Rockstar et sa communication ambigüe

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Aujourd’hui, on va s’intéresser au cas d’un studio pas vraiment intimiste puisque l’on va parler de Rockstar, leurs techniques étant relativement intéressantes, et visiblement suffisamment habiles pour que tout le monde les suit là où ils veulent, et ce, sans débourser un rond. C’est parti donc pour Rockstar et sa communication !

A force d’écrire pour un site culturel dans la catégorie jeux vidéo, on commence à connaître les éditeurs et la façon dont ils communiquent. En effet, il n’est pas rare en voyant passer des communiqués de presse de se dire  » Ah bah tiens ça s’est **insérer le nom d’un éditeur AAA** tout craché ». Que ce soit des communiqués interminables avec des déclarations de tout le staff ou deux lignes du type « débrouillez-vous avec ça » pour annoncer la sortie d’un jeu (alors que nous avions déjà eu droit la semaine passée à  »Le jeu sort la semaine prochaine »), chacun à sa patte et il est rare qu’un éditeur ou développeur reste silencieux bien longtemps. Bien sûr je ne parle là que de AAA, les studios indépendants abordent les choses de manière différente, selon leurs moyens, mais aussi de la hype générée autour de leurs projets. Quid de Rockstar ?

Des articles douteux

Si vous furetez sur les réseaux sociaux tel un renard en manque d’infos, vous êtes forcément déjà tombé sur un article du genre « GTA VI annoncé !  » ou encore « GTA 6 : un terrain de jeu sur l’ensemble des États-Unis ! » ce qui reviendrait au final à une sorte de The Crew où l’on pourrait tirer joyeusement sur tout ce qui bouge. Du coup beaucoup de personnes se sont emballés sur ces articles en disant que ça allait être génial : Rockstar, ils assurent ! Sauf que ce ne sont que des rumeurs, elles n’ont aucun fondement. La vérité étant que Rockstar ne communique pratiquement plus depuis la 3ème sortie de GTA V. Oui parce que, presque comme un jeu épisodique (coucou Square Enix), Rockstar a sorti son dernier mastodonte une fois sur PS3 et Xbox 360, une autre fois plus tard sur PS4 et Xbox One et encore plus tard sur PC, générant suffisamment de hype pour ne pas provoquer de « il y en a marre de GTA V à force ». Non, visiblement, il n’y en avait pas marre puisque Rockstar a largement rentabilisé son titre, et ce, sur chaque support (certains étant allés jusqu’à l’acheter plusieurs fois).

gta V michael
Argent…

Rockstar et ses annonces fantômes.

Où est-ce que je veux en venir me direz-vous ? Eh bien comme Rockstar ne communique pas (ou presque pas), certains en profitent pour balancer des rumeurs, qui sont reprises par d’autres (l’envie de clics est plus forte que tout pour un site pourri). Mais au final, tout ceci est entièrement voulu. Outre les pures spéculations de fans que l’on a déjà abordées, il y a aussi le cas de certains articles qui s’emballent vite mais qui se basent sur des déclarations ambiguës. Prenons tout d’abord le cas GTA VI. Très récemment, énormément de sites de jeux vidéo ont titré la news suivante : GTA VI confirmé ! Ce qui est grandement exagéré. En effet, chaque site se base sur les dires d’un autre pour affirmer que Leslie Benzies, le patron de Rockstar North, aurait confirmé travailler sur GTA VI mais sans avoir encore décidé du lieu de l’action. Alors si cette déclaration était vraie (j’insiste sur le si, puisque je n’ai pu remonter à la source des propos, chacun en invoquant une différente qui, parfois, renvoie à une page plus en ligne), cela ne ferait que confirmer qu’un jour (certains parlent de 2020) il y aura bien un GTA VI. Mais honnêtement, qui en doutait ? Vu la rentabilité de la licence, il était peu probable que Rockstar laisse tomber GTA aussi facilement et, au sujet du terrain de jeu, à chaque fois les spéculations vont bon train avant l’annonce officielle. Certains se rappelleront qu’une paire de rumeurs voyait se dérouler GTA V à Paris, et Michael s’appeler initialement « Albert De Silva » selon certaines sources « bien informées ».

gta 6
Très connu, très répandu, mais totalement non officiel

L’affaire RDR 2

Des sources bien informées, ce n’est pas ce qui manque autour des licences Rockstar. On pourrait noter l’inflammation de la rumeur populaire sur l’éventuelle suite de l’excellent et mythique Red Dead Redemption. Ce GTA-like version western avait réellement séduit les joueurs lors de sa sortie en 2010. Vu la fin du jeu (que je ne spoilerai pas) on avait du mal à envisager une suite, ou alors avec Jack Marston, le fils du protagoniste John Marston. Pourtant, en début 2014, Strauss Zelnick, PDG de Take-Two Interactive déclarait : « Il est évident que GTA est une licence durable tant que nous continuons à offrir une qualité incroyable, il semble assez évident que Red Dead est une licence durable, avec cette même condition ». La qualification de Red Dead comme étant une « licence durable » voulait tout dire.  Pourtant, ce n’est qu’en décembre 2014 et surtout en 2015 que la rumeur est bel et bien devenue cyclique.

Peu avant l’E3, un des fameux « informateur bien renseigné » (on l’avait décrit à l’époque comme un ancien développeur de chez Rockstar) avait fait parler de lui en prédisant sur Reddit, tel le Nostradamus de l’industrie vidéoludique, une annonce surprise de Red Dead Redemption 2 lors du salon annuel. Pas de bol, Rockstar n’était même pas présent. Il n’y eût pas plus de suite (ou de préquel) aux aventures de John Marston annoncée officiellement à la Gamescom, ni à la Paris Game Week. Au final pas de Red Dead annoncé en 2015. En revanche, d’autres rumeurs qui semblent crédibles, mais toujours sur le fameux site Reddit (un site communautaire de partage de liens et de fils de discussions) et toujours par un ancien employé de Rockstar, cette fois nommé, puisqu’il s’agirait de Dany Ross qui à dans le passé travaillé sur les playlists des radios de GTA, et ce depuis le 3ème opus. Le bougre aurait répondu à un fan lui demandant sur quel jeu travaillait Rockstar actuellement : « Really ? Dumbass. Really ? Two » ce qui veut dire : eh bah, rien. Si l’on traduit à la lettre, ça donne : « Vraiment ? Idiot. Vraiment ? Deux.« . Cela dit, il ne faut pas être expert en Da Vinci code ou avoir accompli toutes les missions d’enquêtes du mmorpg Secret World, sans solution (ce qui ferait de vous un professeur émérite d’Oxford, au moins), pour comprendre que les initiales de cette allocution étrange donne : RDR 2. Dany Ross existe, certes, mais il s’agit quand même d’une déclaration sur Reddit. Alors d’accord, personne n’est dupe, tout le monde se doute que Red Dead Redemption 2 est bien en chantier et sortira même avant GTA VI , mais tout ceci n’a rien d’une annonce officielle et ce n’est au final que des rumeurs, je le rappelle.

red dead redemption
John ou Jack Marston ? Nous verrons cela.

 Le pourquoi du comment

Ce qu’il ne faut pas oublier avec Rockstar, c’est qu’il ne s’agit en rien d’un studio indépendant. Il s’agit d’une filiale de Take-Two Interactive, qui est aussi la maison mère de 2K Games qui a également une bonne pelletée de licences rentables dans son panier comme Borderlands, Nba 2K, Xcom, Civilization, WWE 2K, et bien d’autres. D’ailleurs, quand Take-Two s’exprime sur les licences Rockstar, ils en parlent exactement comme des licences 2K. Alors, en quoi ce traitement de la communication est-il complètement différent ? Parce que si l’on analyse un peu les communiqués de 2K Games, on a affaire à une communication relativement classique et efficace. J’en veux pour preuve nos news, par exemple, sur le terminator dans WWE ou encore l’arrivée en février prochain de l’édition digitale deluxe de XCOM 2. La com est simple, bien plus classique que celle de Rockstar, et pourtant il s’agit de deux filiales de la même maison mère. Alors pourquoi diable cette différence ? La raison la plus logique est la perception des joueurs. Depuis nombre d’années, beaucoup voient en Rockstar Games un studio entouré d’une aura presque mythique, allant même à oublier souvent son affiliation avec Take-Two Interactive. De ce fait, l’imagination des joueurs s’enflamme vite, et une communication par rumeur interposée suffit à entretenir suffisamment la flamme du mystère et des fantasmes, surtout que 2K veille pendant ce temps à la rentabilité de sa maison mère. Ces derniers produisant des titres bien plus régulièrement, avec plus de licences au compteur. Rockstar est bien plus mis en avant sur la rareté de son catalogue.

2k
Take-Two Interactive, c’est aussi ça

Strauss Zelnick déclarait il y a peu « Le marché nous demande : « Pourquoi ne pas annualiser vos jeux ? ». Nous pensons qu’avec les titres non-sportifs, c’est mieux de susciter l’attente et la demande. D’un côté, faire reposer le titre. De l’autre, proposer la meilleure qualité sur le marché, ce qui prend du temps. Vous ne pouvez pas faire ça annuellement. »Là où le bonhomme est malin, c’est qu’au-delà de se tirer une balle dans le pied en critiquant les licences annualisées (même s’il essaye de nous faire croire qu’en sport c’est différent), il est bien conscient de la lassitude des joueurs envers les franchises trop présentes. C’est bien pour cela qu’en espaçant volontairement les titres, il souhaite qu’ils soient largement idéalisés, fantasmés par les joueurs. Et ça marche vu les rumeurs qui pullulent sur le web. Impossible de savoir, si, dans le lot, certaines sont voulues par Rockstar, ou s’il ne s’agit que d’élucubrations diverses de fans.

Cependant, cela ne change rien. L’effet est le même : tout le monde s’extasie par avance de titres qui ne sont pas encore annoncés, parce que de nos jours : un long développement est plutôt synonyme de qualité contrairement aux licences annualisées qui ont de plus en plus mauvaise presse. Du moins, c’est ce que la com essaye de nous faire croire. En effet, ces dernières bénéficient d’une période de développement de trois ans en moyenne en se basant sur la rotation des équipes, ce qui n’est pas beaucoup plus court qu’un titre de Rockstar, ou de 2K. Tout est une question de stratégie de communication. Et celle de Rockstar, volontairement ambiguë, contribue à renforcer l’image de « légende » que Take-Two veut donner à l’une de ses deux filiales. Et pourtant, un détail très révélateur qui achèvera de vous prouver que tout est une question d’image : la dernière année où Rockstar n’a sorti aucun jeu, c’était en 1998. Après, on a eu chaque année au moins un jeu estampillé Rockstar Games (dont trois fois de suite GTA V quand même). Et pour 2016 me direz vous ? Bonne question, mais des rumeurs d’extension solo pour GTA V se font de plus en plus persistantes.  Je vous laisse méditer là-dessus.

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GTA legends : un artwork de Patrick Brown