Critique « Quelqu’un doit mourir » (Netflix) : bon chic, mauvais genre

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Dans la lignée de sa précédente série La Casa de las flores, le mexicain Manolo Caro retrace dans Quelqu’un doit mourir (Alguin tiene que morir) l’explosion d’une famille aisée, cette fois-ci marquée par l’homophobie et l’Espagne franquiste.

Une riche demeure isolée, une famille avec des secrets enfouis et un titre explicite… On s’attendrais presque à ce que la mini-série Quelqu’un doit mourir soit une énième enquête policière inspirée d’Agatha Christie. Si le décor et l’atmosphère correspondent aux codes du genre, le whodunit, le contexte est tout autre. En 1954, les Falcón arrangent le mariage de leur fils Gabino, de retour après 10 ans d’exil au Mexique. Problème : le jeune homme est accompagné d’un danseur de ballet, ce qui passe mal pour son entourage et surtout pour son père, haut fonctionnaire franquiste traquant les « déviants ».

Parcours trouble

La période franquiste est encore aujourd’hui un sujet très sensible en Espagne, mais le réalisateur a su rendre compte de cette époque de tensions, de peurs et de répressions. Des geôles de « rééducation » aux salons guindés de la bourgeoisie, la délation et les griffes du régime ne sont jamais loin. Traiter de l’homosexualité, prise au mieux à cette époque pour une maladie, s’avère être un pari complexe mais réussi. Face à la classique figure efféminée du danseur, le parcours d’un ami d’enfance de Gabino Falcón est beaucoup plus intéressant. Fils de bourgeois au penchant inavoué, il tente tant bien que mal de maintenir une façade conforme à sa classe, quitte à user de violence gratuite pour brouiller les pistes. Mention spéciale à Ester Exposito pour son rôle de fiancée pas si innocente.

Tir au pigeon et chasse à l'homme Quelqu'un doit mourir
Abattre des pigeons, la clé pour sortir d’une cage dorée ?

La bande son, peuplée de violoncelles et de claveçins, renforce cette atmosphère d’étouffement des personnages, prisonniers par leurs natures et par le conformisme. Certes, ces derniers correspondent à des archétypes (la matriarche, la servante, le fils prodigue, etc.) et on devine aisément leurs trajectoires. Quelques développements paraissent forcés, presque voulus pour répondre au cahier des charges de la plateforme. Cependant, la brièveté de la série et un jeu d’acteur maitrisé conservent l’intérêt du public, juste ce qu’il faut pour arriver à un final explosif. À l’image des pigeons abattus sans-cesse par les protagonistes durant les trois épisodes « Armez / En joue / Feu ! », les Falcón s’empêchent mutuellement de s’envoler, jusqu’à ce qu’une seule solution s’impose : quelqu’un doit mourir… mais qui ?

Quelqu’un doit mourir est une série aux propos et au contexte forts. Classique dans la forme, elle n’échappe pas à quelques lacunes. Mais on se prête facilement au jeu des Falcón, as de la gâchette et de la manipulation.

Bande annonce de Quelqu’un doit mourir (Netflix)