“Monsieur Chocolat” : conte cruel avec Omar Sy – La critique !

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Il faut toujours se méfier des films moraux, à fort caractère politique. On craint de passer un mauvais moment, de se retrouver engoncé dans nos culpabilités, d’être pris dans un étau social qui ne nous concernerait pas. Nous sommes partis avec cette idée lors de la projection en avant-première, organisée par Gaumont, du film « Chocolat », réalisé par Roschdy Zem, avec Omar Sy et James Thierrée. Dans les salles le 3 février.

« Chocolat » est un conte tiré d’une histoire vraie. Un conte, car c’est un voyage féerique, fantasque qui part d’une petite province française pour trouver sa consécration dans la capitale, ville-lumière : Paris. Une histoire vraie, car le film revient sur la vie trop longtemps restée dans l’anonymat du premier clown noir de notre beau pays : Chocolat. Jouant les cannibales au début du film pour un petit cirque de village, Rafael Padilla, le vrai nom de « Chocolat » qui n’est qu’un nom de scène, connaît un certain succès. Mais il reste cantonné à ce rôle de sauvage de la jungle, faisant de lui une attraction exotique pour le public blanc venu s’effrayer et s’émouvoir des talents d’interprétation de l’artiste noir.

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Parallèlement, « Footit », le clown blanc de ce cirque joué par l’acteur suisse James Thiérrée (le petit-fils de Charlie Chaplin), connaît une histoire inverse. Le clown blanc ne fait plus rire, et il tente désespérément de convaincre le patron de l’établissement de lui laisser encore jouer quelques scènes en solo, convaincu qu’un soudain succès viendra à nouveau en lui. Il lorgne et jalouse légèrement sur « Chocolat », bien qu’il porte paradoxalement en affection l’ancien esclave qui a fui son Cuba natal.

C’est alors qu’un nouveau duo se forme : « Footit » et « Chocolat » s’entendent bien, très bien même : ils élaborent ensemble des numéros qui vont ravir les spectateurs présents chaque soir dans ce cirque aux allures de fête populaire. Immanquablement, le succès toque à leur porte, ils se font débaucher par le célèbre Joseph Ollier (créateur du Moulin Rouge et de l’Olympia). Ils atteignent désormais le firmament de la notoriété.

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Mais tout succès a son revers, d’autant plus que « Chocolat » est noir, dans une société où la France est encore un empire colonial, et où les débats raciaux passionnent les foules. « Chocolat » va apprendre à ses dépens que les élites du peuple français goûtent encore mal la différence, et veut lui faire payer cher son accession si soudaine à la gloire et à la richesse, lui qui n’a même pas de papiers français.

Gaumont, le producteur et distributeur du film, a eu l’audace de soutenir ce film au fort message politique, en ces temps troublés. Si Gaumont est donc audacieux, il est aussi visionnaire, tant ce film, très bien réalisé et offrant un large éventail d’impressions et de sentiments, ravive les côtés sombres de notre histoire commune en la revêtant dans un bel habit de lumière.

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