La Route du rock, 27 ème édition, on y était

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On relativise l’édition précédente et on recommence : si l’année 2016  a déçu de par sa fréquentation, elle n’a jamais failli en terme de line up. Fidèle à son intégrité, la Route du rock 2017 a fait la part belle au punk et à la new wave, le tout servi par la diva du festival, PJ Harvey. C’est parti pour un condensé des 3 jours.

D’abord, pour situer, la Route du Rock est à côté de Saint-Malo. Sur la plage ont eu lieu des concerts en plein air, l’occasion de découvrir quelques petits groupes dont la carrière promet autant que leur prestation appréciée des plagistes (à peu près 2000 selon l’orga). C’est ainsi que l’on a pu apprécier les prestations de Calypso Valois et Petit Fantôme, entre autres.

Vendredi 17 août : le noir selon PJ Harvey et Idles

Nous arrivons le vendredi sur le fort de Saint-Père après un réveil difficile à 6h du matin, suivi de 5h de bus au départ de Paris, mais ils nous en faut plus pour  nous démotiver. L’excitation est bien là, à l’heure de l’ouverture des portes. On rate malheureusement les excellents Froth et Foxygen.

PJ Harvey à la route du Rock 2017
PJ Harvey Crédit Piotr Grudzinski

Mais nous arrivons au moment où PJ Harvey commence sa grande messe. Elle n’a pas voulu jouer plus tard, ce qui fait que tout le monde est venu se ruer au festival en même temps, ce qui n’a pas manqué de créer quelques confusions. Qu’importe, la reine de la soirée, artiste inclassable et avant-gardiste, a sorti le grand jeu ce soir avec un big band derrière composé d’un saxophone, de cordes, de percussions et de chœurs. Elle privilégie au début du set ses chansons les plus récentes, tirées de son répertoire folk rock. Ses derniers titres sont dans un registre plus solennel, dont les harmonies, appuyées par une PJ d’une élégance noire, captivent. L’ambiance est feutrée, retranscrite parfaitement par les écrans géants en noir et blanc, placés de part et d’autre de la Scène du Fort. Elle accompagne son chant de mouvements gracieux et termine sur un répertoire plus rock, celui des débuts et qui l’a érigée au rang de grande prêtresse du rock. (« Down By The Water » entre autres). La tête d’affiche a tenu ses promesses !

Un petit encas

Car Seat Hair Dress à la route du Rock 2017
Car Seat Hair Dress Crédit Piotr Grudzinski

On poursuit notre chemin à l’espace VIP du festival, pour étancher notre faim et notre soif. Notre choix se porte sur un burger géant proposé par un stand de restauration. A peine la première bouchée entamée, une fervente défenderesse du véganisme nous explique comment le monde serait meilleur avec moins de viande. C’est ça la Route du Rock, tout le monde se parle, et l’ambiance est toujours aussi décontractée ! Le ventre plein, nous enchaînons avec Car Seat Headress qui démarre son concert sur la Scène du Fort. On connaît plutôt mal ce groupe, mais un indice nous fait tendre l’oreille : la voix du frontman Will Toledo, similaire à celle du leader de The Strokes, Julian Casablancas. De quoi être perturbé, car on a une énorme fan de The Strokes dans l’équipe. D’abord étonné, le spectateur est ensuite séduit par les envolées rock où les guitares sont les gardiennes du fort. Tensions, euphorie et mélancolie dominaient la prestation. L’esthétique 2000’s est bien présente et on assiste alors aux premiers slams dans la foule. Pari réussi pour ce groupe originaire de Seattle qui réussit avec brio à réchauffer l’ambiance.

Idles à la Route du rock 2017
Idles – Crédit Piotr Grudzinski

Vous reprendriez bien un peu d’adrénaline

Le temps de faire la queue pour assouvir quelques besoins primaires (le fameux trio manger/boire/toilettes), on a failli rater Idles. Et ça aurait été une grossière erreur de notre part ! Impressionnante performance à laquelle nous assistons. Théâtrale, physique, extrême. Leur punk est incisif, à la limite du hardcore. Entre chaque chanson, le frontman s’adresse au public, on assiste à un happening brutal qui laisse le public pantois. C’est que notre époque est noire, nauséabonde, et tout comme devant Future Islands le lendemain, nos humeurs hébétées et terrifiées face aux actualités sont exorcisées en des brulots soniques à la hauteur d’un monde qui vacille. Quelle déferlante de puissance, sublime et terrifiante à la fois, on a rarement vu ça !

 

Thee Oh Sees Crédit Nicolas-Joubard
Thee Oh Sees Crédit Nicolas Joubard

Thee Oh Sees pourrait en être la continuité quand on connait leur répertoire. Quoi qu’aussi physique, leur prestation respire toutefois davantage les vibrations positives. Particulièrement attendus par le public, ils étonnent par la présence de deux batteurs qui exécutent les mêmes mouvements avec une parfaite synchronisation, donnant au son une puissance horizontale. C’est ce que nous ont confirmé les Cold Pumas en interview. On tient d’ailleurs à saluer la qualité de la captation vidéo retranscrite sur les écrans géants en côté de scène, qui nous offrent des plans incroyables.
Le live est une course effrénée, on a l’impression qu’ils ne savent pas toujours ce qu’ils sont entrain de faire, mais c’est pas grave, car les expressions et postures, très expressives et naïves, donnent une cohérence à ce joyeux bordel. Un groupe de live assurément, car on était pas forcément convaincus par les albums de cette formation si prolifique.

La glace techno pour la fin

Helena Hauff à la Route du Rock
Helena Hauff Crédit Piotr Grudzinski

Changement d’ambiance et direction le dancefloor avec Helena Hauff, DJ qui en 5min nous fait presque oublier nos jambes lourdes et le manque de sommeil. Grosses basses et ambiance minimaliste, qui nous fait penser à du Gesaffelstein, appuyé par une ambiance au bleu de glace. On ne pourra malheureusement pas assister à toute sa performance car on commence à se sentir épuisés, et on veut se préserver pour les deux prochains jours. Attention à l’erreur du débutant, qui donne tout le premier jour et n’assume pas son festival jusqu’au bout ! Direction le bus, petit caprice ensuite avec un taxi et nuit de sommeil réparateur dans le calme de la vieille ville de Saint-Malo.

Samedi 18 août : la route au zénith

Alors que l’après-midi était vouée à la plage, l’interview de Cold Pumas qui devait se dérouler le dimanche a lieu finalement samedi. A peine le temps de se réimprégner de leur dernier album « The Hanging Valley »  pour rentrer dans leur univers et, sorti de la navette, on les retrouve pour une interview décontractée que vous allez pouvoir lire bientôt. Après une courte sieste sur les transats, on est prêt pour cette journée tant attendue. Un heureux pressentiment nous envahit alors, et c’est avec les yeux brillants de curiosité que nous nous rendons devant la scène de Cold Pumas.

Cold Pumas Crédit Piotr Grudzinski
Cold Pumas Crédit Piotr Grudzinski

Le groupe post punk bénéficie d’une petite particularité à savoir son batteur-chanteur, qui donne le ton au reste de la formation. Ces petits airs hypnotiques nous captivent d’emblée. On croit entendre à un moment Joy Division, avec une tessiture et une rythmique à s’y méprendre. La comparaison s’arrête là, car Cold Pumas possède une singularité détonante, qui lui fait tirer son épingle du jeu. L’utilisation maitrisées des boucles et des répétitions nous fait trépigner. La barre est placée haute dès le premier concert de la journée.  

Quelques plats de résistance

On s’attarde sur Parquet Courts, formation punk prolifique signée chez l’irréprochable label Rough Trade. Rien à voir avec l’urgence des débuts, car le groupe privilégie ses morceaux les plus récents, ponctués de riff exotiques. Seulement on s’y perd un peu, la faute à une setlist manquant de cohérence et de dynamisme. L’alternance entre deux chanteurs ne nous aide pas beaucoup et nous sortons un peu déconcertés de cette performance que le public a pourtant semblé apprécier. Notre déception du festival.

Viennent ensuite Arab Strap, une formation issue des 90s adorée des amateurs de slowcore (entendez : musique de la lenteur), et qui depuis quelques années troque l’instrumentation classique de pop de chambre avec une tendance électronique. On apprécie, ou pas, ces longues digressions qui, hier, évoquaient l’émotion de la nudité, et maintenant, une envolée paresseuse. On dirait que le chanteur Aidan Moffat se réjouit de ses trouvailles digitales, et le fait savoir en dandinant sur scène, pour que les festivaliers l’imitent (ou pas). C’aurait été une deuxième déception sans les plus anciens morceaux, la vraie patte du groupe.

On enchaîne avec Temples qui fait monter l’ambiance d’un cran. Les anglais sont en forme ce soir et nous le prouvent dès les premiers morceaux, principalement extraits de “Volcano”, leur deuxième album sorti en début d’année. Les guitares et les claviers construisent à l’unisson une douce atmosphère psychédélique, qui nous rappelle les grandes heures des Beatles lors de leur période d’expérimentation sur “Sgt. Pepper’s Lonely Hearts Club Band”. La nuit tombe sur le Fort, alors qu’ils interprètent “Shelter Song”, leur premier hymne.

En digestif, juste comme le miel

The Jesus & Mary Chain Crédit Nicolas Joubard

Les cheveux s’électrifient rien qu’à la pensée de « Psychocandy » (1985), l’album incroyable de Jesus and Mary Chain, à l’hyper saturation des guitares et du talent de composition des frères Reid. En sont sorties des ballades teintées de boogie woogie, passées à un milshake court-circuité (« Just like honey » en est l’illustre exemple). De cela, on en entendra, ils en joueront avec une fraicheur intacte. Tout comme le fabuleux et inespéré dernier album, Damage And Joy . Très logique que la Route du Rock accueille ces vétérans qui s’étaient consacré récemment à leur « réhab » et à l’éducation de leurs enfants. Ils reprennent désormais la route pour rappeler aux jeunes générations ce délice rock qui a précédé ce que certains considèrent comme les derniers soubresauts du genre (Nirvana, les White Stripes et les Strokes).

Connus pour leur réputation sulfureuse, les sales gosses de Black Lips exécutent leur balances dans les conditions sonores du live, en plein set de The Jesus & Mary Chain ! Arrivé leur véritable temps de passage, ils ne font pas dans la dentelle : volume du son poussé au maximum, interpellation constante de la foule, jet de papier toilettes dans les premiers rangs. Le groupe déverse sa puissance parfois de manière un peu brouillonne. Les structures des chansons nous laissent cependant un peu de marbre, peut-être parce qu’on a encore la tête dans les nuages noisy pop de The Jesus & Mary Chain.

 

Future Islands Crédit Piotr Grudzinski

Une faim de loup

Viennent ensuite Future Islands, des américains menés par le lunaire Samuel T. Herring, qui déboule sur la scène. C’est peu dire qu’il en a gros sur la patate, sa prestation étant semble-t-il transcendée par une révolte de son pays qu’il juge « honteux » (Trump, Charlottesville et ses manifs néo-nazies en tête). Un loup garou, qui se frappe le visage avec ses poings, qui use de sa voix gutturale, pose une ambiance particulière, entre grand air électro /new wave et dramaturgie de ses chants. Un summum de cette journée, assurément. 

Enfin, la totale pour nous ne serait pas la totale sans la performance de Soulwax au milieu de la nuit. Attendre 2h30 du matin valait largement le coup : l’entrée des artistes en même temps que la vue de l’impressionnante installation, toute blanche, sur laquelle sont placés sur différents niveaux les nombreux musiciens (en blanc également) de la formation originaire de Belgique. Après 13 ans d’absence, ceux qui sont également connus pour leurs projets sous le nom de 2 many DJs ont réalisé cette année « From Deewee », un de ces albums condensateurs de la musique populaire au sens large, brassant électro, groove et punk. Un mashup que le groupe a joué d’une traite en studio pour les besoins de l’album, ce qu’ils feront à nouveau ici au fort de Saint-Père, devant des spectateurs qui n’ont plus qu’à exulter devant une telle verve. 3 batteries cette fois, et quelques moments épiques évoquant leurs copains LCD Sound System. Tu dors pas à la route du Rock, tu danses. Le réveil pour la dernière journée sera difficile.

Soulwax Crédits Piotr Grudzinski
Soulwax Crédits Piotr Grudzinski

 

DIMANCHE 20 AOUT : Sous les projecteurs

Nous prenons le temps en cette dernière journée de festival de visiter le centre-ville de Saint-Malo, qu’on affectionne beaucoup. Les jambes et la tête sont lourdes ce matin, mais nous sommes particulièrement enthousiastes à l’idée de voir les groupes programmés ce dimanche.

The Proper Ornaments Crédit Nicolas-Joubard
The Proper Ornaments Crédit Nicolas-Joubard

La Route du Rock, festival pour les gourmets

On arrive sur la fin de The Proper Ornaments, groupe londonien composé de James Hoare (Veronica Falls, Ultimate Painting) et Max Oscarnold (Toy), qui sur le papier donne franchement envie. Leur esthétique 70’s est servie par un folk psychédélique aux conclusions étirées. Le final est grandiose et on regrette de ne pas avoir pu assister à l’intégralité de cette performance. Nous prenons le temps de nous désaltérer avec un bon cidre frais. Le barman breton regrette d’ailleurs que notre choix se porte sur un cidre doux, parisiens que nous sommes. On tient à souligner les alternatives à la bière et au traditionnel burger frites insipide proposés par tous les festivals. La diversité des stands de restauration et la touche locale rendent notre expérience bien plus agréable !

Angel Olsen Crédit Nicolas Joubard
Angel Olsen Crédit Nicolas Joubard
Yak - crédit Piotr Grudzinski
Yak – crédit Piotr Grudzinski
Mac deMarco crédits Nicolas Joubard
Mac deMarco crédit Nicolas Joubard

Les premières notes de guitare de la crooneuse Angel Olsen se font alors entendre. Entourée de 5 musiciens habillés en costume bleu ciel, elle démarre en trombe avec son tube “Shut up Kiss Me”. Son registre folk rock est séduisant et le chant n’est pas sans nous rappeler une certaine Lana Del Rey. Un régal pour les oreilles, un peu terni cependant par quelques longueurs dans le set. Clairement, les festivaliers ont l’air moins dynamiques aujourd’hui, éreintés par la folle journée du samedi qui a terminé tard dans la nuit.

Mac deMarco vous invite à table

Yak a le mérite de réveiller le public cuité de la veille, en utilisant généreusement le fuzz, servi par des riffs survoltés. On adhère mais pas complètement, la formation manquant selon nous d’un peu d’originalité pour se démarquer ce soir. L’award du héros de la soirée est attribué à… Mac DeMarco ! L’artiste canadien au sens de l’humour légendaire arrive sur scène la clope au bec, nous racontant qu’il est arrivé sur le festival en navette, comme tous les festivaliers. Il nous met à l’aise et délivre une performance surf rock décontractée, aux allures de boeuf entre potes (ses potes dégustent par ailleurs un repas jubilatoire derrière la scène). Plus qu’un concert, on s’amuse de ses longues tirades entre chaque titre. Sortie de rien, Mac DeMarco et sa bande se lancent alors dans une reprise hilarante du tube de Vanessa Carlton “A Thousand Miles”. Outre l’aspect comique de cette performance, on souligne la musicalité et la vélocité de la formation, qui nous font passer un moment vraiment plaisant.

Interpol fond dans la bouche 

On trépigne d’impatience à l’idée d’assister au concert événement d’Interpol, qui fête à travers une tournée mondiale les 15 ans de leur album culte “Turn On The Bright Lights”. Le groupe a une histoire particulière avec La Route du Rock, puisqu’il y a joué à ses débuts en 2001. Le concert s’ouvre sur des lumières rouges vives qui balayent la scène de long en large. La nuit qui encercle cette enceinte rouge nous ravive alors la pochette de l’album. Interpol propose une scénographie forte aux ambiances lumineuses très travaillées, c’est d’ailleurs un de seuls groupes du festival (avec Soulwax la veille) qui nous offre un tel spectacle pour les yeux. Les oreilles ne sont pas en reste. Comme annoncé, le disque est joué en intégralité et dans l’ordre. L’exécution des morceaux est classieuse, parfaitement orchestrée et maîtrisée. Un moment d’anthologie et de communion intense avec le public. Il est déjà temps pour nous de partir… 

 
Interpol - crédit Nicolas Joubard
Interpol – crédit Nicolas Joubard

Pour résumer, en un mot comme en cent, la Route du Rock a une nouvelle fois fait preuve d’une line up de qualité, a su étonner, comme confirmer, ses sentiments musicaux. L’atmosphère s’est autant réchauffée que les autres années, le bon enfant se mêle à la liesse et aux exigences des mélomanes. Si vous savez pas quoi faire de vos week end en août, réservez en un l’année prochaine : le festival rempile du 16 au 19 août 2018. Et pour vous fournir un aperçu supplémentaire, voici des photos d’ambiance en noir et blanc !

Rédigé par Ninon Bernard et Piotr Grudzinski.

Photos : Piotr Grudzinski, Nicolas Joubard et Alexandre Brunet