[Critique] « Relaxer » – alt-J : un troisième album court et différent

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Trois ans après This Is All Yours, le trio anglais alt-J sortira ce vendredi 2 juin son troisième opus Relaxer. Avec seulement huit titres à l’intérieur, il est facile de penser que l’attente n’en valait pas forcément la peine… Qu’en est-il vraiment ?

Nous avions quitté alt-J il y a deux ans à Rock En Seine pour la dernière date de leur tournée estivale des festivals. Ils avaient, comme à leur habitude, délivré un concert fabuleux. Quelques dates américaines et européennes (mais aucune en France) puis silence radio total… jusqu’en mars dernier. Le groupe a annoncé travailler sur son nouvel album Relaxer dans les studios d’Abbey Road tout en dévoilant 3WW, le premier extrait. Depuis, nous avons eu l’occasion d’entendre In Cold Blood et Adeline, deux autres morceaux de l’album composé, pour notre plus grande tristesse, de seulement huit titres. A quelques jours de la sortie, que valent-ils vraiment ?

 

Un nouvel opus expérimental

La recette d’alt-J est compliquée à expliquer : une superposition de mélodies, une variété d’instruments et une voix particulière mais immédiatement reconnaissable. Cette complexité est sûrement la clé de son succès… Pourtant, pour ce troisième opus, l’ex-quatuor devenu trio entre le premier et deuxième album a choisi d’innover et d’expérimenter de nouvelles choses. En dehors de In Cold Blood, aucun des huit titres composant Relaxer ne ressemble vraiment à ce qu’a pu faire alt-J ces cinq dernières années. Voyons cela en détail…

Premier morceau dévoilé, 3WW ouvre naturellement l’album. Or, il nous avait déjà surpris au mois de mars. Le groupe originaire de Leeds est ici accompagné par la voix d’Ellie Roswell, la chanteuse de Wolf Alice. Très éloigné de l’univers habituel du groupe, il y a de quoi être perturbé par ce titre. Pourtant, on ne pourrait en trouver aucun autre qui représente aussi bien ce nouvel album. Avec sa longue introduction, il résume à lui seul le changement sur la forme et sur le fond des huit titres présents, de par son rythme et sa mélodie. L’attrait n’est pas immédiat et il faudra prévoir plusieurs écoutes avant que le « I just want to love you in my own language » rentre dans la tête.

S’en suit In Cold Blood, le deuxième single issu de Relaxer sorti à la fin du mois de mars. Faisant office de véritable retour aux sources, le format de ce morceau rappelle les meilleurs tubes du trio comme Breezeblocks et Something Good. Nous sommes face à une mélodie rythmée qui ne laisse pas le temps de souffler alors que la voix forte de Joe Newman nous répète des « lalalala-la-la ». Nous sommes sûrs et certains d’écouter du alt-J.

 

Des morceaux éloignés de la fameuse patte d’alt-J

C’est ici que tout se corse. Les six morceaux restants oscillent entre expérimentations plus ou moins réussies et lenteur peu commune. Hit Me Like That Snare, véritable coup de cœur, prouve que l’audace du groupe est à la hauteur de son talent. Un rythme intense, une instrumentale omniprésente avant de terminer sur une répétition de « fuck you » puissants : alt-J nous sert du rock énervé comme il n’avait jamais fait. Nous n’avions pas encore entendu la voix de Joe Newman de cette manière. Un pari osé et risqué qui ne plaira sûrement pas à tout le monde mais qui nous offre la plus belle surprise de l’album.

Moins prononcé, Deadcrush reste dans le même genre en trafiquant la voix du chanteur comme auparavant, ce qui est toujours autant un plaisir. Malheureusement, le fond du morceau paraît assez oppressant, provoquant une sorte d’attente d’une apogée qui n’arrivera que dans la deuxième partie. Il en résulte un titre plaisant mais trop long à démarrer. Et c’est tout pour les titres « rythmés ». Les quatre autres se rapprochent bien plus de la lenteur de Choice Kingdom ou Warm Foothills, deux titres magnifiques issus de This Is All Yours.

alt j 2017

Reprise du groupe The Animals datant des années 60 (à écouter ici), House Of The Rising Sun se laisse découvrir de n’importe quelle façon. Les instruments et la voix de Joe nous bercent dans un autre univers, bien loin de la chanson originale. Un conseil : fermez les yeux et imaginez cette maison en Nouvelle-Orléans, vous vous y verrez.

 

Un album qui va plaire autant qu’il va décevoir

Adeline, dévoilé il y a quelques jours est une ballade progressive aux paroles mélancoliques (« I wish you were ») qui montre tout son potentiel sur le dernier tiers. Des instruments rythmés viennent appuyer la jolie voix de Joe avant qu’un nombre incalculable de chœurs ne les rejoignent. Tout de suite après, Last Year nous sert de la lenteur sur un plateau. Un homme raconte la triste histoire de son année ; un cri de désespoir digne d’un poème. Sobre et sombre, cet avant-dernier titre est d’une beauté déprimante.

Des bruits de pas, une porte s’ouvre : c’est ainsi que débute le dernier morceau intitulé Pleader. Comme un plaidoyer, il a été enregistré à la Cathédrale d’Ely où le claviériste Gus Unger-Hamilton fut choriste. Une dimension épique remplit ce morceau, de quoi terminer ce troisième opus sur une note mémorable.

 

Huit titres. Quasiment trois ans d’attentes pour huit titres. Comment ne pas être déçu ? Chaque titre se défend mais quelques uns sont finalement difficiles à s’approprier. La dimension expérimentale de l’ensemble ne plaira pas à tout le monde. Cependant, au bout de plusieurs écoutes et une fois ceci compris et établi, les huit parties de Relaxer révèlent une à une le fruit du travail de leurs trois virtuoses, à savoir une beauté inouïe et une profonde richesse. Bien éloigné des deux précédents albums, impossible de les comparer pour l’instant. Nous en aurions voulu bien plus ! A voir dans les prochaines semaines ce que cela vaut en live…

 

Relaxer sera disponible le 2 juin 2017, au label Pias.

alt-J donnera un concert unique et intimiste au 106 à Rouen le 10 juin avant d’investir les Nuits de Fourvière à Lyon et Lollapalooza Paris.