Bomber boy, critique du manga

0
139
bomber boy

Publié par les éditions Panini, Bomber boy propose en quatre volumes une uchronie militaire teintée de robotique. Le premier tome dont vous pouvez retrouver ici notre critique nous avait ravis à la fois par son propose original et audacieux ainsi que par ses références au conflit d’Asie-Pacifique servi par un dessin généreux. La lecture de toute la saga confirme la très bonne tenue de cette œuvre malgré une réserve sur l’exploitation incomplète de l’uchronie.

Une autre guerre d’Asie Pacifique

Le Yamato et Mars, deux puissances hégémoniques et impérialismes lorgnent sur leur espace proche. Leur confrontation devient inévitable et lorsque le Yamato, après avoir attaqué le Karyo (la Chine), vise l’Ashu, le Pacifique Sud, Mars décide d’entrer en guerre. Or entre les deux Etats, le déséquilibre des forces est réelle. Le Yamato demeure un archipel, certes en expansion mais aux ressources dispersées, quand Mars est un Etat continent aux réserves inépuisables.

La guerre tourne vite aux désavantages du Yamato. Sa flotte subit revers sur revers, ses forces terrestres malgré leur courage reculent devant les armées de Mars. La défaite ne semble plus qu’une question de temps quand surgit Kitetsu, soldat aux super pouvoirs, et ses frère d’armes des forces spéciales du Vent Divin. Cette arme miracle est sur le point de renverser le cours de la guerre. Mais c’est compter sans l’acharnement de Mihail et de Bluffman, officiers de Mars bien décidés à écraser le Yamato.

bomber boy

Bomber Boy : quand Astro rencontre Inglorious Bastards

Bomber Boy propose un habile et jouissif mélange des genres. Le récit, en effet, se concentre sur une unité d’élite, des durs à cuirs et des fortes têtes jetées dans le brasier d’une guerre atroce. Face à un commandement fanatique et peu soucieux de la vie de ses hommes, ce sont ces soldats à l’âme rebelle qui doivent tenter l’impossible. Or, le courage, l’intelligence peuvent-ils vaincre la puissance industrielle, humaine de Mars. Chaque victoire obtenue est dérisoire à l’échelle de l’immensité du champs de bataille où le Yamato recule.

C’est alors qu’intervient l’élément science-fictionnel. L’arme miracle, un enfant aux dons surnaturels mais limités dans le temps. Astucieusement l’auteur a introduit cette notion d’énergie rapidement épuisable pour maintenir une tension constante. Il s’approprie aussi l’imagerie d’Astro en inversant les codes. Quand Astro hésite à tuer, Kiketsu lui massacre sans remords jusqu’à ce que son passé remonter à la surface. La machine revient enfant dont l’humanité devient la clé de la survie.

bomber boy

Bomber Boy joue avec l’Histoire

L’auteur de ce manga aime prendre des risques. En effet, la guerre d’Asie-Pacifique reste un sujet sensible en Asie avec des conflits mémoriels entre vifs notamment entre le Japon, la Corée et la Chine. Pour sa série il choisit de s’appuyer fortement sur ce conflit qui sert de substrat à son histoire. Ainsi les passionnée d’histoire repèreront sans peine les références aux batailles de Guadalcanal, Saipan ou encore Iwo Jima. Les uniformes du Yamato empruntent aussi énormément à ceux de la tristement célèbre armée impériale tandis que Mars symbolise les E.U.A.

La série propose dès lors de nombreuses scènes de combat tant sur mer que sur terre évoquant frontalement les charges bazaï, la destruction de la flotte impériale, la conquête du mont Suribachi ou encore le projet Manhattan. L’auteur ,en se focalisant sur un groupe de soldat, en profite pour rendre hommage aux grands films japonais sur la guerre, notamment Under The flag of the rising sun et pour s’en prendre au militarisme nippon, au fanatisme de la hiérarchie et au lavage de cerveau subi par les soldats et incarné par Kiketsu. Bomber Boy joue en permanence avec la frontière entre réalité et fiction jusqu’à la briser totalement en faisant intervenir le cuirassée Yamato, géant des mers, fierté de la marine impériale et coulé lors d’une mission suicide au large d’Okinawa.

bomber boy

Une histoire incomplète

Pourtant cette dimension uchronique, si elle donne un incontestable charme à Bomber Boy, en constitue aussi une faiblesse. En effet l’auteur adopte un point de vue parfois trop manichéen à l’encontre de Mars. Notamment lorsque certains crimes historiques de l’armée japonaise sont attribués à Mars ou quand l’expansionnisme du Yamato sur l’État voisin du Karyo balaie toute évocation de crimes de guerre. C’est d’autant plus dommage que le récit insiste beaucoup sur le fanatisme des officiers du Yamato et leur absence de compassion.

A cette première réserve s’ajoute l’impression que l’histoire se termine trop vite. Pendant quatre tomes Bomber Boy introduit de nombreux personnages secondaires -professeur Saotome, le général Mihail, l’empereur du Japon-, évoque des aspects sombres du passé de ses personnages sans les développer. On ne saura donc jamais pourquoi le professeur Saotome et sa fille ont choisi des camps différents, quelles sont les luttes de pouvoir au sein de Mars ou comment fonctionne politiquement le Yamato. Il y avait matière à nourrir quelques volumes supplémentaires.

Bomber Boy mérite néanmoins un coup d’œil plus qu’attentif. Bâti sur un parti pris uchronoqie risqué, il propose un récit militaire dense, spectaculaire qui aurait mérité d’étoffer son arrière plan politique.