La Soie Lyonnaise: Focus sur 400 ans de tradition

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Lyon est une ville à mille facettes. Tantôt, « Capitale des Gaules », tantôt, « Capitale Gastronomique de France » ou bien « Capitale de la Résistance. » Mais saviez vous que Lyon était la capitale de la soie française, fut une époque? Après Paris et Bordeaux, cette fois-ci, Just Focus vous emmène à Lyon sur les traces de ses canuts. 

Francois I: Monarch économe

Comment est-ce que Lyon est devenue une ville historiquement connue pour sa soie? Pour le découvrir, nous devons remonter le fil rouge de l’histoire jusqu’à la période de la Renaissance. En 1536, pour être plus précis.

C’est sous Francois 1er, que Lyon devient un acteur majeur dans l’industrie de la Soie. Pendant le moyen-âge, quand les routes de commerces pouvaient être empruntées, des tonnes de soieries traversaient Lyon. Notamment celles venant de l’Italie. Des foires populaires occupaient les axes Rhône-Saône (les deux fleuves emblématiques de Lyon), pour vendre ces précieux tissus. Lyon, par sa localisation, était un port d’attache très fréquenté par les marchands. C’est en partie grâce à ceci qu’en 1540, le roi accorde à la ville le monopole de l’importation de la soie.

Fils de Soie à La Maison des Canuts
Fils de Soie à La Maison des Canuts

Afin d’éviter que l’argent Français ne parte en Italie, il invite les marchands de tissus et les tisseurs à venir s’installer à Lyon. Deux d’entre eux sont reconnus pour avoir lancé la machine Lyonnaise. Étienne Turquet et Barthélemy Naris, Lyonnais d’adoption, ont établi les premières manufactures d’étoffes.

« Aux fins d’ériger en ceste ville les mestiers de faire drap d’or, d’argent et de soye.« – Turquet, séance du Consulat du 28 août 1536

Avec l’appui du roi, ils aidèrent dans le développement de l’industrie de Soie lyonnaise. En échange, ils sont exemptés de tout impôt ou service ‘militaire’ à condition de travailler uniquement dans la ville de Lyon et jamais plus ailleurs. Autant dire que l’offre était extrêmement populaire. Pendant le 16ème siècle, Lyon voit sa population grandir de 30,000 à 100,000 habitants.

 La naissance de  « La Grande Fabrique » de Soie

La « Grande Fabrique » Lyonnaise se met en place pendant le 17ème siècle. Ce surnom désigne l’ensemble de l’industrie de la soie Lyonnaise. A cette période, les travailleurs dans l’industrie de la soie peuvent être séparés en 2 groupes: Les Canuts et les Soyeux. Les Soyeux sont les marchands-commerçants. Ils fournissent les commandes ainsi que les dessins et matières premières aux Canuts. Tandis que les Canuts sont les maîtres tisseurs, experts manieurs des métiers à tisser.

Au cours des 17ème et 18ème siècle, Lyon et La France sont connues à travers le monde pour être des pionniers de la mode. C’est Philippe de Lasalle, surnommé « le premier dessinateur de Lyon »,  qui va utiliser la Soie Lyonnaise pour créer une nouvelle mode et de nouvelles soieries. Ses motifs comportent des fleurs d’après nature, des rubans noués, des oiseaux magnifiques ou bien des natures paysagères. Tous ses motifs ont la particularité d’être de couleurs vives et nuancées et utilisés pour des dessins de format très large. Sa popularité est telle que ses étoffes iront orner et décorer le Château de Versailles.

Etoffe Tissé à La Maison des Canuts
Etoffe de Soie tissée à La Maison des Canuts

Pendant ces deux siècles, l’industrie Lyonnaise connait la prospérité. 40% de la ville de Lyon travaille sur 15000 métiers à tisser. Le Roi Louis IV et Colbert donnent plus de puissance à cette industrie nationale en multipliant les commandes pour la Cour et Versailles. Sa popularité est telle qu’aujourd’hui encore, nous pouvons retrouver des tissus et des oeuvres Lyonnaises dans les Cours Européennes. Philippe de Lasalle créera même des étoffes pour l’impératrice Catherine II de Russie.

 » Chaque famille royale avait sa couleur et ses motifs. La famille royale française portait le bleu, Saxe c’était le rouge. On tissait beaucoup pour L’impératrice Catherine de Russie qui raffolait des motifs de perdrix. » précise Virginie Varenne, directrice de la Maison des Canuts à Lyon.

La révolution des Métiers Jacquard:

Malgré l’impact difficile de la Révolution et de la Terreur sur l’industrie de la soie, la Grande Fabrique réussit à survivre. L’empereur Napoléon Bonaparte lui insufflera une nouvelle vie, avec ses commandes pour décorer ses palais et habiller sa cour.

C’est à cette période que les métiers à tisser commencent à se mécaniser, notamment avec l’invention du métier à tisser « Jacquard ». Le mécanique de ce nouveau métier « automatise » une grande partie du travail du tisseur.

Canuts de Lyon la Maison des Canuts
Métier à tisser à La Maison des Canuts

Virginie Varenne explique. « Avant sur les métiers à la tire, il fallait 2-3 hommes pour opérer la machine. La mécanique des métiers Jacquard a permis au travail d’être moins pénible et plus efficace. »

Dû à la taille du métier industriel, le célèbre quartier de la « Croix Rousse » est construit et va regrouper les 3/4 des Canuts lyonnais. La particularité principale des bâtiments dans ce quartier est ses ateliers-logements à plafonds hauts et grandes fenêtres.

Lyon en 1831 et 1834: Les révoltes des Canuts

Au 19ème siècle, Lyon compte autour de 48,000 tisseurs. 8,000 d’entre eux sont chefs d’ateliers (propriétaires de leurs métier à tisser) et 40,000 sont des compagnons. Beaucoup de Canuts vivent dans la misère. Ils travaillent dans de rudes conditions, plus de 18 heures par jour, pour un salaire de misère. Les Soyeux, prétextant la concurrence étrangère ou les contraintes du marché, leur refuse le tarif minimum. Ils leur achètent les rouleaux de soies pas chers et les revendent à bon profit. Les Canuts, lassés de leurs conditions se mettent en grève le 19 Novembre 1831. Ils se retrouvent aussitôt face à la garde nationale qui leur tire dessus.

Le 22 Novembre 1831, Les Canuts descendent dans les rues, munis de leur drapeau noir et en hurlant:

drapeau La Soie Lyonnaise: Focus sur 400 ans de tradition
Vivre en Travaillant ou Mourrir en Combattant

Ils réussissent à occuper une partie de la ville, grâce à des membres de la garde nationale qui rejoignent la lutte. Le 5 décembre, Louis-Philippe, envoie 20,000 hommes de troupes et 150 canons pour réprimer les canuts. Profitant du succès de son opération, Louis-Philippe interdit le tarif minimal et dissout la garde nationale. Malgré l’échec de cette révolte, elle est considérée comme une des premières luttes ouvrières de France.

Les Canuts se soulèvent un seconde fois en 1834 pour protester contre la baisse de leurs salaires. Cette révolte sera écrasée de manière brutale par les forces de l’ordre. Si bien, que les incidents seront appelés, « Semaine Sanglante ».

La Soie Lyonnaise dans la culture populaire:

Aujourd’hui, quelques métiers à bras existent pour répondre aux demandes des musées et aux commandes particulières. Pourtant, l’industrie ne s’est pas éteinte pour autant. Bien que Lyon a dû se diversifier dans la production de différents types de tissus, il reste toujours des travailleurs de soies dans la ville, mais les commandes sont bien loin de l’âge d’or de la Soierie Lyonnaise.

Malgré ceci, l’image de Lyon et sa réputation de soierie ont permis d’entretenir le mythe des canuts. Son histoire a permis de développer dans la culture populaire locale, un intérêt de préserver le patrimoine à travers les livres.

Voici une petite liste pour régaler les lecteurs et amateurs d’histoire (de tous âges confondus).

  • Canut qui est tu? de  Virginie et Philippe Varenne
  • Claudine de Lyon de Marie-Christine Helgerson
  • Le Chant des Canuts de Louis Muron
  • Dans la révolte des canuts: Journal de Pauline, 1831-1832 de Catherine de Lassa
  • Les Revoltes des Canuts de Fernand Rude

En 1894, Aristide Bruant compose « Le Chant des Canuts« . C’est une chanson inspirée de la traduction française des « Tisserands de Silésie » de Heinrich Heine. Devenue très populaire, cette chanson a été reprise plusieurs fois par des chanteurs français.

En dépit de leur disparition, les Canuts et la Grande Fabrique restent des fleurons du patrimoine Lyonnais. Pour votre prochaine visite à Lyon, pensez à regarder La Croix Rousse. Pouvez vous imaginer le son des métiers?