Critique : « Le Voyage de Gulliver », le géant et les marionnettes

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Le Voyage de Gulliver (crédit photo : Fabrice Robin)

Le roman de Jonathan Swift, Les Voyages de Gulliver, n’en est pas à sa première adaptation théâtrale, même si celles-ci sont plutôt rares. En revanche, elles ont été plus fréquentes au cinéma. En 2010, le personnage éponyme avait été incarné par Jack Black sous la direction de Rob Letterman. Cette fois, Valérie Lesort et Christian Hecq mettent l’œuvre littéraire sur scène. Ils proposent une version brillante et originale à l’Athénée Théâtre, après leur adaptation de 20 000 Lieues sous les mers en 2015.

Pour replacer la pièce dans son contexte, on suit le personnage principal, Gulliver, un chirurgien anglais du XVIIIème siècle. Après un naufrage, il se retrouve sur l’île de Liliput, dont les habitants sont minuscules… Tandis qu’il est considéré comme un géant par ces derniers ! Pour cela, le duo Valérie Lesort-Christian Hecq rétrécit ses comédiens qui prêtent leurs traits à leur propre marionnette dans une véritable prouesse technique. Gulliver, lui, conserve sa taille et rend tous les services possibles à ces petits hommes et femmes tyranniques. Tantôt, il leur permet de se déplacer à la vitesse de la lumière, tantôt, il leur sert d’arme de guerre. Car oui, les Liliputiens sont en guerre contre les Blefusciens… Pour des histoires d’œuf à la coque.

Gulliver et l'impératrice Cachaça (crédit photo : Fabrice Robin)
Gulliver et l’impératrice Cachaça (crédit photo : Fabrice Robin)

Une satire sociale toujours actuelle

À sa parution, le roman satirique de Jonathan Swift a d’abord été censuré. Dans cette adaptation, les metteurs en scène ont conservé la subversion. Les thèmes sont nombreux, mais aussi particulièrement actuels. La pièce aborde la quête de pouvoir à tout prix au travers de conflits ridicules et de caprices mais aussi la peur des différences. Que dire si ce n’est que cette critique des puissants résonne encore aujourd’hui ?

D’ailleurs, si certaines références peuvent échapper à un jeune public – très représenté dans la salle -, les adultes, quant à eux, se délectent de toutes les subtilités du texte. Peu importe l’âge du spectateur, on rit, mais pas toujours des mêmes choses. Le Voyage de Gulliver mêle à merveille l’humour à son propos critique de la tyrannie.

Quelques cœurs apparaissant autour de deux amants liliputiens (crédit photo : Fabrice Robin)
Quelques cœurs apparaissant autour de deux amants liliputiens (crédit photo : Fabrice Robin)

Un spectacle d’une grande créativité

Le rire passe également par la présence de plusieurs numéros musicaux particulièrement réussis, notamment quand l’impératrice Cachaça se libère sur une danse sexy. La pièce se retrouve alors à mi-chemin entre le théâtre et la comédie musicale, et le charme opère. La mise en scène de Valérie Lesort et Christian Hecq est la représentation même d’une symbiose artistique entre chacun de ses membres.

La féérie fonctionne davantage quand les marionnettes prennent vie avec les visages des comédiens, très expressifs. Sur un fond noir, avec des décors de toiles peintes, l’illusion est parfaite. Dans la note d’intention, l’équipe artistique dévoile avoir utilisé le procédé du théâtre noir qui permet notamment d’effacer les vrais corps des comédiens, qui font eux-mêmes se mouvoir leurs marionnettes d’une cinquantaine de centimètres.

Bonne nouvelle pour ceux qui habitent hors d’Île-de-France, Le Voyage de Gulliver sera en tournée dans toute la France dès le 1er février en commençant par le Théâtre des Célestins de Lyon ! Pour les parisiens, il est encore temps de découvrir le spectacle jusqu’au 28 janvier. Et si vous souhaitez rire un peu plus, on vous invite à aller voir On est toujours le vieux d’un autre au Théâtre du Gymnase Marie Bell.

Le Voyage de Gulliver
Mise en scène de Christian Hecq et Valérie Lesort
Du 11 au 28 janvier 2022
Théâtre de l’Athénée-Louis Jouvet
7 Rue Boudreau, 75009 Paris
01.53.05.19.19