[Critique] Album « Poupées Russes » : LEJ fait danser les mots sur les euphonies

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Vendredi 8 juin 2018, le premier album de titres originaux du groupe LEJ fait son apparition dans les bacs. Avec Poupées Russes, les trois jeunes femmes démontrent qu’elles sont au zénith de leur talent.

De YouTube à Pleyel

Depuis Summer 2015, leur mashup capturé sur le front de mer de Lacanau, les trois voix liées d’LEJ (aka Lucie, Elisa et Juliette) résonnent en francophonie et même au-delà. Lorsque Pharrell Williams et le magazine Time pointent leur art, l’ornière se déroule comme un tapis rouge. A peine sorties de la pénombre, elles élancent leurs cocktails de chansons façon LEJ en plusieurs dimensions, qui se retrouveront sur la tracklist d’un premier opus, simplement baptisé En Attendant L’Album. Des reprises qui fulgurent leur succès, les récompensant d’un double Disque de Platine, d’une Victoire de la Musique ou encore d’une troisième marche sur le podium des artistes les plus programmés dans les festivals en 2016. Quatre cordes (ndlr, un violoncelle), trois voix harmonisées, un maillet : le décor est planté, et le nom LEJ bien ancré sur les ondes.

Dualité entre un classicisme moderne et l’harmonie urbaine

Presque trois années après leur album de reprises, elles ouvrent une autre page avec un nouvel opus : Poupées Russes. Ces dernières sont des objets à l’intérieur d’objets, tantôt similaires, tantôt dissemblables, qui dégorgent de faces cachées, à l’image des trois amies chanteuses qui se complètent à leur manière malgré leur degré de différence. C’est aussi ce qui est calqué dans la musicalité des chansons. L’album met en lumière la dualité entre un classicisme moderne et l’urbain euphonique, et prouvent que les écarts font des alliages. Pour cet album, Lucie, Elisa et Juliette s’entourent d’Ozarm, qui co-signe leurs dires dans les chansons. Fidèles au violoncelle et aux voix entremêlées, elles livrent douze poèmes en musique qui se dégustent sans interruption. 

Le fondu sonore se déplie sur le titre éponyme, Poupées Russes. Très autobiographique, les inséparables chantent leur relation fusionnelle et leur solidarité nées depuis l’enfance : « Trois comme les mousquetaires, aucune nouvelle de D’Artagnan, trois comme les couleurs primaires, sur le podium on partage l’or, le bronze, et l’argent ». Si elles révèlent qu’écrire en français est plus délicat que de manipuler la musicale langue anglaise, LEJ manie parfaitement les mots, joue avec et fait bon usage du Verbe : « Je maquille ma figure de style ». Dans cet album, les trois amies abordent l’humanité actuelle en déclamant ses réelles noirceurs.

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Elles évoquent sublimement la domination d’un monde où le tactile fait perdre le contact (Dis Siri), vise l’humain orgueilleux et égocentrique en duo avec Sofiane (Par Ego), ou les aventures sans lendemain (L’Epoux d’Un Soir) dans une ambiance assombrie. Sur un pizzicato, elles s’inquiètent pour les migrants en méditerranée (La Marée), et chantent la fulgurance des médias qui fait écho à leur situation dans Le Buzz : « Si un jour on m’avait dit que ce virus pouvait s’attraper, j’aurais flippé ».

Avant le rythmé Acrobates, La Nuit avait fraîchement été élu premier single, un titre qui, par ailleurs, transporte moults genres musicaux en trois minutes. Du classique, au hip-hop, en passant par les harmonies vocales aux assonances religieuses, le rap, l’électro, jusqu’à l’urbain, ce métissage des influences se révèle être une sincère réussite. Derrière la belle Miss Monde, et Saine Sainte n’y Touche, LEJ boucle délicieusement son œuvre par l’Epilogue sur la mélodie d’un orchestre symphonique. Chapeau !


9/10

A écouter : Dis Siri, Miss Monde, Par Ego, L’Epoux d’Un Soir


Avec Poupées Russes, LEJ s’affirme en signant un des meilleurs albums de l’année et grave un peu plus son nom, dans l’univers musical français cloisonné. A noter que le groupe sera en tournée dans toute la France dès le 29 septembre, en passant notamment par la Salle Pleyel le 26 octobre.