Critique « Seven Sisters » de Tommy Wirkola : de l’action pas chère, un avenir prometteur pour le genre

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Après le genre horreur humoristique, Tommy Wirkola s’attaque à la dystopie avec Seven Sisters (What Happened to Monday en version originale). Un nouveau film d’action porté par une (des) femme(s) forte(s) ! Carton plein pour Noomi Rapace dont la prestation n’arrive pas à combler la superficialité du scénario qui pose un univers dystopique bourré à l’adrénaline plutôt qu’à la réflexion profonde. D’un idée de départ avérée, actuelle et très préoccupante, le film mise tout sur l’action au détriment d’une volonté militante que veut ce genre.

Noomi x 7 Critique "Seven Sisters" de Tommy Wirkola : de l'action pas chère, un avenir prometteur pour le genre

De la « série B » indépendante

Le terme n’est pas à prendre péjorativement. Allez voir du côté de Tarantino et Robert Rodriguez, vous comprendrez ! Coutumier d’un genre d’horreur loufoque, Tommy Wirkola réalise avec Seven Sisters son sixième long métrage et le premier dans le genre dystopique. La critique tiendra compte de cette situation. Produite par Raffella da Laurentiis et Netflix, la dystopie s’est tournée intégralement en Roumanie en 94 jours. Le réalisateur maîtrise sa mise en scène qui amène du rythme à l’action. Efficacité certes, mais pas vraiment d’originalité ni de « patte ». On aurait apprécié quelques « plans signature » ou des mouvements de caméra virtuoses (dans ce monde surpeuplé). La bande son ne mérite pas de s’y attarder tant elle reste simple et digne d’un film d’action quelconque, sans apporter de thème particulièrement mélodique.

Tous ces éléments techniques en font un film que l’on pourrait qualifier de « série B » car il ne se distingue pas vraiment de ses prédécesseurs du genre. Situé entre deux niveaux économiques, le film tente de « faire du blockbuster » avec des moyens de petites productions (on parle de millions de dollars quand même). Tommy Wirkola est encore au début de sa carrière cinématographique et la route est longue avant de se rapprocher de références comme Les Fils de l’Homme (2006) ou 1984 (le remake de la même année). Toutefois, le scénario de Seven Sisters est original. C’est tellement rare qu’il faut le souligner. Contrairement aux deux films précédents qui sont des adaptations d’œuvres littéraires.  

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Un propos pas assez creusé

Black-listé de la promotion 2010, le scénario du film peine à se trouver un chemin clair. L’action est prédominante même si on tente d’aborder des thèmes propres à la dystopie (société civile, mœurs, religion) mal menés. Pour celles et ceux qui s’attendent à un Blade Runner au féminin ou un autre Gattaca, la déception sera de mise. Visuellement, l’autoritarisme de la société est incarné par ses affiches, ses sas d’entrée et sa police ultra répressive (avec son lot de cowboys, qui ont des choses à se prouver visiblement). En 2073, les hologrammes règlent nos vies, mais dans Seven Sisters l’évolution technologique se pose plus comme une toile de fond qu’une intrigue qui se développerait en interaction avec elle. Exception faite au verrouillage des armes à feu !!

Le message de fond est relayé par un court montage d’archives au début du film. Est-ce une volonté claire d’annoncer le contexte pour pouvoir se concentrer sur l’action le reste du temps ? Le personnage de Glenn Close viendra reprendre ce pamphlet par son dialogue en fin de film, proposant une analyse pessimiste de l’avenir. Sauf que le message n’arrive pas à passer. On regrette qu’il ne soit pas plus remis en cause par les personnages ni débattu pendant le film. Encore une fois, ce n’était peut-être pas la volonté artistique première, donc notre opinion reste personnelle. On peut toutefois être déçu du traitement d’un sujet si sensible (la surpopulation) qui menace notre planète depuis des années. De nombreux scientifiques se sont penchés sur le sujet. Le film expose plus un constat pessimiste de l’avenir si on ne fait rien qu’une piste de réflexion sur les solutions à trouver pour ne pas en arriver là ! L’étiquette du film indépendant aurait justement permis cette approche, par manque de budget pour produire de l’action over-priced à la Hollywood et autres spectres marvelistiques décérébrés ! Malheureusement, et comme bien souvent, la forme prend le dessus sur le fond et on souhaite en mettre plein la vue au spectateur. Car, rappelons-le, le 7ème art contemporain est devenu un business….

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Noomi Rapace puissance 7 

On ne peut qu’acclamer la performance de l’actrice suédoise ! Les équipes techniques de Jose David Montero, le chef op, ont dû faire preuve d’ingéniosité et de démerde, disons-le, pour constituer cette fratrie. La prolifération d’effets spéciaux et visuels au cinéma amène une batterie d’instruments coûteux et où il faut plus « tenter des trucs » que lire des manuels. Ian McKellen a bien d’ailleurs failli quitter prématurément le tournage du 1er Hobbit car il ne s’y faisait pas avec ce fond vert et le fait de donner la réplique……à du vide ! Dans Seven Sisters, l’astuce est millimétrée et l’on ne peut que féliciter la performance technico-artistique. Noomi Rapace fusionne et se distingue à la fois dans le personnage de Karen Settman et des sept sœurs. Visuellement, on a compris que les perruques et le maquillage suffisent. En profondeur, l’actrice arrive à incarner chaque jour de la semaine avec des traits de caractère fort bien menés. Pour en arriver là, Noomi Rapace avoue s’être esseulée la majorité du tournage afin de pouvoir jongler habilement entre ses divers personnages. Loin d’incarner sept personnes diamétralement opposées, elle a le mérite de jouer plus d’un seul personnage dans le film. Et rajoutés à ça les casse-têtes techniques, on ne peut que saluer le travail de l’actrice.

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Le réalisateur disposait également de deux comédiens talentueux que sont Glenn Close et Willem Dafoe. On regrettera la sobriété de leur jeu. Glenn Close a déjà fait mille fois ses preuves dans le rôle de la dirigeante peu scrupuleuse et froide. Cependant, on l’a trouvée froide et très peu expressive (sans doute dû à ses lignes de dialogue qui frisent la banalité). Elle tente d’imposer son personnage dans cet univers, mais elle n’est que trop inconstante, n’arrivant pas à s’affirmer réellement. La scène de réception finale en est un bel exemple. On adore Willem, mais là, malgré sa justesse, il n’est qu’un spectre, un mentor qui n’est pas clairement défini. Il initie logiquement le récit, mais n’arrive pas à être crédible dans son rôle de professeur/protecteur. De plus, sa disparition soudaine du récit reste inexpliquée et on aurait aimé en savoir plus sur ce grand-père gavé d’amour pour ses sept petites-filles. D’emblée la pierre serait à jeter au réalisateur, sans doute dépassé par la technique et la gestion de Noomi Rapace, qui n’aurait pas accordé plus d’attention à ces deux monstres du cinéma que sont Glenn Close et Willem Dafoe. Encore une fois, ce ne sont que des suppositions pour expliquer cet écueil d’interprétation. 

Noomi Rapace étincelle dans Seven Sisters, un thriller d’action sous couvert dystopique. On regrettera de ne pas en savoir plus sur cet univers. Une adaptation sérielle en anthologie (en 7 épisodes par exemple) aurait permis d’approfondir les relations entre les sœurs qui sont réellement mises à l’épreuve quand Monday disparaît.

 

Bande Annonce de What Happened to Monday (Seven Sisters) :