Jeux vidéo : la chasse aux « Trophées », un succès plaisant et lucratif ?

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Figures incontournables des jeux d’aujourd’hui, les Trophées se distinguent par une action à réaliser afin de débloquer une récompense (sous la forme d’une notification). Une fois toutes ces actions réalisées, le joueur obtient alors la récompense suprême : un Trophée de Platine sur les consoles Playstation ainsi qu’un total de 1000 points sur Steam et les consoles Microsoft. A quel point cette récompense est-elle importante ? Peut-elle améliorer le plaisir du jeu ou le dégrader ? Et si ce n’était qu’une nouvelle stratégie commerciale ? Focus !

Ils sont apparus pour la première fois sur la Xbox 360 sous le nom de « succès ». Tous les jeux de lancement de la console en possédaient, que ça soit Need for Speed Most Wanted, King Kong ou Gun… Le but était de simplement permettre aux joueurs connectés au réseau de comparer leurs performances à travers leurs récompenses virtuelles. Parfois cela ne rapportait qu’une simple notification avec quelques points. Mais parfois cela ramenait de vraies récompenses pour le jeu comme l’a fait Valve avec Team Fortress 2 en 2007. Chaque action permettait de gagner entre 5 et 200 points Gamertag. Plus le chiffre était grand, plus l’action était difficile à réaliser. Chaque jeu de la Xbox 360 et de la Xbox One en possédait 1000 minimum.

Un système de récompenses… virtuelles avant tout !

L’apparition du succès se fait immédiatement remarquer. La quête du « 100% » devient la quête principale d’un jeu avant le jeu lui-même. Microsoft va même jusqu’à sanctionner les tricheurs, ceux qui abusent des logiciels et du hack pour gonfler artificiellement leur score. Ce qui n’était qu’un détail vidéoludique devient alors un véritable objet de passion qui ne crée pas toujours l’unanimité.

En 2008, Super Stardust HD sort sur le Playstation Store de la PS3. Ce petit shoot’em up spatial indépendant devient alors la réponse de Sony à Microsoft quant à l’utilisation de ses succès. 12 Trophées se débloquent tout au long de la partie. Héros de Lave : Terminer la planète Lave devient alors le tout premier Trophée de Sony pour ses joueurs. Très vite, les jeux PS3 font apparaître ce système de récompenses dans leurs jeux par des mises à jour. Si certains comme Heavenly Sword (2007) s’en passent complètement, il n’en sera pas de même pour Uncharted Drake’s Fortune, Dead Space ou Grand Theft Auto IV (2008) dont les éditeurs décident d’adopter le concept. Le système deviendra alors obligatoire par la suite. La question qui se pose fréquemment est celle de leur utilité : à quoi sert-il d’obtenir des récompenses virtuelles qui semblent ne rien rapporter de plus ?

Jeux vidéo : la chasse aux "Trophées", un succès plaisant et lucratif ?
Essayer Uncharted Drake’s Fortune en mode extrême… Cela vous tente ?

Tout d’abord, elles permettraient d’exploiter de fond en comble tout ce que le jeu propose. Cela lui permet également d’augmenter considérablement sa durée de vie. Un jeu vidéo vendu au prix fort à sa sortie se doit d’être rentable et de proposer un contenu dense pouvant occuper les joueurs. Ce système de récompenses pourrait alors servir d’objet de confort quant à la durée de vie d’une oeuvre vidéoludique.

Des Trophées pour s’amuser jusqu’à la lassitude ?

Prenons BioShock comme premier exemple. L’œuvre de 2K Boston sorti en 2007 a ajouté les Trophées demandant des actions spécifiques pour proposer une durée de vie supérieure. Si le joueur veut prouver qu’il a terminé le jeu à 100%, il devra alors accepter de finir le jeu dans plusieurs difficultés, mais aussi sans utiliser de Vita-chambre. Tout ceci encore la difficulté du jeu. La quête des objets à ramasser, dits collectibles, sera également de la partie.

Cette augmentation de la durée de vie d’un jeu peut permettre aux joueurs de découvrir des scènes et des actions dont ils n’auraient jamais soupçonné l’existence. Elle peut aussi agir comme un prétexte pour l’allonger artificiellement jusqu’à provoquer un sentiment de dégoût.

Bloodborne, production de From Software de 2015, débloque des Trophées aux joueurs ayant vaincu les boss principaux et optionnels. Mais aussi aux joueurs qui révèlent davantage le Lore de l’oeuvre. Etant un jeu dont le scénario est très mystérieux, la chasse aux Trophées peut s’avérer indispensable. Cela crée une véritable quête de satisfaction à l’image du jeu en lui-même.

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Si vous voulez tout savoir sur Bloodborne, il faudra alors rencontrer ce boss annexe.

Toutefois, dans le cas de Prototype, jeu d’action très difficile d’Activision (2008), si certains Trophées poussent à accomplir le jeu à 100%, d’autres entraînent une véritable frustration et lassitude. Comme demander à un joueur d’éliminer très exactement 53 596 types d’ennemis. Lost Planet II, production de Capcom de 2009, offre des récompenses virtuelles si le joueur refait 300 fois une mission dans une certaine difficulté ou s’il fait un geste précis autant de fois que nécessaire. Selon les sondages de PSN Profiles, seulement 0.13% des joueurs ont réussi. C’est un chiffre extrêmement bas. 

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Autant vous dire que vous allez voir du sang dans Prototype.

Notons d’autres jeux qui semblent gonfler leur durée de vie par l’intermédiaire des succès. Tel est le cas de l’excellent Devil May Cry 5 qui demande d’obtenir tout de même la note supérieure de toutes les missions dans toutes les difficultés. Ou de Dragon Ball FighterZ demandant d’obtenir un score similaire à plus de 200 heures de progression.

Les Trophées, un prétexte pour le multijoueur ?

Dragon Ball FighterZ fait lui-même partie de ces jeux de combats proposant d’affronter des joueurs en ligne. Aujourd’hui, c’est devenu l’intérêt principal de tous les jeux de combats. Il faut donc devenir le meilleur afin d’affronter de véritables professionnels. Les Trophées apparaissent alors dans le mode multijoueur en ligne et alimentent cette envie de progresser. Cela peut être en accompagnant le joueur comme dans la saga Tekken, qui débloque des récompenses au fur et à mesure qu’il gagne des rangs ou en le poussant jusque dans ses derniers retranchements, comme Street Fighter V qui demande de gagner 330 fois des joueurs plus forts que soi !

Cependant, avec l’apparition de ces récompenses virtuelles dans le multijoueur en réseau, les parties ne semblent pas naturelles. Certains ne joueront que pour débloquer la récompense et non pour s’amuser. Dead By Daylight, jeu uniquement en ligne qui propose de contrôler des tueurs en série face à des survivants, se voit confronter à des parties dénaturées à cause de certains succès. Est-il vraiment nécessaire qu’un joueur accepte de franchir des palissades plus d’une centaine de fois en une partie juste pour une récompense alors que son équipe est en train de perdre la manche ? Est-il vraiment judicieux de demander à des joueurs d’accomplir toutes les actions du multijoueur en une seule partie de dix minutes, comme ça a été le cas d’Assassin’s Creed Brotherhood sur PS3 (dont les serveurs ont depuis fermé) ?

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Allez ! Plus que 299 !

Ce n’est peut-être pas anodin si Activision a décidé de mettre fin aux Trophées en mode multijoueur dans Call of Duty : Modern Warfare. Le studio préfère se concentrer pleinement sur l’aventure solo, trop souvent oubliée des joueurs. En multijoueur, le plaisir de jeu devrait prendre le pas sur le plaisir d’avoir une récompense.

Notons que certaines listes de ces récompenses comme Fortnite font partie intégralement du jeu. Elles se déverrouilleront au fur et à mesure de la progression du joueur, à condition de jouer des centaines et des centaines d’heures.

Petite anecdote de récompense que les joueurs ne digèrent pas encore aujourd’hui. Le jeu de boxe Fight Night Round 4 (2009) empêche la quête du 100% car il faut vaincre le champion du monde… Ce dernier a refusé de jouer depuis qu’il a reçu le titre… Pas très fair-play ! Le serveur a depuis fermé ses portes.

Un prétexte pour maîtriser le gameplay ?

En dehors de la durée de vie, le gameplay doit aussi être maîtrisé par le joueur. Les actions spécifiques des récompenses virtuelles doivent alors associer la manière de jouer à la durée du jeu. Parmi ces actions peuvent se recouper avec des classiques telles que : « Tuer un certain nombre d’ennemis avec une arme choisie par le jeu », « Franchir un obstacle avec une contrainte de temps ou d’essai », « Vaincre le boss sans exploiter son point faible », etc.

Reprenons l’exemple de Dead Space. Dans le premier volet, une récompense interdisait le joueur d’utiliser une autre arme que celle qu’on lui offre au début (le cutter-plasma). Dans le second volet, il devait terminer le jeu dans une difficulté en trois sauvegardes maximum, le forçant à connaître le jeu dans ses moindres recoins.

Les jeux de combats comme Persona 4 Arena ou les die & retry comme Super Meat Boy nécessitent des centaines d’heures de jeu avant de connaître toutes les solutions pour réussir. Certains développeurs vont jusqu’à inciter le joueur à se surpasser. Ce fut le cas pour The Evil Within, survival horror de Bethesda Studios qui propose le terrifiant mode Akumu, réputé pour être impossible à terminer. Libre aux joueurs de relever le défi ou non.

Parfois, cette demande de maîtriser le jeu peut faire grincer quelques dents. Ce fut le cas pour Wolfenstein II: The New Colossus qui fut victime d’une pétition pour faire retirer une de ses récompenses impossibles à obtenir pour un débutant. Wolfenstein demandait pour une vulgaire récompense de 30 points (Bronze sur PS4) de terminer le jeu dans sa difficulté supérieure sans mourir et sans sauvegarder. Une dizaine d’heures de jeu en une traite.

« Le jeu est sans doute plutôt balèze dans les niveaux de difficulté élevée, ce qui est parfait, mais les pré-requis pour débloquer Mein Leben sont inhumains. Un jeu de cette longueur devrait avoir un système de sauvegarde. En tant qu’expert en FPS, j’accepte le challenge, mais en tant qu’étudiant, je n’ai tout simplement pas le temps de jouer à quelque chose durant plus de dix heures d’affilée. Je suis sûr que bon nombre de chasseurs de Trophées vous opposeraient les même raisons, comme j’ai déjà pu le voir dans quelques forums. Merci de changer les critères pour les rendre plus accessibles afin que ce Trophée puisse être obtenu à travers plusieurs sessions de jeu. » (Pétition en ligne)

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Finir le mode Akumu de The Evil Within sera un choix psychologique éprouvant !

Parfois, la maîtrise totale du jeu pourrait aussi s’associer à une punition de la part des développeurs qui testent les limites du joueur. Rock Band (2007) demandait de terminer la soixantaine de pistes musicales sans erreur et sans faire de pause. Un test psychologique de plus de six heures non stop et dont le résultat se nomme « Vessie de Fer ». Preuve d’une mauvaise plaisanterie des développeurs ?

En soi, associer la jouabilité à la durée de vie semblerait correspondre à la définition parfaite d’une chasse aux Trophées : relever un défi et être à la hauteur de celui-ci. Cependant, lorsque l’histoire du jeu peut s’avérer intéressante, il pourrait être regrettable que tout nous pousse à maîtriser le gameplay et à faire l’impasse sur le reste du jeu. Pointons du doigt le petit jeu indépendant Sinner : Sacrifice for Redemption. Il demande de vaincre ou d’être vaincu par les boss avec une certaine stratégie. Rien ne s’associe à l’exploration et la découverte de l’histoire. Le joueur peut donc passer à côté de tant d’informations.

Enfin, Crypt of the Necrodancer, jeu indépendant plébiscité par la presse, demande une patience et une exigence en acier pour parvenir à connaître le gameplay entre rythme et RPG. Il faudra compter plus de 100 à 300 heures pour enfin dépasser le statut d’amateur. Sur certains forums, le jeu et considéré comme celui possédant les Trophées les plus difficiles à l’image de Super Meat Boy, Final Fantasy XIV : A Realm Reborn, Lost Planet II ou Gran Turismo 5.

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Un prétexte pour se construire à l’image du jeu ?

Puisque le système de récompenses virtuelles est désormais obligatoire, certains développeurs ont décidé que les Trophées ne contiendraient pas seulement des actions futiles à répéter plusieurs fois. Ils permettront aussi d’interroger son univers. Comme nous l’avions mentionné précédemment, Bloodborne et la série des Dark Souls de From Software poussent le joueur à se renseigner davantage sur l’univers qui lui est proposé plutôt que de l’inciter à terminer le jeu sous des conditions particulières de gameplay.

La dernière production de Remedy, Control, mettant en scène Jesse Faden, directrice du Bureau Fédéral de Contrôle, instaure la recherche d’éléments et de dossiers (les fameux collectibles). Ils ont une vraie utilité pour l’appréciation d’un scénario et d’un lore très « lynchien » dont on ne sait rien sans le moindre élément à rechercher. Cette enquête amène même à théoriser de folles histoires sur le studio Remedy lui-même. Sur l’existence de ses personnages ou en supposant tout simplement que Control serait une « suite » d’un autre jeu culte du studio sans toutefois y poser une justification scénaristique. Un peu à la manière de M. Night Shyamalan pour Split et Incassable au cinéma. Prochainement dans un DLC ?

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Ne passez pas à côté de l’histoire de Control !

Erica, full motion vidéo indépendant, sorti en 2019 sur PS4, est un film interactif à l’atmosphère oppressante. Le joueur doit assumer ses choix. A l’instar des productions de Quantic Dream (Heavy Rain, Detroit : Become Human), le jeu cache la totalité de ses récompenses. Elles ne se débloqueront qu’à la fin de l’histoire, ne laissant alors le joueur qu’avec la déception ou la satisfaction d’avoir vécu une histoire qui lui ressemblerait. Toutefois, il faudra accepter de vivre 6 fois ce long-métrage de deux heures pour viser la quête du 100%. Nécessaire ? Absolument puisque toutes les pièces du puzzle de cette ambiance à la Suspiria ne peuvent se trouver sans avoir découvert toutes les possibilités de l’histoire. Cherchez sur Internet les objectifs à accomplir de ces Trophées viendraient alors à prendre le risque de se faire spoiler l’intégralité des twist. Etes-vous prêts à tout pour un Trophée ?

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Erica se dévore aussi vite qu’un film au cinéma !

Certains réussissent même à associer leur univers à la réflexion de ce qu’apportent les récompenses. Ainsi dans Les Simpson (2008), un succès demande simplement de mettre en pause le jeu. Dans l’adaptation banale de Deadpool, la récompense suprême se nomme « Tu peux revendre le jeu !« . Notons également South Park : The Stick of Truth où chaque action à accomplir pourrait se voir comme une référence aux épisodes de la satire de Trey Parker et Matt Stone.

Enfin, il pourrait être judicieux de suggérer que beaucoup de développeurs semblent se moquer du concept des succès en proposant parfois de la pure provocation. Ce fut le cas pour Garry’s Mod qui demandait de se connecter en même temps que le développeur du jeu. Journey recommandait de jouer une semaine après avoir arrêté. Probablement un moyen comme un autre de rappeler que ce ne sont que des gens et que de vraies récompenses vous attendent dans la vie.

Cette moquerie entraîne les développeurs à créer des récompenses pour des actions ridicules. Comme ne plus toucher la manette pendant un long moment (30 secondes dans Uncharted 4 : A Thief’s End, 5 minutes dans Saw, 10 minutes dans Everybody’s Gone to Rapture).

Black The Fall est un jeu indépendant dans le même contexte que Limbo et Inside. Il raconte l’histoire d’un homme contraint de travailler à l’usine dans une dictature rêvant de liberté. Un Trophée demande alors aux joueurs d’accepter de perdre leur liberté temporairement et de travailler pendant une vingtaine de minutes (montre en main) sans rien faire d’autre. Sa description ? « L’ignorance est une bénédiction » ! Pessimiste, n’est-ce-pas ?

Mentionnons aussi les productions du studio Telltale Games (The Walking Dead, The Wolf Among Us etc.) qui se désintéressent complètement de ce qui peut être proposé de plus aux joueurs par le gameplay et la durée de vie. Terminer l’histoire amène immédiatement la récompense suprême, la rendant accessible à tous et donnant surtout envie d’acheter la suite. Le studio s’est alors fait une réputation auprès des chasseurs avertis. Les récompenses virtuelles pourraient être alors une solution lucrative ?

Jeux vidéo : la chasse aux "Trophées", un succès plaisant et lucratif ?
The Wolf Among Us

Un prétexte pour se faire de l’argent ou se faire connaître ?

Certains jeux se sont fait une réputation grâce à leurs récompenses faciles d’accès. Et ça semble marcher ! My Name is Mayo de Green Lava Studio est proposé pour la modique somme de 1€ sur le PSN. Le seul intérêt de ce mini jeu « mindfuck » est de taper un pot de mayonnaise. Si le joueur le tape 10.000 fois, il gagnera des récompenses. Le jeu doit sa rentabilité et sa célébrité dans le jeu vidéo indépendant pour cette seule forme d’intérêt. Le studio a réussi à développer son second jeu, dans un délire similaire grâce au succès du précédent, nommé Mr Massagy qui se veut être une parodie de l’application Tinder. Une fois de plus, le jeu doit sa notoriété pour son 100% très facile.

Les joueurs seraient tentés de succomber à une chasse aux Trophées facile. Ils décideront alors de jouer à un mauvais jeu pour booster leur score virtuel. C’est le cas de Little Adventure on the Prairie ! Probablement une mauvaise blague, mais le jeu est dénué d’histoire et surtout complètement ennuyeux. Si My Name is Mayo avait au moins le mérite d’être complètement décalé, l’autre jeu est relativement mauvais et n’a été vendu que pour proposer des Trophées.

Débloquer des Trophées devient un véritable argument commercial. Des mauvais jeux ne voient leur mérite que pour augmenter son nombre de récompenses. Les trop nombreux reboots de jeux vidéo d’antan proposent une liste comme une très bonne solution de revivre le jeu.

Les éditeurs de One Night Stand, Ratalaika Games connaissent une petite notoriété grâce à ses récompenses faciles d’accès. 36 Fragment of Midnight ne demande que de jouer deux petites heures. Jack’n’Jill n’oblige que de finir le premier niveau. InkSplosion ne demande que de vaincre 50 ennemis en niveau difficile. Bien évidemment, le résultat de ces jeux n’est pas toujours synonyme de grande découverte vidéoludique.

Néanmoins, la plupart des petites œuvres indépendantes permettent de redorer le blason d’un type de jeu trop souvent éloigné à cause des gros blockbusters tout en proposant des formes de jouabilités expérimentales diverses et variées. De plus, ils offrent émotion et nostalgie aux joueurs qui pourraient vite trouver leur compte et alors qu’ils cherchaient une récompense facile, se voient confrontés à un coup de cœur inattendu. Cette chasse aux récompenses serait alors optimiste. Elle pourrait permettre au petit studio de développement de gagner un peu de popularité. Drowning n’est pas passé inaperçu grâce aux chasseurs de Trophées. Entièrement en anglais, le jeu est un plaidoyer contre la dépression et ses conséquences avant d’être un jeu très facile.

Malheureusement, certaines entreprises vont trop loin et décident d’associer ces récompenses aux micro-transactions. Electronic Arts avec Star Wars Battlefront II et NBA 2K 2019 propose aux joueurs de payer avec leur carte bancaire. Ils peuvent terminer bien plus vite le jeu et économiser un gain de temps considérable.

Deux Trophées de Injustice 2 (Neatherealm Studios) peuvent se débloquer plus facilement avec l’aide d’un peu d’argent. Le premier demande de débloquer une capacité qui ne s’obtient que de manière très aléatoire et il faudra donc acheter de nombreuses boîtes d’équipements. Le second demande d’augmenter le niveau de ses personnages jusqu’au maximum ce qui peut être très long, sauf si le joueur décide d’acheter toute l’expérience nécessaire du trophée pour 99 euros.

Payer pour platiner un jeu pourrait sembler douteux. Mais il faut reconnaître que cela fonctionne dans le marché du jeu vidéo. Payer un trophée est-il aussi immoral que de payer un mauvais jeu sous prétexte que sa récompense suprême se débloque en dix minutes ? Plusieurs jeux, notamment les Party Games et les jeux en mode multijoueur, demandent forcément un peu d’argent pour être terminé à 100%. En effet, il vous faudra soit vous procurer plusieurs accessoires commercialisés (quatre micros dans Singstar par exemple ou quatre PS Move dans Sports Champions), soit acheter un abonnement en ligne. L’argent doit-il alors prendre le pas sur le talent et l’acharnement d’un joueur ?

NieR Automata, production de Platinum Games et Square Enix, se moque de ces micro-transactions avec beaucoup de classe. Une boutique cachée permet d’acheter les Trophées du jeu avec l’argent du personnage et non du joueur. Cette volonté s’inscrit parfaitement dans l’une des nombreuses leçons de philosophie que propose ce jeu.

Un véritable réseau social !

Dans cette problématique commerciale, les chasseurs de Trophées semblent alors devenir des influenceurs comme sur les réseaux sociaux. Des sites sont crées pour aider et répertorier les chasseurs dans leurs quêtes du 100% (PSTHC, PlaysationsTrophies, SuccèsOne etc.). Ils attribuent des notes sur la répartition des récompenses et recommandent à leur communauté si cela vaut le coup ou non. Un jeu à la difficulté faible pourrait alors attirer bien plus de monde qu’un jeu ayant une récompense à la limite de l’impossible. Heureusement, certains vont jusqu’à s’entraider pour obtenir des succès difficiles. Ce qui renforce une immersion de collectivité dans le jeu vidéo.

Les joueurs peuvent se comparer entre eux, partagent leurs plus belles victoires et accumulent des « j’aime ». Sur les réseaux sociaux, les hashtags similaires se cumulent et donnent plus de 10,000 publications.

Sur les menus de la Playstation 4 et de la Xbox One, il devient tout à fait possible de suivre un joueur jouant au même jeu que vous, car il le maîtrise et l’a terminé à 100%. Il existe même des groupes réservés à ceux qui collectionnent ces récompenses et présentent leurs « proies » chassées aux yeux des autres tous les jours. Plus le jeu est difficile et plus les autres seront nombreux à le complimenter.

Certains chasseurs deviennent des célébrités dans le milieu grâce au nombreux records que sa collection possède. En 2018, Hakoom de son pseudo, est médiatisé car il vient de remporter son 1,700ème Trophée de Platine. Un an auparavant, sur Xbox, c’est Stallion83 qui devenait populaire grâce à son record. Un talent jugé sur son million de points après avoir joué pendant onze années. Microsoft lui a offert un abonnement à vie, prouvant ainsi la pertinence qu’une chasse peut apporter.

Jeux vidéo : la chasse aux "Trophées", un succès plaisant et lucratif ?
The Last of Us Part II proposera-t-il lui aussi de partir en chasse ?

Il est étrange de terminer sur une supposition que les récompenses virtuelles contiennent aussi des conséquences quant à la relation entre le joueur et le jeu. En effet, le joueur ne pourrait plus s’intéresser au jeu mais simplement aux récompenses. Pire encore, il pourrait choisir son jeu en fonction des Trophées qu’il proposerait et non pas pour ce que le jeu pourrait offrir. La liste des Trophées semble s’adapter à l’univers du jeu. Ils créent une certaine cohérence afin de ne pas déposséder le joueur et de le laisser plonger dans l’univers. Combien de joueurs se priveraient de jouer à un chef d’œuvre sous prétexte que des Trophées plus faciles sont à portée de main ?

Nintendo n’a pas encore décidé s’il allait proposer cette chasse dans ses nouveaux jeux. Le contexte de la maison d’édition étant plus familial que compétitif. Il serait judicieux de penser que l’ajout des succès et Trophées serait à l’encontre de ce que Nintendo veut présenter à ses joueurs. Pourtant, on pourrait imaginer ce que The Legend of Zelda : Breath of the Wild et Octopath Traveler pourraient offrir de plus à leurs joueurs, eux qui possèdent déjà une expérience inoubliable…

Pour conclure, n’oubliez pas que le plus important est de vous amuser et de jouer aux jeux que vous aimez. Si vous ressentez de l’ennui ou de la frustration, c’est que le jeu n’est pas fait pour vous. Il n’y a aucune vraie récompense, alors tout le monde a droit à l’erreur ! C’est à vous de décider si vous voulez relever le défi ou non. Chacun est libre de jouer et de vivre le jeu vidéo comme il le souhaite…