Seule la mort attend la vilaine est un webtoon signé Suol et Gwon Gyeoeul. D’abord publié sur la plateforme Delitoon, c’est le jeune éditeur Kotoon qui s’en empare dans nos contrées. L’occasion de découvrir un jeu de séduction… réellement mortel !
L’histoire
Une jeune femme parvient à échapper à sa famille maltraitante, et pense enfin vivre ses meilleures années à la fac. Pour passer le temps, elle s’intéresse au dernier jeu mobile à la mode. Mais après avoir enchaîné les parties toute une nuit, elle s’endort… et se réveille dans la peau de l’un des personnages du jeu ! Et pas n’importe lequel, puisque la jeune femme est devenue Pénélope, fille adoptive du duc Eckhart, et principale antagoniste du jeu.
Pour avoir parcouru le jeu en long et en large, notre héroïne sait qu’un destin funeste attend son incarnation à chaque partie. Pour échapper à cette règle immuable et survivre, elle devra faire face à de cruels dilemmes et des ennemis farouches !
Seule la mort attend la vilaine : amour, meurtres et stratégie
Si les isekai ont connu leur heure de gloire avec des titres comme Sword art online, Bofuri plus récemment ou encore Re:zero, peu ont osé mêler avec succès différents genres. C’est le cas pour les manga avec Tanya the Evil, dont la réputation n’est plus à faire ; du côté webtoon, une vague de titres déferle en librairie, directement de Corée ou d’ailleurs. Trouver une once de créativité peut donc être difficile, tant parmi tous ces choix que dans l’inventivité des auteurs. Pourtant, avec Seule la mort attend la vilaine, Gwon Gyeoeul et Suol réussissent le pari d’entremêler isekai, otome game et survival !
Seule la mort attend la vilaine plonge son héroïne dans la peau d’une princesse dont le quotidien n’a en réalité rien d’une sinécure. En effet, Pénélope Eckhart, cadette de l’une des familles les plus puissantes du royaume, n’est qu’un pantomime : adoptée par le duc, elle vient en remplacement d’Yvonne, fille légitime, disparue plusieurs années auparavant. Et ça, ses « frères » ne sont pas prêts de le lui pardonner. Entre coups bas, violences physiques et morales, le quotidien de Pénélope vire à l’enfer… jusqu’au retour d’Yvonne, lors de la cérémonie de passage adulte de la princesse fantoche. Cet évènement marque, dans le jeu, le pire tournant possible pour Pénélope, puisqu’elle finit irrémédiablement par mourir de la main de l’un de ses proches.
Fan inconditionnelle du jeu, notre héroïne est bien décidée à éviter ce sort funeste à tout prix ! Pour cela, elle devra multiplier les stratégies et déjouer les pièges. Cela passe par faire augmenter son « pourcentage d’affinité » avec les cinq principaux personnages masculins… ceux-là même qui sont à l’origine de la ruine de Pénélope dans le mode normal !
Briser le quatrième mur
Se met alors en place un redoutable jeu de stratégie, entre Pénélope et ses différents courtisans, mais aussi à l’intérieur même de la cour, où rivalités et enjeux de pouvoir se mêlent au quotidien banal d’une vie de château. Les auteurs développent avec intelligence la psychologie des personnages, et nous découvrons leurs différentes facettes en même temps que l’héroïne. Ainsi, si l’inimitié des ducs héritiers envers Pénélope ne fait pas de doute au départ, certaines de leurs actions déboussolent l’héroïne. Où est la vérité ? Pénélope devra partir en quête des secrets qui l’entourent, en tentant de maîtriser un jeu qui se révèlera de plus en plus réaliste pour elle… jusqu’à briser la frontière entre réalité et fiction ? Et si notre héroïne se retrouvait prisonnière de ce nouveau monde ?

Dans un sens de la mise en scène un peu rigide pour qui est habitué aux oeuvres focalisées sur le mouvement, mais clairement efficace, Seule la mort attend la vilaine déroule sans temps mort une histoire complexe. On apprécie notamment les incursions des souvenirs de l’héroïne, dont la « vraie vie » s’établit en un étrange écho avec celle de Pénélope.
Les graphismes colorés, s’ils ne sont pas extraordinairement originaux, sont vraiment agréables, et le chara design nous rappelle de délicieux shōjo. L’intrigue avance rapidement, et les personnages se mettent en place sur un échiquier particulièrement dangereux. Le second tome, sorti en avril dernier, nous entraîne hors du château de la famille Eckhart, et nous découvrons alors l’univers autour de ses murs dorés. Un univers où foisonnent magie, complots et discriminations. Au-delà de sauver sa propre peau, notre héroïne aura-t-elle suffisamment de pouvoir pour changer les choses ? Le souhaitera-t-elle ? Sans cesse sur le fil, « Pénélope » doit surveiller chacun de ses gestes, chacune de ses paroles, poussant la tension à son comble en seulement quelques cases. C’est là l’une des forces de ce titre : cacher un thriller psychologique redoutable derrière des atours d’otome game classique !
A l’instar de l’excellent Moriarty (MIYOSHI Hikaru et TAKEUCHI Ryôsuke), Seule la mort attend la vilaine propose en filigrane une certaine réflexion autour du rôle d’anti-héros. Et si le méchant était un gentil comme les autres ? Pourquoi l’est-il devenu, qui lui a donné ce rôle ? Une élégante façon de redéfinir les codes.
Forte d’un succès jamais démenti depuis sa sortie en Corée, Seule la mort attend la vilaine amène un certain vent de fraîcheur parmi les innombrables sorties en librairie. Ces deux premiers tomes posent une intrigue solide qui révèle doucement toute sa complexité. Au-delà de l’aspect fantastique, le récit impose à son héroïne un miroir à sa propre vie d’avant. La clé de sa survie réside alors peut-être à l’abandon de ce passé traumatique, et à déjouer le funeste destin connu par tous les anti-héros ! Toutes les pistes sont ouvertes : vous le saurez en dévorant les prochains tomes !