Les spectateurs sont rassemblés tel un jury de Cour d’assises.
Les faits ? Cinq ans auparavant, à la sortie d’une boîte de nuit, Gaspard Valeur kidnappe avec l’aide de quelques copains une ancienne camarade de classe de 17 ans, Louise Leduc, sous l’emprise de la drogue, et la viole.
Le procès se déroule. Interviennent tour à tour la Présidente de la Cour, l’avocat général, l’expert psychiatre, la mère de Louise, les avocats.
Louise nous raconte son calvaire. Encore tétanisée par la peur, elle cherche ses mots mais l’on comprend vite qu’il n’en existe pas vraiment pour décrire l’atrocité de ce qu’elle a vécu. Ses souvenirs sont flous et fragmentés, mais certains sont bien réels, il n’est pas permis d’en douter.
D’une certaine manière, ses agresseurs lui ont volé son intégrité et ses souvenirs. « Je suis morte, mais en continuant à vivre. Ils m’ont volé mon adolescence et projeté dans l’âge adulte, » dit-elle.
Elle nous explique qu’elle conçoit aujourd’hui une haine incommensurable pour tous les hommes. Elle ne peut que se voir laide et sale dans un miroir, avec le sentiment d’être une pute ! Elle a des crises d’angoisse, pousse des hurlements la nuit…
Louise attend la condamnation du violeur pour pouvoir s’aimer elle-même. Arrêter de survivre et réapprendre à vivre, enfin !
Gaspard Valeur, fils de bonne famille, est prétentieux, odieux, indifférent au drame de la jeune fille. Il n’a pas manqué de se vanter sur les réseaux sociaux d’avoir « baisé Louise », une fille facile et consentante ! Cela a déclenché à l’encontre de celle-ci des agressions sur le Net sous forme d’insanités, accentuant encore son calvaire.
Gaspard, enfant gâté, s’est en réalité comporté comme un animal ignorant cette évidence: l’amour ne se prend pas de force, il se donne !
On assiste au déroulement d’un procès dont l’issue semble incertaine. C’est Parole contre Parole, ainsi que l’on dit parfois ! La pièce nous fait plonger dans les arcanes du procès aux assises du violeur, mais un procès où la victime se sent devenir peu à peu l’accusée.
A la question de savoir si elle a eu des signes distinctifs de refus, Louise répond par la négative, étant droguée, paralysée de peur, en proie à une immense douleur.
Elle avait bu, elle portait une jupe, elle n’a pas de preuve vidéo, pas de témoins, elle consomme de la drogue occasionnellement, elle est devenue actrice, elle est issue d’une famille à problèmes…tous ces éléments font qu’elle n’est pas éligible au viol indique l’avocat général !
Et pourtant, chacun des jurés virtuels que nous sommes le sent bien, le sait bien en son for intérieur : Louise a bien été violée !
Comme droguée à la douleur, psychologique et physique, elle nous conduit aux limites de l’acceptable, et nous pousse à nous interroger sur la violence faite aux femmes, que l’on ne voit pas toujours ou que l’on sous-estime. Et l’on souffre avec elle !
L’on comprend hélas que le procès bascule en faveur du violeur, que c’est sa parole qui est prise en compte. On espère un revirement, on veut croire que justice sera rendue. On pense à ces milliers de femmes battues, violées, tuées.
L’on retient son souffle, jusqu’à la dernière minute ! Quel verdict : coupable, non coupable?
Les acteurs sont tous excellents, remarquables de justesse et de vérité dans ce spectacle qui constitue un véritable cri de détresse contre la violence faite aux femmes quand l’on sait qu’à peine 2% des viols aboutissent à un procès.
Un spectacle à voir absolument! !
Fabrice GLOCKNER
Avec Clémence Baron, Colin Doucet, Brieuc Dumont, Alexis Hubert, Caroline Saule, Mathilde Toubeau
Texte et mise en scène de Clémence Baron
Attachée de presse Dominique Lhotte
Régie Jean-Louis Baron
Au Sham’s Théâtre à Avignon les 7, 9, 11, 14, 16, 18, 21, 23, 25, 28, 30 juillet
En alternance avec Fallacia, un excellent vaudeville joué par la même compagnie, La Baronnerie