Miss Kuroitsu from the Monster Development Department, critique à mi-saison

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Hiroaki Mizusaki n’aime pas les choses simples. En se lançant dans l’écriture de Miss Kuroitsu from the Monster Development Department, il aborde le monde hyper référencé et hyper concurrentiel des super-héros. Or, pour surnarger au sein d’une production pléthorique, il choisit un angle d’attaque encore jamais vu. Mélanger l’esprit de The Office et celui du super-sentai mâtiné de comics nord-américains. Alléchante sur le papier, sa proposition nous a séduits dès le premier épisode. Force est de constater que la suite n’a pas perdu en qualité et continue de nous ravir.

Une employée presque ordinaire

Miss Kuroitsu a toutes les apparences d’une employée modèle. Impliquée, sérieuse, compétente, elle se dévoue corps et âmes dans son bureau d’étude. Rien ne saurait la différencier des autres travailleuses du Japon, à un détail près. Elle officie en effet pour Agastia une des principales sociétés de super-vilains du pays du soleil levant. Ses journées, elle les consacre donc à concevoir des monstres capables de vaincre les héros japonais

Son abnégation est pourtant mise à rude épreuve chaque jour. Les sociétés de super-vilains fonctionnent en réalité comme des entreprises classiques. Chaque projet doit respecter un budget. Chaque créature doit recevoir l’aval de « x » bureaux. L’oubli du moindre papier signifie retard et report. Et cela serait encore simple s’il ne fallait pas jongler avec les visions irréalistes de leur chef, les tensions internes et la lutte contre les autres sociétés du crime. Et si le véritable ennemi était la bureaucratie ?

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Miss Kuroitsu from the Monster Development Department : le crime ne paie plus

Hiroaki pendant ces six premiers épisodes approfondit l’idée géniale de son projet. Pourquoi les super-vilains perdent-ils toujours ? Ils ont pourtant les ressources, l’envie, l’ambition, l’inventivité. La raison : ils sont gangrenés par une lourdeur administrative. C’est ce postulat que la série développe avec bonheur. Chaque épisode creuse ce concept frisant avec l’absurde, mais toujours traité avec le sérieux nécessaire. Un exemple. Quand l’équipe doit obtenir les certificats nécessaires, elle est contrainte d’aller aux quatre coins du Japon rencontrer les cadres de l’entreprise. Mais ils sont cachés dans des repères difficiles d’accès et très peu pratiques. Une perte de temps qui conduit Agastia a définitivement tourné la page du papier et passé au dématérialisé.

Chaque épisode accumule d’ailleurs les audaces narratives et visuelles tout en s’appuyant sur une merveilleuse connaissance de l’univers super-héroïque. Comment expliquer le visuel parfois exotique des monstres ? Restriction budgétaire. Les super-vilains ont-ils des hobbys, des passions ? La réponse est oui, mais il est difficile de les concilier avec leur statut. Que fait-on des monstres pendant leur temps de pause ? On leur trouve un job à temps partiel évidemment. Comment les super-vilains recrutent-ils leurs simples soldats? En faisant appel à des intérimaires bien sûr !! Et ceci n’est qu’un échantillon des idées brillantes développées pendant les 26 minutes de chaque épisode. Ce qui permet d’inverser alors le regard du spectateur qui en vient à prendre en pitié ces serviteurs du crime.

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Vers l’infini et au-delà

Le pépitement d’idées du scénariste s’appuie sur une animation, un dessin de très grande qualité. L’animation d’abord est très dynamique que ce soit pour les scènes de bureau que pour les phases d’action. Les expressions faciales de l’équipe du bureau sont drôles jouant à fond sur le décalage permanent entre leur travail et leur attitude très professionnelle. De même Miss Kuroitsu from the Monster Development Department  joue à fond sur la mise en scène des super-vilains. Elle reprend en effet des mouvements classiques (regard ténébreux, la façon de marcher) qu’elle va désamorcer en accolant des mimiques dignes du shonen (la goutte de sueur, le rougissement). Le spectateur se retrouve donc sans cesse et pour son plus grand bonheur désarçonné devant des séquences qui font appel à un imaginaire connu, mais qui sont systématiquement reconstruites vers l’absurde.

Le dessin participe énormément à ce décalage perpétuel. Pour les plus anciens, nous retrouvons l’univers totalement loufoque de Full Metal Panic Fumoffu. La série illumine en effet de couleurs chatoyantes. En fonction des héros et de leur némesis, elle utilise toute une gamme de ton. Du pastel face au magical girls, du dorée dans le cas des animaux fantastiques, des teintes métalliques au moment des affrontements avec Blader. Ce graphisme ose ainsi tout. Il assume tout le sérieux absurde de la proposition. Il iconise des créatures au design absolument aberrant. Il développe aussi tout l’univers super-héros avec un luxe de détails et de diversité pour les costumes.

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Miss Kuroitsu from the Monster Development Department : super héros je vous aime

Il ne faut pas se méprendre sur le sens profond de cette œuvre. Car derrière, l’humour, son auteur cache une vraie déclaration d’amour à cet univers. Il en maîtrise en effet d’abord les codes. Et cela dès le titre déroulant de chaque épisode. Faites une pause pour apprécier toute la drôlerie de cette prose. Ces codes irradient toute la série que ce soit par les références (japonaise, étatsuniennes), les combats, les noms. Nous sommes devant une série qui ne se moque pas de son sujet. Elle fait rire avec son sujet en le traitant selon un point de vue décalé et paradoxalement très logique.

Ce traitement extrêmement sérieux explique dès lors l’adhésion du public à ce qui lui est proposé. Il n’est pas face à des loosers. Il découvre des employés qui font face aux mêmes difficultés que leurs homologues normaux. C’est le monde autour d’eux qui est ridicule. Cette immense empathie pour ce sujet, Miss Kuroitsu from the Monster Development Department la trahit d’ailleurs en fin de chaque épisode. En effet, l’auteur rend hommage à des cosplayers japonais qui l’ont inspiré. Une manière de célébrer une culture universelle.

Au bout de six épisodes, Miss Kuroitsu from the Monster Development Department a confirmé tout son potentiel. Cette œuvre drôle, bien animée, très bien écrite, se pose comme la grosse surprise de ce début d’année 2022. Bravo à crunchyroll pour avoir mis la main sur cette pépite.