Un amour impossible : Christine Angot adapte brillamment son roman au théatre

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A quelques encablures de la place Clichy, dans la grande salle des ateliers Berthier, se joue Un amour impossible. Cette adaptation du roman du même nom de Christine Angot (primée en 2015) met en scène une mère et sa fille dans une histoire poignante et bouleversante.

 

La nécessité de dire et, au-delà, celle de comprendre 

La pièce s’ouvre sur une scène entièrement vide symbolisant une rue où mère et fille se retrouvent autour d’un événement qui va lancer la machine à remonter le temps : la mort du père de Christine.

Celle-ci est désorientée face à cette mort. Sa mère, de marbre, dépeint une tragique impossibilité de communication entre ces deux femmes. Tout comme la révélation de l’inceste par celle qui en a été victime. Christine aurait voulu dire la vérité à l’enterrement. Crier sa souffrance pour l’apaiser. Mais est-ce seulement possible ? Crier la vérité pour ne plus être dans le secret, la honte. Que la lumière soit. Bien qu’essentiel, le fait de dire n’est pas suffisant. Il faut comprendre, remonter le fil du temps.

 

De l’enfance à l’âge adulte : chronologie de souvenirs 

Il faut saluer l’immense talent de ce quatuor de femmes :

  • Christine Angot, dont l’adaptation pour le théâtre est merveilleuse
  • Célie Pauthe, dont la mise en scène est impeccable dans l’exercice périlleux de ces sauts dans l’espace et le temps
  • Bulle Ogier (Christine) et Maria de Medeiros (Rachel), deux comédiennes dont l’interprétation est remarquable

Ce n’était pas chose aisée que de jouer sans tomber dans la caricature. Une enfant puis une adolescente et une jeune femme, ainsi que les évolutions de la vie d’une mère. Pari réussi ! Le tout dans le même costume savamment travaillé pour ne pas tomber dans le cliché.

Le portrait de cette relation évolutive mère-fille est touchant, émouvant, dur parfois mais toujours juste. Et quant à l’insertion de la vidéo, qui sert à évoquer l’indicible, elle appuie les personnages et l’histoire qu’ils nous racontent.

 

Les déclinaisons d’un amour impossible 

L’amour impossible c’est d’abord celui de ses parents. Son père n’a en fait jamais voulu que la femme à qui il a choisi de faire un enfant fasse partie de sa vie. Parce qu’elle est d’une classe sociale inférieure, parce qu’elle n’est pas de la même confession que lui, parce qu’il la dénigre et la méprise, parce qu’il veut aussi et surtout l’annihiler.

De la même façon, il annihilera sa fille par des viols répétés sur plusieurs années, pour mieux atteindre la mère, pose l’auteure. Impossible amour filial.
Enfin c’est l’amour impossible entre Christine et sa mère Rachel après l’incapacité de celle-ci à réaliser l’inceste que Pierre fait subir à sa fille. Vient en suite son incapacité à en parler et à réagir une fois mise au courant. Comment alors reconstruire une relation ?

C’est en cela que cette pièce est lumineuse et porteuse d’un message d’espoir. Les deux femmes parviennent malgré leurs traumatismes respectifs, où le transgénérationnel joue une part cruciale, à retisser des liens une fois le passé mis à jour et les mécanismes démontés. 

 

Conclusion

Une pièce magistrale aux messages universels à voir absolument ! Les rires, les larmes, on est frappé en plein cœur dans notre humanité, et le message d’espoir que porte ce quatuor formidable donne foi en la vie, la résilience et l’avenir. Chapeau bas, un immense bravo et merci !

A noter : Christine Angot donnera une lecture de son texte « Conférence à New York », le samedi 4 mars, à 16h, aux Ateliers Berthier.