Bercé par les disques de son père, Youssoupha exprime son dream’in, d’une vie plus belle. Dans son monde où l’amour et le partage l’ont changé, son espérance de vie n’a cessé de grandir de manière irréversible. Si son enfer est chez les autres, son paradis se retrouve dans son fils et dans son art. Il y a bientôt 10 ans, Youssoupha voulait d’un monde meilleur sans guerre, injustices ou menaces de mort, trop beau pour y croire, un rêve inatteignable, était-ce un noir désir ? Youssoupha, 9 ans après, l’analyse retro !
Si la musique doit délivrer des messages, le rap en est alors son émissaire. Digne héritier du lyrisme (lyricism) sous toutes ses formes, le rappeur Youssoupha est sûrement l’artiste qui en épouse le plus ses formes. Noir Désir, c’est l’histoire d’un rappeur solo contre mille. C’est l’histoire d’un homme avec ses mille rimes, et d’un album qui cherche à nous faire réfléchir. Noir Désir c‘est comme une histoire qui nous est comptée, comme une fable où l’artiste nous donne certaines leçons à tirer. Sans trahir ses origines ou chercher à jouer un double jeu, Youssoupha nous délivre en 2012 peut-être la meilleure performance de sa carrière. Dans cet album, le lyriciste se confie sur sa peur et sa relation avec les autres, son combat avec lui-même, et son rapport avec la religion. Les notions de partage, la compréhension des uns et des autres, l’amour d’autrui dans un monde rempli d’injustice résonnent comme un hymne à l’amour, comme une ode à la joie.
Un univers musicale riche et varié.
Piano, guitare, violon, Noir Désir, c’est aussi l’histoire d’un album qui délivre des prods impactantes, tranchantes, mais aussi plus douces. C’est un mélange de style au service du lyriciste de Bantou. En effet, c’est dans l’album que l’on peut voir le talent du rappeur aux dreadlocks qui peut s’adapter à tout. Et ce fut notamment le cas sur le titre « La vie est belle » en feat avec son alter-ego, Kery James. Les rappeurs nous offrent une performance sans précédent en rappant sur du Dubstep, un style à mi-chemin entre l’électro et le sound system. Dans Noir désir, nous avons aussi des instrumentaux plus R’n’B ; sur « Histoires vraies » avec corneille sur le remix de « I know » en feat avec l’artiste Irma, mais aussi avec son fameux titre « Dreamin » avec la chanteuse Indila, et son clip qui cumule à l’heure actuelle à 40 millions de vues sur YouTube. Cependant, il y aussi des prods plus atypiques, avec des styles plus acoustiques (« Disques de mon père« , « 4 h 37 outro« ).
Bien évidemment, Youssoupha ne serait pas le rappeur qu’il est sans nous démontrer son débit sur des instrumentaux plus urbains, plus « rap », comme sur le titre « Bouche à oreille ». Même chose pour plusieurs titres tels que « Menace de mort » ou encore « J’ai changé ». À noter qu’il est important de souligner le registre épique, pratiquement « divin » sur certains titres tels qu’Irréversible », « La vie est belle », « Espérance de vie ». Le rap, c’est d’abord de la musique, et Noir désir, agit comme un orchestre, qui nous parle de sujet divers et variés, sous des notes à la fois envoûtantes, agressives ou tranchantes.
Un homme accroché à ses racines
Effectivement, c’est un style récurrent chez Youssoupha. Avant d’être un rappeur, c’est aussi un homme qui reste très ancré à ses racines. D’origine congolaise, la notion de famille est très importante pour l’artiste qui se traduit par une dédicace à son père dans le titre « Les disques de mon père ». C’est notamment dans ce morceau qu’il déclare son amour à sa mère « elle, c’est mon amour, le seul véritable, j’espère te léguer sa bravoure en héritage », en parlant à son fils Malik envers lequel il exprime ses sentiments « Le bonheur à un nom, je l’ai appelé Malik ». Avant la musique, sa famille est son bonheur, une grande famille ou ses amis, ses collègues sont considérés comme ses frères. C’est d’ailleurs tout un morceau qui est dédié à ses derniers (4 h 37 outro).
Ses racines, c’est aussi la religion. Religion sur laquelle il s’appuie ; « Seule l’éternel me comprendra », mais aussi sur laquelle il doute et critique dans « Espérance de vie » ; « ça part en drame, l’orgueil est une maladie quand les hommes et les femmes pensent avoir le monopole du paradis, « fuck les religieux mégalos, je préfère un athée qui se comporte comme un croyant qu’un croyant qui se comporte comme un salaud ». En résume, là, on voit que Youssoupha semble être en désaccord avec sa religion, ternie parfois par sa communauté ou son organisation ; « Ils veulent le paradis, mais ne veulent pas mourir ». On voit ici un thème récurrent chez Youssoupha, qui est la tolérance de ceux qui sont différents de lui, et cette notion est très bien résumée dans la phrase ci-dessus. Donc, le rapport aux autres est aussi une prédominante dans la musique de Youssoupha, mais surtout, dans Noir Désir.
Le rapport à autrui.
À la fois complexe et simple, lointain et proche, la relation avec autrui est un sujet qui interroge l’artiste. En effet, Youssoupha, est en proie au doute quant à la relation qu’il entretient avec les autres. Homme tolérant oui, mais méfiant aussi. Eh oui, méfiant car souvent blessé, notamment par les femmes et l’amour. Le titre « Tout l’amour du monde », en est l’histoire.
Malgré la confiance presque aveugle, qu’il accorde à ses proches, il n’en est pas de même pour les autres. Surtout quand il s’agit, de l’argent « rends moi mon bif et qu’il n’en manque pas, les hommes mentent, les femmes mentent, mais les chiffres ne mentent pas » dans le titre « Bouche à Oreilles ». Bien évidemment, le rapport à l’hypocrisie est aussi un point sur lequel il s’interroge dans le morceau « l’enfer, c’est les autres » ; « J’en veux à ceux qui m’appellent Khouya quand on est seul, et qui crèvent de jalousie quand il me croise avec une de leurs sœurs ».
Youssoupha réalise que les gens préfèrent se rejeter la faute plutôt que d’assumer leurs erreurs. Et c’est comme ça qu‘il traduit cette méfiance grandissante chez chaque personne. « On fait des erreurs, mais on préfère se rejeter la faute, et on se contentera de dire que l’enfer, c’est l’autre ». Malgré cette méfiance et la critique sur autrui, le rappeur se remet lui-même en question dans le morceau « L’enfer c’est l’autre ». Il délivre tout de même un message d’espoir avec cette musique, en pensant qu’il est nécessaire d’assumer ses torts pour enfin se faire confiance.
L’espoir.
C’est sûrement la plus belle chose dans la musique de Noir Désir. C’est un album très sombre, qui regorge de critiques sur notre société, mais qui tout de même délivre un beau message d’espoir. Dans « Espérance de vie », il déplore une société dans laquelle l’argent passe avant l’amour « Parle nous d’amour avant de nous parler de monnaie ». L’album est un véritable hymne à l’espoir. On peut notamment le noter dans le titre intitulé « Viens ». C’est dans ce dernier qu’il prend son auditeur par la main et l’incite à être honnête « viens, on s’embrouille si ça nous permet de nous comprendre », « viens, on se sert la main au moins une fois dans les yeux ».
Malgré une prédominance d’un champ lexical, souvent négatif, on peut remarquer une note d’amour et de nostalgie avec le morceau « Histoires vraies » en feat avec Corneille. Dans ce titre, chaque Homme participe au monde qu’il l’entoure, dans un monde qui a ses défauts et ses qualités « , c’est un peu de tout ça qui écrit l’histoire, on est fait un peu de tout ça ». À souligner de nombreuses références à la pop culture, mais aussi à ses idoles musicales telles que Michael Jackson, Renault ; « les chansons de Michael », « les couplets de Renault ». En effet, dans la trame de l’album, le titre est aussi là pour nous rappeler que tout n’est pas à jeter dans le monde que critique et dénonce Youssoupha.
Un rappeur engagé ?
C’est peut-être ce qui définit le mieux un artiste comme Youssoupha, la critique. En effet, dans Noir Désir, l’artiste nous offre un récital lyrique avec des schémas de rimes à perte de vue. On peut notamment le voir dans le titre « Viens » où le rappeur parle du Moyen-Orient et des guerres en Palestine « Viens, on parle des injustices que j’ai vues lors de mon voyage en Palestine ». Dans cet album, le rappeur dresse une satire de la société de consommation, plus précisément dans le morceau « Bouche à oreille » ; « Il y a même des pêchés virtuels ma gueule, depuis que Adam et Eve ont croqué dans la pomme d’Apple ». D’ailleurs, on observe ici une très belle métaphore filée.
L’Histoire est aussi un point important dans la musique de l’artiste, une Histoire qui se voit comme parfois « erronée » dans Noir Désir ; « Où est le devoir de mémoire si l’Histoire souffre d’Alzheimer« . Youssoupha se sert de sa musique comme auditoire pour parfois alarmer ses fans sur la manière dont il voit le monde « on s’extermine à base de guerre étique et guerre de gang et des familles entières mangent des galettes de terre en Haïti.«
Enfin, dans son morceau « La vie est belle » en feat avec Kery James, Youssoupha nous offre sûrement la plus belle performance de l’album. C’est un morceau qui dépeint et décrit ce qui sont pour lui des injustices, des inégalités. La manière est excellente, on vous laisse écouter ce classique.
Noir désir, la morale
Enfin, la musique de l’album Noir désir semble nous éduquer et nous emmener dans une introspection très profonde. Entre remises en question de soi-même, confiance en autrui et cohabitation , Youssoupha nous emmène dans son monde qu’il critique et affectionne à la fois. Noir désir est une morale, amour et partage en sont les maitres mots, et tolérance en est le sens.
L’album est un véritable étendard pour les férus de RAP, et si vous ne connaissez pas, nous espérons que cette analyse vous donnera envie d’écouter cette merveille sortie en 2012. Pour terminer, la rédaction vous laisse sur une très belle phrase du morceau « La vie est belle » :
C’est pourquoi Youssoupha, donne-leur des mots qui éduquent
Des mots qui percutent, mais des mots qui ont un but
Car tant que l’autre rap existe, le nôtre ne doit pas mourir
C’est mon souhait, ce que j’espère, est-ce un Noir Désir?