The Brian Jonestown Massacre au Trianon de Paris et en tournée française cet été

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Venant de San Francisco et tirant leur nom en hommage au feu guitariste des Rolling Stones, Brian Jones, The Brian Jonestown Massacre (« BJM ») est de ces groupes underground que tout amateur de rock indé (mais aussi de folk, de musique filmique, de psychédélisme…) doit connaitre. Les artistes voisins que sont les Dandy Warhols (leurs grands rivaux), Kurt Vile ou Mercury Rev sortent (ou ont sorti) des disques qui se suivent et se ressemblent trop. Alors que les délices et les trouvailles de « BJM », cultivant mystère et sensualité, se renouvellent sans cesse . Démonstration, surement, lors de leur prochain passage en concert (en tournée française cet été).

Brian Jonestown MassacreA peu près une quarantaine de personnes a connu le lineup de ce groupe mouvant et en perpétuelle régénération. Mais cela reste toujours le projet d’un même homme, le chanteur-compositeur et producteur Anton Newcombe (presque la cinquantaine maintenant). C’est par le biais du shoegazing, ce style de rock psychédélique, inspiré par la pop mais pratiqué avec des guitares saturées et chargées en pédales tous azimut, que BJM débute réellement avec leur album « Methodrone » en 1995. Dans le sillage du Psycholand de Jesus & Mary Chain (en plus lancinant), on a alors des morceaux solides et qui sont typiques du style rock indé de l’époque.

Seulement voilà, rester dans ce cadre aurait rendu le groupe anecdotique. Voulant y insuffler une part mystérieuse et imaginaire, ils vont livrer un album se voulant être le noble héritage de celui des Stones, le culte « Their Satanic Majestic request » et se différencier ainsi du troupeau. Ils y incluent des parts étrangères au rock et on ne peut plus exotiques (comme le sitar – l’instrument fétiche de Brian Jones – le didgeridoo ou les congas – des percussions africaines introduites au 17 ème siècle à Cuba). Ne vous attendez pas à entendre un album de world music non plus : BJM joue toujours à ces garçons rockeur négligés et hippies, mais avec ces ingrédients psychédéliques assumés, ils vont pouvoir travestir leurs caractères rock’n roll en des invocations mystiques, retranscrites par des arrangements touchés par une grâce hypnotisante. Des structures classiques précédentes vont émerger des séquences plus répétitives, des boucles qui peuvent s’étirer des minutes durant. Avec néanmoins des morceaux qui restent des chansons en bonne et due forme, ce qui rend leur musique à la fois élévatrice et accessible, pour quiconque recherche une alchimie bouillonnante entre mélodies et atmosphère irréelle. Ce « Their Satanic Majesties’ Second Request » va poser les bases de leurs quelques dizaines d’albums et d’EPs qui vont ravir les fans (assez underground) depuis maintenant 3 décennies. Qui fait que BJM a sorti au moins 5 albums du même niveau (si ce n’est supérieur) que le seul chef d’oeuvre des Dandy Warhols, « 13 Tales From Urban Bohemia ».

Si on s’intéresse à leurs évolutions récentes, notre satiété en sensations musicales cosmiques est à chaque fois atteinte : c’est littéralement le kaléidoscope sonore à chaque album. On pense notamment aux 3 derniers (sortis depuis 2012), comportant le point commun de jeter les troubles sur nos certitudes des standards communs de la musique. « Aufheben » est une suite savoureuse de morceaux sans répit, aux rythmes bouclés et ouvrant un appétit infini, sans ennui, sans début, sans fin, avec des sons évoquant indistinctement des sons orientaux, des bruitages tibétains ou un film d’animation fantastique, sans scénario précis. Une expérience hors du commun.

L’album « Revelation » atteint un pallier supplémentaire, et peut former un diptyque avec « Aufheben », les ressemblances dans l’imaginaire lunatique y sont en effet nombreuses. On aura ainsi cette même rengaine rhythmique (par exemple dans « What You Isn’t »), ne semblant jamais vouloir s’arrêter, se reflétant ainsi avec cette part hypnotique du shoegazing (dans « Duck and Cover » on pense à du My Bloody Valentine, mais en moins saturé). On a aussi une accentuation plus nette encore de leurs virées instrumentales, au potentiel filmique très puissant. Un esprit un tant soi peu imaginatif va pouvoir y songer un de ces contes pour enfants qu’on se surprend à apprécier lorsqu’on fatigue de ne voir que réalisme et déceptions dans le monde temporel (« Second Sighting »). Les clips de BJM, souvent réalisés par des étudiants en animation et en cinéma expérimental, sont très nombreux sur YouTube, et témoignent de l’inspiration que peut susciter ce groupe.

Le dernier album en date s’intitule « Musique de film imaginé » et donne hommage cette fois aux BO des films français de la nouvelle vague. Peut-être l’album le plus jusqu’au boutiste mené par le leader Anton Newcombe, désormais installé à Berlin. Le pitch : à l’occasion de sa participation dans une chanson de l’album d’Asia Argento (la fille du maître argentin de l’horreur Dario Argento) chantée en français, « Le sacre du printemps », une idée lui vient en tête : réaliser la bande originale d’un film qui n’a jamais existé, et dont la musique laisse la liberté totale à l’auditeur d’en penser la teneur. Un concept déjà repris par le réalisateur Bertrand Bonello dans son projet « My New Picture ». Le résultat est un album de 14 titres, essentiellement instrumentaux, aux couleurs dramatiques, romantiques ou parfois ésotérique. En témoigne le titre « Philadelphie Story » chanté également en français par la chanteuse Soko, et qui est une reprise d’un titre de l’incroyable concept album »Popera Cosmic » , un opéra musical qui parle du retour des Dieux sur Terre, composé en 1969 par William Sheller. La version de BJM reprend cette orchestration flamboyante, baroque, qui préfigurait déjà dans les quelques interlude à la flûte des albums précédents. Elle est extraordinaire, de part sa tension, et la portée universaliste des paroles, malgré sa connotation christique : « Dans ce tombeau sensuel qui s’endort, Je suis mort, Alléluia, chantez ma résurrection ». La voix de Anton Newcombe est laissée de côté, ce sont donc des pièces souvent courtes et pouvant illustrer un plan de transition, des didascalies d’un film muet, un générique de fin. De la musique parlant pour l’imagination de l’esprit, ou pour un film qu’on aimerait voir. Un moyen de se réinventer inattendu et savamment exploité : Anton Newcombe, de plus en plus solitaire, atteint ça et là la verve d’un Moriconne ou la folie des instrus diversement foutraques des années 60 et 70 (Jethro Tull, Jeff Beck, Franck Zappa). Un esprit génial, certainement géniteur de futurs nouvelles pépites. C’est ce que laisse à nouveau présager le dernier EP sorti en novembre dernier, disponible en streaming, « Thingy Wingy », qui sonne comme un retour aux sources plus rock.

Le 25 juin à l’Aéronef de Lille, le 27 juin au Trianon de Paris, le 28 juin à l’épicerie moderne de Feyzin, le 29 juin à l’espace Julien de Marseille, le 1er juillet au festival Beauregard de Hérouville Saint-Clair.