Critique « Sexy Cosplay Doll » de Shinichi Fukuda : Entre tradition et cosplay

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Passé assez inaperçu en France alors qu’il est publié depuis plus d’un an par les éditions Kana, Sexy Cosplay Doll, de son titre japonais Sono Bisque Doll wa Koi o suru, est pourtant un  véritable carton au Japon, aussi bien auprès des femmes que des hommes. Toutefois, il trouve son public chez nous et toutes les personnes l’ayant lu sont dithyrambiques à son sujet, mais pourquoi ? 

Wakana Gojo a pour rêve de devenir artisan de poupées hina comme son grand-père et reprendre la boutique qui fait briller les yeux de tant d’enfants. Ce lycéen incompris va faire la rencontre de Marine Kitagawa, une camarade de classe haute en couleurs qui fait très attention à son physique, passionnée par le cosplay, mais qui n’est absolument pas douée pour la couture. Commence alors un partenariat inattendu qui va réunir le Japon traditionnel de Wakana et le Japon moderne qui s’occidentalise de Marine.

Une comédie romantique plus mature que la moyenne réussie

La comédie romantique, dite « romcom », a le vent en poupe depuis quelques années avec des titres comme Kaguya-sama, Love is War ou bien Rent-a-Girlfriend, des séries qui sont dans le haut des charts de vente à chaque nouvelle sortie de volumes, mais ils sont avant tout portés par des animes de qualité. Sexy Cosplay Doll qui n’a pas encore ce Graal, qui ne serait tarder puisque l’adaptation a été annoncée récemment, a tout de même réussi à sortir son épingle du jeu grâce à un angle plus mature et réaliste que ce que les fans sont habitués à voir dans le genre.

Bien que ce soit un premier amour pour Wakana, qui n’a quasiment aucun contact avec la gente féminine, ainsi que pour Marine qui apparait comme plus expérimentée avec son apparence de gyaru sûre d’elle, leur innocence donne lieu à des scènes loufoques et sexy. Ceux-ci sont des lycéens comme tant d’autres qui vivent leur premiers émois mais dont la passion pour un art niche va les rapprocher et donner un aspect bien plus sérieux à des évènements parfois quelconque.

Critique "Sexy Cosplay Doll" de Shinichi Fukuda : Entre tradition et cosplay
Fameuse discussion hors norme entre Wakana et Marine concernant le jeu « Sexy Miracle Life2 »

L’humour est bien entendu très présent que ce soit avec des quiproquos ou des moments plus ecchi totalement involontaires. Certaines scènes sont d’ores et déjà cultes, restant à l’esprit comme la discussion complètement hallucinante lorsque le couple sort d’un café parlant à voix haute d’un eroge mais que les personnes autour pensent qu’il s’agit de leur quotidien. Shinichi Fukuda maitrise aussi bien le rire que son dessin qui est tout simplement sublime.

La rencontre de deux mondes opposés mais similaires

Wakana descend d’une lignée d’artisan qui travaille dans le monde des poupées hina, un art très peu connu en dehors des frontières nippones mais qui représente parfaitement les traditions japonaises. Très complexe et demandant de grand sacrifices, il faut pouvoir maitriser la peinture de précision, la couture mais aussi évoluer avec son temps afin d’être à la mode sur certains modèles. Ce métier ancestral nécessite un travail régulier sur plusieurs années avant de pouvoir réaliser une poupée d’une très grande beauté, chose que souhaite Wakana plus que tout.

Critique "Sexy Cosplay Doll" de Shinichi Fukuda : Entre tradition et cosplay
Visite guidée de la boutique familiale artisanale qui vend de magnifiques poupées hina

Les poupées hina sont les vedettes lors des « Hina matsuri », une fête traditionnelle japonaise ayant lieu tous les ans le 3 mars et que les petites filles attendent avec impatience. Quelques jours avant la date, les enfants disposent leurs précieuses poupées représentant la cour impériale de l’ère Heian dans un ordre bien précis sur des estrades. Ces poupées sont la plupart du temps transmises de génération en génération et donc très bien entretenues. Cependant, les fillettes se voient souvent offrir une de ces œuvres d’art qu’elles auront choisies.

Marine est bien loin de cet univers très japonisant avec son amour pour le cosplay qu’on associe pourtant assez souvent à tort à ce pays. Le cosplay (contraction de costume et play) a vu le jour aux Etats-Unis en 1939 avant de connaitre son apogée entre les années 70 et 80 grâce aux fans de Star Wars et Star Trek qui se déguisent en leur personnage favori lors de différentes conventions.

Alors que les USA sont le berceau de cet hobby, l’Europe a poussé cet art à son paroxysme avec une volonté de théâtraliser à son maximum le personnage, ainsi qu’en donnant un niveau de qualité du travail de couture bien supérieur. Le Japon a suivi cette lignée, sans l’idée de concours de cosplay très cher aux pays occidentaux. Au pays du Soleil Levant, c’est un passe-temps honteux que la plupart des amateurs cachent à leurs proches, bien que ce soit bien là-bas que la mise en scène est poussée le plus loin, avec des pauses et des tenues très sexy. La contradiction typiquement japonaise dans toute sa splendeur.

Critique "Sexy Cosplay Doll" de Shinichi Fukuda : Entre tradition et cosplay
Une rencontre bénéfique à Wakana qui apprend de nouvelles choses sur l’utilisation de certains tissus correspondant à son patron pour le cosplay de Juju

Marine est à contre-courant de la pratique commune du cosplay, ne faisant pas de secret sur ses envies bien au contraire. Juju représente bien mieux le cosplayer typique japonais avec sa timidité associée à sa volonté de donner vie à ses chouchous, mais toujours, en séparant les deux. Wakana va s’épanouir dans ce monde fantasque grâce à ses dons de couturier qu’il a peaufiné au fil des années en confectionnant les tenues minuscules des poupées hina.

Sexy Cosplay Doll est une ode à la tolérance et à la différence, un message que Shinichi Fukuda a parfaitement su transmettre à travers du thème du cosplay. Il y a un véritable travail de fond de la part du mangaka. Les connaissances sur les poupées hina et le cosplay sont pointues, mais vulgarisées juste ce qu’il faut pour que ce soit parlant, aussi bien aux connaisseurs qu’aux amateurs. Les aventures rocambolesques de Wakana et Marine sont addictives et espérons que la série animée lui permettra d’être sous les feux des projecteurs comme ils le méritent.