Better days, la beauté d’un film chinois à ne pas manquer

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Si Derek Tsang excelle de toute évidence dans l’art d’explorer les relations humaines et les histoires d’amour aux virages inattendus, cette fois-ci, il nous amène vers une rencontre improbable entre deux êtres écorchés par leur propre vécu. Le tout planté dans un blackground dénonciateur et terriblement lourd. Tellement dénonciateur que, pour que le film puisse aboutir dans les salles de cinéma, le réalisateur a dû négocier avec une censure pas du tout conciliante. 

Une histoire d’harcèlement

Comme tant d’autres, Nian (Zhou Dongyu) se concentre sur la préparation du gaokao (concours d’entrée aux universités). Une camarade de classe se suicide et elle devient la cible d’intimidations. Pendant ce temps, le destin la réunit avec le petit délinquant Bei avec qui elle signe un pacte. (Wikipedia)

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Fiche technique

Réalisation : Derek Tsang
Scénario : Lam Wing-sum, Li Yuan et Xu Yimeng
Photographie : Yu Jing-pin
Production : Hui Yuet-jan
Pays d’origine : Chine
Langue originale : mandarin
Durée : 135 minutes
Date de sortie : 25 octobre 2019
Adaptation du roman éponyme de Yuexi Jiu
Distribution: Zhou Dongyu, Jackson Yee

Impressions

Si vous avez eu le malheur de vivre la censure d’un film à cause d’une dictature, l’impression de quelques coups de ciseaux sur le montage vous sautera très vite aux yeux. (Barbra Streisand et Robert Redford dans « Nos plus belles années ». Il est tard le soir, ils se regardent tous les deux et tout à coup, ils sont en train de prendre le petit déjeuner. Toute la scène de câlins ayant été estimée trop osée alors que même pas un centimètre de peau n’était visible) C’est comme une panne d’électricité qui vous aurait avalé quelques secondes d’images. Comme si le film avait trébuché, atterrissant dans un endroit inattendu. Les compromis ont exigé des changements, des suppressions de scènes et même l’insertion d’un message du style « d’accord, c’est comme ça, mais nous sommes en train de tout faire pour changer la situation ». Mais si Better days est déjà magnifique, qu’est-ce que cela aurait pu être sans cette guillotine culturelle et politique ?

Le tragique sujet de l’intimidation dans les écoles qui se noie, dans ses mêmes institutions scolaires, dans une volonté d’ignorer sa gravité. De passer outre et de faire comme si, histoire de ne pas ternir la réputation de l’établissement. Il faut dire que le réalisateur hongkongais y va fort, comme un animal sauvage qui se retournerait pour affronter la situation. La réalité directe et sans filtre.

Le fameux Gaokao, des examens nationaux qui permettront l’entrée à l’université et qui détermineront l’avenir des élèves. Ce sujet n’est pas seulement pointé du doigt, le doigt en question s’enfonce dans une plaie ouverte et stressante qui provoque de très nombreux suicides chaque année.

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Et puis, au milieu de tout ça, comme une oasis enfoncée au centre d’une jungle tranchante et incisive, une histoire tendre et touchante entre une jeune fille qui se voit harcelée cruellement par trois de ses camarades de classe et un jeune voyou sans lendemain qui s’engage à l’accompagner dans ses allers-retours au lycée. Cette subtile touche de sensualité (pas de sexe entre mineurs, ça on le sait déjà) presque contemplative embarque, adoucit le fil conducteur et nous donne du répit par rapport aux scènes d’une effroyable brutalité.

Couleurs et ambiances

D’une extrême justesse, le réalisateur ne dépasse pas le sujet principal, l’expansion des sentiments restant toujours parfaitement à leur place. Ce n’est pas la première fois qu’il travaille avec Yu Jing-pin, directrice de photographie. Très adroitement, les scènes sont délimitées par les couleurs et la lumière. Toute la partie de journée se démarque par le bleu ciel des uniformes scolaires, le tout baigné dans un éclat féerique qui contraste avec la réalité. Cette répétition de couleurs dans une atmosphère surréaliste se révèle pesante et sans fin. Comme les examens. Et l’intimidation, bien sûr. Pour les scènes extérieures de nuit, les couleurs sont très sombres et lisses. Elles nous empêchent parfois de percevoir ce qui se passe avec clarté. Est-ce voulu ? Une conséquence dû à la censure ? Il est vrai que ces moments d’une extrême violence pourraient s’avérer insurmontables s’ils n’étaient pas encerclés par une certaine confusion. Mais les scènes les plus éblouissantes ce sont celles où les deux jeunes gens sont ensemble. Les couleurs explosent sans nous sauter à la figure. Comme si nous avions vu que du mat jusqu’à présent et que nous nous trouvions soudainement en face d’un brillant réconfortant et chaud. Le cocon, l’oasis dont nous avons parlé.

Une fin imposée qui nous laisse entrevoir que le ministère de l’Éducation prend des mesures contre l’intimidation. Ah ! Toujours et encore cette histoire de ne pas perdre la face mais bon, on pardonne et c’était franchement à prévoir.

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Jackson Yee et Zhou Dongyu

On ne restera pas sans faire référence à l’énorme et surprenante découverte de Jackson Yee, jeune chanteur de 18 ans qui par sa performance consolide son statut d’étoile montante en tant qu’acteur. Et puis, Zhou Dongyu, bien sûr, qui arrive toujours aussi adroitement à donner une atmosphère, une couleur, presque une direction à l’ambiance d’un film.

Pour tous les cinéphiles qui apprécient les films de tout horizon et d’ailleurs, pour n’importe qui, il serait dommage de rater Better Days, de passer à côté de cette expression, on pourrait dire méthodique, des sujets qui ont encore du mal à être pris par le sérieux qu’on leur doit. Le cinéma chinois nous montre encore une fois sa capacité de faire de très bons films, outre que les films d’action, malgré les limites imposées.

Récompenses Hong Kong Film Awards 2020

Meilleur film
Meilleur réalisateur
Meilleur scénario
Meilleure actrice pour Zhou Dongyu
Meilleur nouvel interprète pour Jackson Yee
Meilleure photographie
Meilleurs costumes et maquillages
Meilleure chanson originale

Nomination Oscars 2021 :

Meilleur film international