Dr Brain, un thriller étonnant ou une histoire des méninges

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Pour sa première incursion dans le monde des séries, Kim Jee-woon, réalisateur de 2 sisters, A bittersweet life… choisit d’adapter un webtoon fantastique où il est question de pirater des souvenirs et de scanner des cerveaux pour trouver des indices. À prendre ou à laisser. Soit on jugera le sujet et la mise en scène complètement absurde, soit on se laissera glisser dans cette remise en question virtuelle et pour le moins qu’on puisse dire, singulière.

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L’histoire

Lorsque Koh Se-Won (Lee Sun-Kyun) était enfant, sa mère est décédée dans un accident de voiture. Il décide par la suite de devenir scientifique et de se spécialiser dans le domaine du cerveau. Diagnostiqué comme autiste, c’est un génie qui retient tout ce qu’il lit ou voit. Un jour, une personne mystérieuse le contacte et lui demande d’extraire des informations du cerveau d’un homme qui s’est suicidé. Koh Se-Won accepte mais il échoue. Quelques jours plus tard, il se comporte différemment et se rend compte qu’il a acquis des souvenirs et des traits du caractère du mort. (Asianwiki)

Fiche technique

Titre original Dr. 브레인 (Corée du Sud)
Basé sur Dr. Brain de Hongjacga
Genre : Drame, Science-fiction
Réalisé par Kim Jee-woon
Avec : Lee Sun-kyun, Lee Yoo-young, Park Hee-soon, Seo Ji-hye, Lee Jae-won, Uhm Tae-goo

Impressions

Kim Jee-Woon apprécie les trop-plein. Nous remplir l’écran de combats, de sang, de gore, d’horreur, de sentiments… quelle que soit la situation, elle s’entrechoque avec les limites de notre télévision, l’écran devient comme une fenêtre indiscrète qui ne se contente pas d’un fait isolé. Elle renforce l’angoisse par un manque d’espace.

Ce n’est pas sans une certaine surprise que nous découvrons la première série de notre réalisateur bien-aimé. D’ailleurs, au bout de quelques minutes on se demande où est-il passé, car malgré les couleurs saturées et les filtres qui rehaussent merveilleusement la lumière, l’image semble aussi vide qu’un no man’s land au milieu de nulle part. L’histoire se présente  d’une manière biscornue. Il va donc falloir s’accrocher pour bien comprendre. Mais comprendre quoi ?

Sewon est un neuroscientifique diagnostiqué comme étant atteint du spectre autistique. Il est né avec une anomalie cérébrale qui l’isole de la société. Il est complètement renfermé sur lui-même mais arrive quand même à vivre une vie plus ou moins normale avec sa femme et son fils. Découvrant que ce dernier souffre de la même pathologie, il consacre sa vie à la recherche avec un but précis : comprendre son propre cerveau et celui de son fils. Pour ce faire, il développe une technologie qui permet de synchroniser deux cerveaux. Jusque-là, soit. Mais du coup, on se voit immergés dans les décors des vieux Star Trek, avec des machines inexplicables remplies de toutes sortes de petites lumières dont le fonctionnement restera un mystère à jamais.

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Lee Sun-Kyun est toujours tellement intègre ! Il se lance toujours sans le moindre a priori derrière son personnage. Sa force de caractère se répand en dehors du téléviseur, sa voix s’impose et s’implante, promesse d’une histoire consistante et d’un moment de qualité. Alors, le voir tout sérieux entouré de tout ce matériel invraisemblable, nous fait faire un pas en arrière. Mais… bon… l’intrigue s’annonce intéressante. Quand il synchronise son cerveau (peu importe comment) avec celui de quelqu’un d’autre, il revient de l’expérience avec certains des traits de caractère de la personne sollicitée. Des souvenirs, certaines habilités…

Le créateur de la série fait un tel clin d’oeil à Sense 8, qu’il vaudrait mieux accepter tout de suite que l’auteur a repêché cette très bonne idée et qu’il a le droit de s’en servir pour d’autres fins. Sense 8, qui malheureusement est partie « en cacahouètes » et n’a plus trouvé de financement pour une troisième saison, mérite toutes sortes d’allusions. C’est à ce moment-là, alors qu’on vient de se faire une raison, que Sewon ne trouve pas mieux que de rentrer dans le cerveau d’un chat. Non, mais, pourquoi pas… Il arrive alors à sauter et à voir comme un félin.

Pourquoi Pulp Fiction a permis à Tarantino de devenir Tarantino ? Tout simplement parce que, à aucun moment, le réalisateur nous a permis d’oublier que nous étions en train de voir une bande dessinée. C’était étrange, nous assistions à la transformation des dessins inanimés, presque comme la fée de Cendrillon et sa courge et nous trouvions un plaisir inouï à suivre leurs aventures délurées, possibles justement parce qu’il s’agissait d’une bande dessinée. Tout ça pour vous dire que voir Lee Sun-Kyun sauter comme un chat donne un sentiment de ridicule et de WTF dont on ne peut plus se débarrasser.

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Gavés d’un jargon scientifique qui parasite la série plus que de l’alimenter, on s’accroche à l’intrigue. Un détective s’intéresse à l’accident qui a coûté la vie au fils de Sewon. Le scientifique, qui n’avait jamais cru à cette théorie malgré les avertissements de sa femme, se met à se synchroniser à droite et à gauche pour comprendre ce qui est arrivé à son fils. Le détective en question est interprété par Park Hee-Soon, que nous venons de voir baignant dans la testostérone dans My name. Cette fois-ci, il semble plutôt se noyer dans les vapeurs d’un joint. Ce ne sont que des rôles. Il ne s’agit pas de l’acteur mais du personnage mais, Park Hee-Soon semble contaminée par cette ambiance apathique, stérilisée et aseptisée qui nous incommode depuis le début. Cette ambiance léthargique et amorphe… Est-elle mise en place pour nous faire comprendre la pathologie du scientifique ? Veut-elle nous synchroniser avec son cerveau ? S’agit-il d’une façon très tacite de nous montrer ses émotions ?

Conclusion

Sewon cherche son fils. Nous, on cherche Kim Jee-Woon. C’est dommage parce qu’on reconnaît, au milieu de tous ces éléments assez déstructurés, une volonté de faire comprendre que Sewon a fini par voir ses défauts dans le cerveau des autres. Et que cela lui a permis de changer et d’avoir des émotions. Mais c’est tellement enfouit dans un amalgame de sujets lancés comme des météorites qu’on s’y perd !

On reconnaît les mouvements de caméra du réalisateur mais, avec une telle intermittence qu’on dirait qu’il joue à cache-cache, qu’il n’est présent que de temps en temps sur le plateau. La photographie est magnifique, on se croirait parfois dans les paysages d’Highlander. Sean Connery pourrait apparaître d’un moment à l’autre au milieu de ce brouillard et ce vert fluo. Si la série a voulu rester fidèle au webtoon, elle pèche par un manque cruel de développement. Kim Jee-Woon ne nous donne que des aperçus avortés. Quelques touches d’horreur. Oui, mais non… Les nouvelles données acquises par Sewon disparaissent alors qu’on les avait à peine vues. On ne peut que les attraper au vol.

On ne demande plus rien à la fin, même si le spectre de Lucy et son « nous ne sommes que connaissance » de Monsieur Besson plane sur la chute…