Un plateau éclatant de bleu, de blanc et de rouge nous attend au Théâtre de la Gaieté, pour un spectacle très patriotique, « l’Appel de Londres »…
Philippe Lelouche prétend vouloir défendre les valeurs françaises. Il ne veut pas avoir honte d’aimer la France, et ne veut pas être considéré comme un facho pour cela. Jusque-là, tout va bien. Mais dès les quinze premières minutes du spectacle le chauvinisme français prend toute la place. Les personnages trinquent « à la France », pour « profiter d’être français », autour d’une table où reposent quelques drapeaux français.
Entre la glorification du citoyen parisien considéré comme un héros qui se bat pour un « salaire misérable », les discours selon lesquels « la France est le plus beau pays au monde », où sont « les plus belles montagnes et la meilleure bouffe du monde », et la déclaration d’un personnage qui avoue qu’il veut quitter l’Angleterre parce que son patriotisme le rattrape et qu’il souhaiterait que ses enfants grandissent en France, le nationalisme commence à devenir inquiétant. Un amour pour la France qui serait beau et encourageant si les mauvaises blagues concernant les différentes cultures autres que françaises étaient évitées.
Un humour efficace malgré sa récurrente vulgarité machiste et chauvine. Le jeu des acteurs est plutôt bon, grâce à une belle complicité tissée par dix ans de travail collectif, et chaque acteur fait rire par ses mimiques et la sympathie naturelle qui s’en dégage. Néanmoins, la volonté de faire rire le public dessert la pièce, en partie à cause des coups d’œil jetés furtivement par les comédiens qui vérifient si le public rit.
Des accidents de parcours, tels un verre qui se casse ou du mobilier qui tombe, sont bien rattrapés et le public n’y voit que du feu. Philippe Lellouche prétend montrer du doigt une France qui n’a pas le courage de se prendre en main, et pour cela quelques discussions révolutionnaires s’engagent, pour le plus grand plaisir du public mais ne sont malheureusement pas développées. Peut-être qu’une vraie révolte aurait allégé cette revendication patriotique un peu trop lourde. Un machisme révoltant apparaît au cours du spectacle, entre le rôle de la seule actrice, qui sourit tout le long de la pièce, gentille et d’accord avec tout et avec tout le monde, et les trois acteurs qui parlent de leur virilité et de leur façon de draguer, ça en est trop. Fidèle à elle-même, la pièce se clôture par la Marseillaise.
Philippe Lellouche nous présente, en dépit de sa volonté, une France satisfaite d’elle-même, qui se regarde le nombril. On peut choisir de se distraire, si ce n’est s’abrutir pour rire un bon coup entre Français, en assistant à ce spectacle, ou attendre impatiemment la fin de la pièce et espérer un théâtre plus ouvert, plus universel. L’artiste ne doit-il pas ouvrir des portes, des frontières ? Soutenir des causes humaines au sens large du terme ?
Synopsis:
Trois hommes qui ne se connaissent pas ont quitté la France pour l’Angleterre… Le premier est parti par amour, le deuxième fuit le Fisc et le troisième ne croit plus aux valeurs morales de son pays. Ils se retrouvent, par hasard, le soir du 14 juillet, dans le restaurant de Marianne, une française immigrée à Londres depuis des années…