à des pairs plus ouverts, à une communauté plus inclusive et à de nombreux outils.
Alaska est la chanson qui t’a révélé au monde. Comment a été composée et arrangée cette chanson ?
C’était la première chanson que j’écrivais en deux an et demi. C’était pour mon projet de fin d’étude et j’étais très ennuyée parce que j’avais essayé plein de choses, j’étais en retard, et c’était à mon tour de montrer mon travail la semaine suivante. Puis c’est arrivé rapidement : écrire la chanson m’a pris 10 minutes. J’ai commencé à taper avec la main sur mon jeans et enregistrer m’a semblait plus simple en commençant par le rythme. C’était spontané, comme la façon dont j’écris généralement. Je n’écris pas très souvent, mais quand je m’y mets ça peut être rapide. Aujourd’hui, j’essaye d’être meilleure dans le travail d’écriture et d’écrire même quand je n’en ai pas envie, en pratiquant. Je pense que me reposer sur mon côté spontané, c’est spécial, mais je veux vraiment être meilleure. J’y tiens beaucoup. Et l’écriture c’est aussi ce que je préfère !
Now That The Light Is Fading ton premier Ep a été réalisé pendant ton dernier semestre à l’université. Est-ce que c’est seulement un projet de fin d’année ?
Oui c’est vraiment un projet de fin d’étude. J’ai fait ces 5 chansons en 3 semaines parce que je devais produire quelque chose pour l’école, Mais si j’avais su que j’allais les sortir, j’aurais plutôt fait un album. Tout est arrivé si vite avant que je n’ai eu le temps d’y penser. Les chansons sont terminées mais pas dans un ensemble. C’est comme si je n’avais pas fini ma phrase… En fait j’ai tout juste commencé !
En ce moment ils se passent beaucoup de choses dans le monde. J’ai lu que tu écris principalement sur les sujets qui te touchent. Sur quoi as-tu envie d’écrire en ce moment ?
Je ne me suis pas encore sentie particulièrement amenée à parler de politique dans mes textes. Mais ce dont je parle dans mes paroles sont des choses qui me sont arrivées personnellement. Ce qui arrive dans le monde peut être très divisant et, à moins que tu ne sois complètement vide d’empathie, tu le ressens dans ton environnement. Donc quelque part, je dirai que le monde extérieur joue un rôle dans ma vie et dans la façon dont j’expérimente les choses. Et comme je parle de mon expérience… Mais je n’ai jamais écrit une chanson qui soit seulement et complètement politique. Pas encore…
Que est ton processus de création de ta musique ? Les paroles avant le mélodie ? Comment se passe la composition ?
Parfois ça arrive en même temps. Et tout arrive très vite, c’est plus de l’intuition. Et chaque fois c’est différent. Parfois je joue du piano, parfois de la guitare, parfois c’est au synthé, parfois je marque seulement les temps et je trouve le rythme des mots qui va avec ce que je veux dire. Tu sais la créativité est un procédé très souple, tout comme l’écriture.
La percussion semble toujours très particulière. Comment est-elle composée et posée sur le titre ?
Je sais pas trop. Je choisis juste des sons qui m’attirent instinctivement. Je n’y pense pas trop. J’écoute différentes choses, j’en trouve certaines cool et je les mets de côté. Ce n’est pas très intellectualisé finalement. Je ne suis pas inquiète à propos du genre. Parce que le genre n’a rien à voir avec la musique. Je crois aussi que parce que ça vient de moi, c’est moi. Donc je ne me pose pas de questions : est-ce que ça sonne comme moi ? Si j’aime ça alors oui, c’est sûr ! Le cerveau peut être le pire ennemis des créatifs. J’essaie de ne pas trop penser…
Ta dernière chanson, Light On, est vraiment touchante. De quoi parle-t-elle ?
C’est la chanson la plus vulnérable que j’ai écrite. Après ma première vidéo tout d’un coup ma vie privée est devenu très publique. Il y avait beaucoup d’attente autour de moi. J’était sur le point d’avoir un breakdown face aux journalistes, parce que ça peut être très déshumanisant comme confrontation. Pendant longtemps j’étais très effrayée… Je n’ai jamais eu de doute sur la musique, mais quand c’est devenu mon métier, il est devenu évident qu’en tant que musicienne, mon quotidien ne serait que 30 à 40 % fait de musique. Mon vrai boulot aller être tout le reste : la promotion, voyager… Ce qui est génial mais compliqué à la fois. Ce que j’aime par dessus tout, c’est être en studio. Donc je savais que la musique c’était pour moi, mais j’avoue que pendant un moment je n’étais pas sûre de pouvoir faire tout ça. Tu sais, j’ai passé toute ma vie principalement seule dans une chambre avec un ordinateur à faire de la musique et soudain… Tout est devenu public.
Light on, je voulais écrire une chanson qui raconte cette histoire mais qui exprime aussi la joie que la musique et être sur scène est pour moi. J’ai écrit cette chanson comme une lettre à mes fans parce que pendant ma première tournée, quand tout était vraiment intense et trop, J’ai eu ces journées folles où tu te dis : « Je ne peux pas faire ça, c’est pas pour moi. » Et après je montais sur scène et c’était stupide ! Toutes les personnes qui venaient me voir étaient tellement présentes, pleines de lumière. Elles me racontaient comment ma musique les avait aidées à passer des épreuves, leur avait donné de l’espoir, qu’elles avaient dansé dessus lors d’une fête avec des amis… quelque chose d’aussi simple. Alors je leur ai écrit en retour. La musique nous aide à nous connecter aux autres. Ces concerts m’ont aidé à me connecter quand je me sentais coupée de tout. C’est pour ça que Light On est un remerciement : vous m’avez montré que vous étiez là pour moi alors je suis là à mon tour. C’est moi qui choisis d’être là, de rester et dire oui à tout ça !
Comment te sens-tu dans le monde de la musique à présent ?
Je suis finalement très heureuse. J’ai finis par apprécier cette vie, ce qui est vraiment génial. J’essaye d’être présente et je fais très attention où je mets mon énergie, dans les choses qui me stressent le moins. Quand ce n’est pas le cas : je suis humaine, parfois les choses sont ainsi et je fais avec. L’industrie de la musique est un milieu vraiment intense, mais c’est aussi un endroit où il a été possible pour une jeune femme de 22 ans d’entrer en studio immédiatement. Parce que j’avais une idée, les gens ont voulu parier dessus et c’est une source incroyable de pouvoir et de motivation. Maintenant j’ai 24 ans et je suis tellement inspirée et j’ai plein de visions ; je me sens privilégiée d’être entourée de personne qui sont la pour m’aider à faire en sorte que ces visions prennent vie. Je suis vraiment reconnaissante.
C’est un moment bizarre en musique. On est pas tout à fait sûr de ce que fait le streaming sur notre façon de créer de la musique. Il y a des singles qui sortent rapidement et des albums qui sont optimiser pour le streaming. Je ne sais pas ce que ça peut faire à des artistes comme moi; qui font attention à faire un travail qui vient des tripes. Je crois que c’est OK. Les gens trouveront le disque en temps et en heure, ou peut être qu’ils les veulent tous… J’aime ce que j’ai fait, mais pas seulement : j’en suis fière. C’était vraiment une thérapie essentielle pour moi. Je suis heureuse, je me sens libre et pleine d’espoir et excitée, mais seulement parce que j’ai été capable de me sortir de toutes ses émotions en écrivant à leur sujet.
Et en tant que femme, comment vis-tu cette expérience ? C’est un milieu très masculin ?
C’est un processus en 2 étapes en fait. C’est ma théorie. En ce moment il y a une prise de conscience et le mouvement #metoo est là pour valider la voix des femmes. Je pense que c’est aussi utile dans le monde de la musique parce que je suis une productrice / auteure de chanson et que je dois toujours défendre mon travail ou le qualifier. On est dans un monde aujourd’hui où les gens font activement de la place à différentes voix. Et ça c’est la chose la plus importante ! Que ce soit une question de genre, d’origine, de milieu socio-économique, la première chose qu’on doit faire, c’est faire de la place en politique, sur scène, sur toutes les plateformes publiques pour représenter qui nous sommes dans toute notre diversité. Nous sommes un peu en retard… beaucoup en retard dans la représentation.
Mais lorsque cette étape sera passée, j’aimerai voir un monde où je ne suis plus définie par mon genre. Je ne veux pas être une femme producteur, une femme guitariste. Je veux juste être guitariste ! La musique c’est une question d’écoute. Et si tu fermes les yeux et que tu écoutes une guitare, il n’y a pas de genre. C’est l’essence même de la musique : ça connecte les gens et il y a de l’humanité dans la façon dont tu joues ou tu chantes. La musique a cette faculté de montrer au gens ce que tu ressens sans leur dire. Et ça, ça n’a pas de genre, C’est juste humain !
On parle d’un premier album pour 2019 mais tu as déjà deux albums : The Echo et Blood Ballet.
En effet ! C’est mes débuts avec un label et je fais particulièrement attention à ce que mon album soit différent. Mais je suis très fière de ces 2 autres albums. Ce sont des déclarations complètes et j’aimerai bien qu’ils reviennent sur les plateformes de streaming. En ce moment j’essaye de comprendre si c’est le bon timing parce que sur ces albums tu peux m’entendre apprendre et expérimenter. J’ai beaucoup appris à lâcher prise sur la perception, surtout quand il s’agit de qualifier mon travail. Avant c’était super important pour moi que les gens sachent que c’était moi qui l’avait fait, qui avait écrit, composé, produit… Au final, j’ai réalisé que je savais que c’était moi qui les avait fait. Je n’avais pas besoin de validation. Les gens pensent et croient ce qu’ils veulent ; ça ne sert à rien de gaspiller son énergie à se justifier. C’est inutile de stresser pour ça, ça n’apporte rien. Certaines personnes pensent que pour asseoir un premier projet il faut que tu aies fait plein de recherche, ou que tu sois bien référencé sur Google. Il y a un mythe autour des premiers albums, comme si tu avais passé toute ta vie à le faire alors qu’en général tu as fait d’autres choses avant. Cet album n’est qu’un an et demi de ma vie. Il a été écrit et finit en 4 mois. Tout est une question de chronologie. Plus pour que les gens sachent où est le début et la fin de ce chapitre.
Que peut-on attendre pour Heard It In A Past Life, ton album ?
Tout d’abord j’ai grandi. Bon un peu comme tout le monde je suppose : je suis sortie diplômée et j’ai passé 2 ans dans le monde réel. Mais aussi, il y a eu toute cette évolution dont on a parlé avec le banjo et mon premier Ep où je suis plus en train d’expérimenter avec la musique électronique… Après ça, j’ai fait de la musique d’un peu tous les styles. Cet album, c’est un peu un mélange de tout ça : ça me manquait d’avoir de vrais instruments et être dans un groupe. Donc, il y a plus de piano, plus de guitare et je pense que les chansons sont plus assurées, de la même façon que je le suis à présent. Cet album est honnête et c’est mon seul but. Les gens pensent que mon histoire est une sorte de conte de fée, et elle l’est d’une certaine façon, mais ce n’est pas la façon dont je la ressens. On se représente beaucoup sur les réseaux sociaux et les gens se racontent des histoires tous les jours. Mais les choses sont souvent beaucoup plus simple qu’il n’y paraît. Je ne veux pas que les gens aient cette impression que je suis dans la représentation. Je veux juste qu’ils sachent que je suis … humaine !
Superbe moment de confidence avec une jeune femme simple, mature et sûre d’elle, déjà très professionnelle dans son approche de la musique et surtout qui sait où elle va et ce qu’elle veut. Un vrai plaisir de voir qu’il existe de telle personnalité ! Une belle artiste en devenir.
Son album sortira en janvier 2019. Elle sera à la Gaîté Lyrique le 22 février. A ne pas manquer !