[Interview] Danièle Mahaut, auteure de « Merci d’être passée » à la Folie Théâtre

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Dans un Paris qui regorge de pièces de théâtre pour qui veut se cultiver, se distraire, s’émouvoir ou tout simplement passer un bon moment, notre plume s’est aventurée du côté de la Folie Théâtre, où, parmi la programmation, se niche Merci d’être passée, un spectacle joué jusqu’au 3 mars 2018. Rencontre avec Danièle Mahaut, l’auteure.

Dani¿le Mahaut [Interview] Danièle Mahaut, auteure de "Merci d'être passée" à la Folie ThéâtreDanièle Mahaut, 24 ans et à la ville Mathilde Partiot, a déjà à son actif plusieurs pièces de théâtre et une plume bien acérée. Nourrie aux comédies musicales (passage par l’Aicom), à la littérature (licence de Lettres Modernes), au théâtre (Conservatoire de Versailles en art dramatique), et désormais étudiante en master de cinéma, la jeune auteure, récompensée du P’tit Molière du meilleur auteur vivant, entretient depuis longtemps une relation étroite avec l’écriture. En ce moment, c’est sur les planches d’À la Folie Théâtre que l’on peut découvrir son dernier spectacle, Merci d’être passée. Huis-clos intimiste sur une relation plus qu’amicale entre deux femmes, l’œuvre aborde le temps qui passe, le rapport au corps et à la féminité, ainsi que les liens qui peuvent se créer entre des êtres que tout oppose.

JustFocus : Depuis combien de temps écris-tu ?

Danièle Mahaut : J’ai toujours été passionnée d’écriture ! Je me souviens avoir rédigé mes premiers poèmes à six ans, dans un cahier que je cachais dans ma chambre. Et même sans les coucher sur du papier, je passais mon temps à inventer des histoires… Ça me permettait de ne jamais m’ennuyer, j’avais l’impression de vivre deux fois plus fort !

De quoi parle Merci d’être passée ?

La pièce raconte l’histoire de deux femmes d’âges différents : Hortense et Axelle. La première, à la quarantaine entamée, est l’épouse de Richard, professeur de chant de la deuxième, tout juste 20 ans et accessoirement sa maitresse. Merci d’être passée est donc le récit de la rencontre improbable de ces femmes, qui, chacune à un tournant de leur vie et avec vingt ans d’écart, vont apprendre à se connaître et se découvrir…

D’où t’est venue l’idée de cette histoire ?

L’intrigue du spectacle est un mélange d’émotions et d’inspirations très diverses. J’avais depuis longtemps le pitch en tête : une histoire d’amour entre une épouse trompée et l’ex-maîtresse de son mari. Et l’envie également de travailler sur des relations de tensions et de différences d’âge. De manière générale, mon inspiration se fonde beaucoup sur les lieux. Je place en pensée mes personnages au cœur d’un endroit que j’ai côtoyé, et ce que leur présence m’évoque guide ma construction de l’histoire. Pour Merci d’être passée, je me suis souvenue de l’état de gêne qui m’habitait parfois lorsque j’entrais chez l’un de mes professeurs de chant. Il vivait dans un appartement tellement propre et rangé, qu’on aurait dit un intérieur témoin Ikea ! Quand j’y entrais, je trouvais souvent sa femme, tranquillement assise sur le canapé, qui lisait un magazine. J’imaginais ce que pouvait être son quotidien, rythmé par les allées et venues d’une multitude d’élèves comme moi.

 

« J’ai toujours été passionnée d’écriture ! Je me souviens avoir rédigé mes premiers poèmes à six ans, dans un cahier que je cachais dans ma chambre. »

 

Le processus d’écriture a-t-il été long ?

J’ai écrit le spectacle en juillet 2015, à 21 ans. Cette étape a été particulièrement rapide, environ deux semaines pendant lesquelles j’ai laissé courir ma plume. Je venais de valider ma licence de lettres modernes, et mon cursus à l’Aicom était terminé : j’avais l’impression de prendre mon envol ! Ce n’est que lorsque nous avons signé avec le théâtre que j’ai dû retravailler un peu le texte pour l’adapter aux conditions techniques de la salle et à la durée demandée.

Justement trouver un théâtre où jouer Merci d’être passée a-t-il été compliqué ?

C’est souvent difficile pour les jeunes compagnies de commencer à trouver leur place. Les théâtres n’osent pas toujours faire confiance, et il y a énormément de troupes qui recherchent des lieux pour jouer. Mais contrairement à l’habitude, j’ai eu de la chance dans ma recherche. Vincent Auvet, directeur du Théâtre Darius Milhaud, a eu un coup de cœur pour le projet et nous a accueillis à bras ouverts. Par la suite, nos nominations aux P’tits Molières ont facilité les démarches. Pour la reprise du spectacle dans un nouveau théâtre, j’ai pu choisir entre différentes salles. Je recherchais un lieu un peu plus grand mais qui permette également l’intimité entre les comédiennes et les spectateurs : la Folie Théâtre correspondait parfaitement à cette attente.

Comment s’est décidé ton choix pour les comédiennes ?

J’ai rencontré Anne Mano, celle qui joue Hortense, sur mon précédent spectacle : La Cité d’Adèle. Cela a été un coup de foudre artistique et un véritable déclic dans ma volonté de me lancer dans l’écriture de Merci d’être passée. C’est une magnifique artiste à laquelle j’ai voulu offrir ce rôle. Concernant le personnage d’Axelle, interprétée par Sandra Gaugué, nous l’avons tout simplement choisie sur audition. La metteure en scène, Cécile Carrère, Anne et moi avons tout de suite su qu’elle serait parfaite pour le rôle.

La pièce parle de sentiments, dans un huis-clos intime. Écrire est-il pour toi le moyen de digérer des évènements ?

Oui, totalement : écrire est pour moi un moyen de digérer les événements de ma vie… mais également de leur donner du sens ! Un peu comme une comédienne, je fais constamment appel à ma mémoire affective et sensorielle ainsi qu’à mes traumatismes et espérances. Mon spectacle est un mélange de déclarations d’amour, de revanches et de certitudes bien réelles, ancrées, évidemment, dans une trame fictionnelle où le réel et l’inventé ne doivent pas se démarquer l’un de l’autre.

Dans ton processus d’écriture tu puises donc une partie de ton inspiration dans ce que tu vis… Est-ce indispensable pour toi ?

De manière générale, je pense que, pour qu’une fiction intéresse et émeuve, il est nécessaire qu’elle soit imbibée de la sensibilité de l’auteur. Ensuite, viendront s’y mêler celles du metteur en scène et des comédiens, qui choisiront d’en mettre en avant les aspects qui les touchent et les concernent le plus. C’est peut-être cela qui provoque cette émulsion intense qu’est la magie du spectacle vivant !

Si tu signes le texte de la pièce, la mise en scène, quant à elle, est de Cécile Carrère. Était-ce une volonté de ne pas mettre en scène toi-même ton écrit ?

Oui, totalement ! Peut-être qu’un jour je mettrai mes spectacles en scène moi-même, mais pour le moment je me concentre sur l’écriture…je n’ai même pas encore terminé mes études !

Malgré cela, j’imagine que cela ne doit pas être évident de voir son texte transposé sur les planches par quelqu’un d’autre…

C’est une question qui revient très souvent. Je sais que ce n’est pas le cas pour tous les auteurs, mais, pour ma part, ça me plaît et je n’en ressens pas de frustration. Voir comment un metteur en scène donne vie à mon travail à sa manière est fascinant et impressionnant. Les métiers de la création se font en équipe, chacun doit trouver sa place. Il est néanmoins primordial de trouver un metteur en scène en qui l’on ait confiance. Ça a été le cas avec Cécile Carrère, qui m’avait été présentée par Anne. La metteur en scène a respecté mon texte, son sous-texte et mon univers tout en lui insufflant son propre regard.

En décembre dernier, tu as obtenu le P’tit Molière du meilleur auteur vivant pour Merci d’être passée. Qu’est-ce que cela représente pour une jeune auteure ?

Un immense honneur, une grande chance et beaucoup d’émotions ! Je ne pensais pas recevoir une récompense : le fait d’être nommée aux côtés de mon équipe était déjà formidable. Il y a une multitude de beaux spectacles qui se jouent, alors être mise en avant de cette manière est très encourageant. Vivre de mes écrits étant mon plus grand rêve, cela renforce mon énergie et me pousse à travailler toujours plus !

Des futurs projets ?

Côté théâtre, je suis à la recherche d’un metteur en scène pour un projet de thriller psychologique que j’ai fini. En parallèle, dans le cadre de mon M2 Scénario et écritures audiovisuelles, j’écris un long métrage sous la direction de l’auteure-scénariste Claire Barré. Par la suite, j’aimerais continuer à écrire pour le théâtre tout en élargissant mon activité à l’écriture cinématographique et télévisuelle.

 

Informations pratiques :

Jusqu’au 3 mars 2018, les vendredis et samedis à 19h30, À la Folie Théâtre, Paris 11ème. Tous les détails sur le site.

Mise en scène : Cécile Carrère, Texte : Danièle Mahaut, Comédiennes : Anne Mano et Sandra Gaugué