Aimer tue : une pièce dynamique et originale

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Mourir d’Amour ? Quel Grand Amoureux n’a pas éprouvé la tentation du suicide ou n’est-il pas passé à l’acte, suite à l’abandon de l’être follement aimé ou au cruel constat d’un amour impossible, à l’image du Werther de Goethe ?

L’histoire

Nous ne sommes pas ici dans cette thématique. L’histoire est simple, mais peu courante. Un bijoutier, Paul Klébert, voit entrer dans sa boutique une femme ravissante, Christelle Verdier qui souhaite s’offrir un collier et un bracelet.
Il est hypnotisé par ses mains, fasciné par sa nuque, frappé par son charme ; secoué, électrisé, victime d’un choc et vite totalement asservi à son image

Si je me décide, je reviendrai bientôt, lui dit-elle en sortant de la bijouterie.

Paul Klébert voit en elle la pièce manquante du puzzle de son être, du puzzle de ses désirs. Chaque nouvelle sonnerie de porte l’enflamme d’un nouvel espoir, mais retombe vite devant l’arrivée d’un nouveau quidam.

Christelle revient finalement acheter le bracelet le collier dont il fragilisera le fermoir pour qu’elle le ramène en réparation. Elle acceptera ses invitations régulières dans une brasserie, toujours à la même place, en portant les deux bijoux, témoin de leur rencontre.

Mais il s’agit d’un amour à sens unique. Christelle n’éprouve aucun sentiment pour Paul. De femme courtisée, elle devient vite l’objet de sa dépendance, qu’il croit posséder. C’est un amour narcissique dans lequel lui et l’autre ne font qu’un.

Pourquoi ne s’avoue-t-elle pas qu’elle m’aime ? va-t-il jusqu’à clamer. Il bascule alors dans la folie…

 

Un spectacle original et interactif

D’une réelle originalité, Aimer tue se déroule à plusieurs niveaux. Il s’agit d’un procès en Cour d’Assises qui ne livre aucun verdict. C’est le public qui à la fin du spectacle se prononce sur le sort de l’accusé.

Des voix Off (le juge, les avocats, un témoin) exposent les faits. Paul Klébert, magnifiquement interprété par François Cracosky, d’une manière sensible et touchante, juste et profonde, raconte les scènes vécues avec Christelle. Nous sommes suspendus à ses lèvres. Dans ce seul en scène, il réussit à nous emporter dans son univers délirant, mais sans haine ni haussement de ton particulier, avec une certaine froideur, qui nous pousserait presque à croire qu’il est, lui, la victime de cet amour impossible et qu’il s’en est presque pris à lui-même, en s’attaquant ainsi à Christelle, en laquelle il voyait une partie indissociable de sa propre personne. Nous plongeons dans les abimes de se sentiments, les méandres de ses délires paranoïaques.

Est-il coupable d’avoir aimé à la folie ? La folie a-t-elle aboli son discernement ? L’amour subordonne-t-il toute raison ?

Ce sera à vous de trancher, Mesdames et Messieurs les Jurés-Spectateurs, au terme d’un spectacle d’une heure, d’un grand suspens, qui vous bouleversera.

Le texte de Myriam Grélard est admirablement écrit et ciselé, sans fioritures inutiles. Sa mise en scène très ingénieuse nous amène constamment à nous interroger sur la puissance de l’amour, et plus encore d’un impossible amour ! Ne sont-ce pas finalement les plus puissants, les plus tragiques, les plus exaltants et les plus inspirants ?

 

Ces mots de l’immense poète et chanteur que fut Léonard Cohen pour achever cette chronique :

L’Amour est un feu.
Il brûle chacun.
Il enlaidit chacun.
C’est l’excuse qu’a trouvée le monde d’être si laid.

 

Informations pratiques :

Théâtre du Chapeau rouge
Rue du Chapeau rouge
84000 – Avignon

7 au 30 juillet 2022
à 17h20

Relâche les 12,19,26 juillet

Auteure : Myriam Grélard
Comédien : François Cracosky
Metteuse en scène : Myriam Grélard
Attachée de prese : Dominique Lhotte