Les pérégrinations de Georges Pérec dans sa ville bien aimée

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On ne sait si c’est l’amour des mots ou celui de Paris qui a poussé Georges Pérec à écrire cet ouvrage, mais quoi qu’il en soit, le résultat est fameux : en nait un petit guide pour le Parisien trop habitué à sa ville de l’amour, et qui souhaite la redécouvrir sous un autre jour, pour ressentir à nouveaux ses premiers émois de jeune citadin.  

Ce recueil de jeux sur Paris, édité chez Zulma, est intemporel. Et pour cause : il propose des énigmes par arrondissements, parfois historiques, parfois littéraires, parfois ludiques grâce auxquelles on peut faire le tour de tout Paris, en découvrant et apprenant des anecdotes sur la capitale française.

Les Pérec/rinations sont classées en vingt et un chapitre, à savoir, un par arrondissement et un dernier pour la vieille institution qu’est celle du métro.

Livre-jeu

Georges Pérec avait imaginé ces jeux et énigmes pour les publications Télérama du début des années 1980. Dans cet ouvrage, vous trouverez des mots croisés sur votre arrondissement, des devinettes, des problèmes à résoudre, vous étudierez vos correspondances dans le métropolitain, vous en apprendrez plus sur certains personnages qui ont marqué l’Histoire comme sur Henri IV par exemple, ou encore sur des événements incontournables comme l’Exposition Universelle de 1900 à laquelle on doit, par exemple, le majestueux pont Alexandre III.

Ce livre offre une nouvelle dimension à Paris. Vous pourrez vous balader dans des rues encore inconnues, en connaître un fait historique étonnant (et donc impressionner votre ami(e)), décrypter des messages auxquels vous n’auriez pas fait attention sans la lecture de quelques lignes et également prendre un chemin extrêmement long pour être certain d’emprunter toutes les rues qui ont un nom de capitale européenne dans le quartier vers la place de l’Europe, sans jamais revenir sur ses pas (Paris 8ème). Bon. Pas sûre que tout soit vraiment indispensable, c’est vrai… Mais tout de même, vous vous rendrez compte que c’est assez incroyable de finalement connaître si peu de choses sur la ville dans laquelle vous habitez (si vous avez la chance d’être Parisien) depuis si longtemps. Paris vue par Georges Pérec va vous surprendre, vous réveiller, et rien de tel pour vous aventurer dans des arrondissements encore inconnus. Les plus flemmards d’entre vous pourrons aussi rester chez eux et faire gentiment les mots croisés et répondre aux énigmes proposées par l’auteur : le divertissement n’en sera pas moins grand.

Vous trouverez en somme de quoi vous divertir dimanche prochain, que vous souhaitiez rester sur votre canapé ou bien arpenter les pavés.

Georges Pérec, un auteur verbicruciste

Non, cela ne signifie pas qu’il mange des croix, mais bien qu’il est auteur de mots croisés. Pour Pérec, la langue et l’histoire sont deux terrains de jeu qu’il est possible d’exploiter à l’infini. Cet aspect du langage que l’on peut modeler à ses envies fait très vite son succès et devient sa signature.

En 1967, il rejoint les membres de l’OuLiPo (Ouvroir de Littérature Potentielle). Ce cercle ne correspond pas à un courant littéraire, mais bien à un groupe d’auteurs, qui souhaitent travailler sur la contrainte de la langue, ce qu’elle offre ou au contraire ne permet pas. Leur but est de mettre des mots sur ce qui n’en a pas forcément et d’encourager la création littéraire.

Georges Pérec est également un fin analyste de son temps et de la société dans laquelle il évolue. Son premier roman intitulé Les choses propose une analyse de la société de consommation qui se met alors bien en place dans les années 60. Cet ouvrage lui vaut le prix Renaudot de 1965. Il reçoit également le prix Médicis en 1978 pour son livre La vie mode d’emploi, qui explore les tenants et aboutissants de la vie des Hommes de son temps, en prenant pour personnages principaux des gens que nous pourrions être, tels que ses voisins de l’époque.  Mais ce qui fait surtout parler de Georges Pérec, c’est son illustre livre qui consacre l’OuLiPo : La disparition (1969). Ce livre a la particularité de ne comporter aucun « e » sur plusieurs centaines de pages. Un exercice littéraire extrêmement délicat qui s’appelle plus communément un lipogrammatique. Quelques années plus tard, il fait écho à son propre ouvrage et publie, sur le ton d’un pastiche comme nous pouvons le comprendre à la lecture du titre, Les revenentes, qui, pour le coup, exclu les voyelles a ; i ; o et u, ne laissant place qu’au « e » (cela s’appelle un monovocalisme).

L’œuvre de Georges Pérec est riche et singulière. Tout au long de sa carrière d’écrivain, il a toujours misé sur la langue. Rien de tel comme source d’inspiration à l’écriture, que sa mise en forme et son application mêmes

Et pour ceux qui sont déjà accro au style unique des énigmes de Georges Pérec, vous vous amuserez tout autant avec Jeux Intéressants et les Nouveaux Jeux Intéressants, tous deux également publiés chez Zulma.

En attendant, si vous souhaitez rendre un dernier hommage à l’auteur, vous pourrez aussi vous rendre dans « sa » rue. Non pas celle dans laquelle il a vécu, mais bien celle qui porte son nom. Une rue qui sera peut-être aussi l’objet d’itinéraires dans de futures pérégrinations…

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Crédits photo: couverture de l’ouvrage dessinée par Pearson pour Zulma.