La belle américaine Julianne Moore a reçu l’Oscar de la « meilleure actrice » pour sa sublime prestation dans Still Alice, un drame attachant disponible sur Netflix. Still Alice représente une inéluctable et précoce descente vers la perte des souvenirs. Les deux réalisateurs, Richard Glatzer et Wash Westmoreland, mettent en scène une femme, une mère et une professeure de linguistique talentueuse. A 50 ans, Alice Howland est riche d’une existence comblée, jusqu’au jour où elle se voit contrainte de perdre ses capacités cognitives au quotidien.
Une vie de rêve
Le film connait un long démarrage où l’on prend part à une vie de famille. Le spectateur est intégré dans leur vie sans grande surprise.
Alice et son mari John représentent à eux deux un couple comblé et ingénieux. Lui scientifique, elle professeure de linguistique très admirée par son environnement professionnel. Parents de trois enfants désormais adultes, leurs rapports sont semblables à ceux d’une famille traditionnelle. Quelques réunions familiales, des petits secrets qui éclatent sans trop laisser de traces, de l’écoute, des désaccords, des projets… et par dessous tout beaucoup d’amour. Bien que la passion pour le théâtre de l’une de leur fille, Lydia (interprétée par Kristen Stewart) n’inspire pas la famille, Alice voudrait s’y intéresser mais c’était compter sans son emploi du temps garni et son incompréhension pour cet intérêt « abstrait ». Cette image d’un membre d’une famille unie qui sort du lot reste semblable à beaucoup de films ordinaires, comédies et drames confondus.
Une nouvelle déchirante
C’est lors d’une conférence que l’allée vers l’oubli s’ouvre à elle. Ainsi, après ces dizaines de minutes relativement calmes on assiste au dévoilement de l’intrigue qui bousculera grandement le film.
Alors qu’Alice présente l’une de ses expériences cognitives devant un public d’étudiants, un mot lui échappe soudainement. Soit. Ce doit être la fatigue ou le surmenage. Et si elle allait faire un footing après cette longue journée ? Voilà une belle occasion de se vider l’esprit. Encore faut-il retrouver son chemin dans un lieu que l’on connait pourtant bien… Un nouvel oubli cette fois plus important l’amène à ne plus savoir où elle se trouve pendant de longues minutes. Cette situation angoissante poussera Alice à faire des examens poussés qui lui révéleront un Alzheimer diagnostiqué précoce. Autrement dit, elle est atteinte d’une forme extrêmement rare et héréditaire de déficience cognitive.
Désarroi, honte, dépendance, être un poids… Ce sont toutes ces sensations qui l’ont habitées lors de cette annonce terrifiante pour cette femme caractérisée par son intellect. Comment évoluera la maladie ? Julianne Moore incarne à la perfection cette phase de remise en question qu’ont, on l’imagine, les malades lorsqu’ils apprennent qu’ils sont « condamnés » à évoluer avec.
Rester digne
Still Alice vous mettra face au combat d’une femme épaulée par sa famille. Quoique…
Etonnamment, alors qu’Alice faiblie tout en gardant des ressources incroyables, son mari est bien trop occupé à satisfaire sa carrière ambitieuse. C’est alors sa fille, Lydia, qui va prendre les choses en main et consacrer du temps à sa mère. Du temps si précieux qu’il faut vivre chaque moment afin que son souvenir ne disparaisse à tout jamais de la mémoire d’Alice.
Ensemble elles contemplent, profitent, se remémorent, se retrouvent et vivent. Kristen Stewart se place alors dans la peau d’une jeune adulte responsable qui met de côté sa passion jugée par sa famille pour se reconcentrer sur l’essentiel. Et il faut dire que ce rôle lui colle plutôt bien à la peau.
Alice se rend admirable dans la façon qu’elle a d’anticiper cet « art de perdre au quotidien. » Ce type d’Alzheimer va très vite et s’empare peu à peu du nom des objets ainsi que de celui de personnes croisées. Face à cette situation qui lui déplaît, Alice agit et s’aide de son téléphone pour se créer des questionnaires programmés quotidiennement. Comment se nomme sa première institutrice ? Où vit-elle ? Et même, combien a t-elle d’enfants ? Lors d’une conférence sur la maladie, Alice témoigne et inspire malgré elle tout son public en se décrivant comme « l’ombre d’elle même qui tente d’être prise au sérieux ».
Still Alice représente un drame tout aussi touchant que perturbant. On comprend mieux la maladie et la compassion nous émane face la personne qui en est atteinte. C’est comme-ci on venait vous voler des morceaux de vous et de votre passé tous les jours un peu plus jusqu’à ce qu’il ne vous reste plus rien. Et qui serions-nous sans nos souvenirs ? Sans la parole et l’esprit ?