Limbo : un polar aussi répugnant que captivant

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Affiche du polar Limbo 2023
Affiche du polar Limbo 2023

 À Hong Kong, immergé dans une ambiance de limbes, un tueur en série s’en prend aux jeunes femmes en leur coupant la main. C’est dans ce contexte que deux inspecteurs aux méthodes et personnalités différentes vont devoir faire équipe pour arrêter cet assassin. Perturbant et sordide, Limbo, le polar chinois de Soi Chang parvient à entrainer le spectateur dans une course folle contre-la-montre pour retrouver un tueur en série dans une réalité où le chaos et la sauvagerie ont pris l’ascendant.

Ce polar chinois saisit directement en nous plongeant in médias res dans l’action finale. Si certaines scènes peinent à avoir du sens au début, tout s’aligne parfaitement au fur et à mesure des minutes qui défilent. Tout comme les inspecteurs, le spectateur fait totalement partie de l’enquête et vit les mêmes émotions que les personnages.

Saisissant jusqu’à la dernière seconde, l’œuvre de Soi Cheang n’hésite pas à provoquer en montrant des scènes de violences en tout genre, le tout dans un décor répugnant et poisseux où la mort se trouve à chaque coin de rue. A la fin de ce thriller angoissant, le spectateur n’en ressort pas indemne, l’absence d’humanité face à des personnages qui sont saturés par un trop-plein d’émotion, Limbo arrive néanmoins à captiver en mettant les sens en alerte. Face à une puanteur visible, audible, à la limite de l’odorante, cette mise en scène hisse le niveau d’angoisse et de répulsion à son maximum malgré le sentiment contradictoire de vouloir à tout prix savoir ce qu’il adviendra des personnages.

 

Des rôles saisissants pour un thriller palpitant

Si le film nous plonge dans une ambiance aux couleurs binaires, les acteurs qui détiennent les rôles principaux parviennent à délivrer une performance beaucoup moins manichéenne.

L’actrice Liú Yǎ-Sè qui détient le rôle principal féminin de Wong To captive instantanément par son jeu. Empreinte à une culpabilité viscérale, cette dernière n’est (comme le spectateur) à aucun moment épargnée par la dure réalité proche de l’enfer. Entre coups, violences physiques et psychologiques, les émotions du personnage de Wong To transpercent l’écran et suscitent irrémédiablement de la compassion malgré un acte impardonnable. Sa quête de rédemption d’un passé qui la suit permettra d’apporter une certaine touche d’espoir et de lumière dans un film où règne chaos et désillusion.

Aux côtés de ce jeune personnage féminin, l’inspecteur Cham Lau, énigmatique au début, parvient à entrevoir peu à peu son histoire. Typique de l’inspecteur froid et distant, la découverte de son histoire permettra de légitimer ses actes violents. Accompagné d’un nouveau coéquipier qui arrive comme la représentation de la droiture et de la justice, le policier Will Ten semble représenter le seul personnage « normal » et rattaché à son humanité. Les détails tels que son alliance, sa douleur dû à la pousse de ses dents de sagesse, son empathie et son dégout face à la mort ou encore son faible sourire à la vue de sa femme enceinte évoque la partie humaine, vivante du film, symbole d’un futur possible.

 

Les limbes comme décor

Raccord avec le jeu des acteurs, la mise en scène parvient à retranscrire l’ambiance angoissante, macabre et nauséeuse qui se diffuse durant tout le film. La vue fait appel à l’odorat et parvient à dégoûter instantanément le spectateur. De même que les policiers vont avoir la nausée à la vue multiple et à l’odeur des ordures qui sont omniprésentes durant le long-métrage, ces détails vont apporter une certaine proximité avec le spectateur.

Les éléments disséminés tout au long du film sur les actes du tueur en série sont présentés comme des preuves que le spectateur se doit de trouver. Comme un personnage à part entière, regarder le film nous permet d’enfiler notre casquette d’inspecteur et de regrouper les indices pour tenter de déjouer les plans de ce psychopathe fétichiste des mains. La multiplication de la vision des mains de mannequins ou d’humains coupés, les cadavres ou encore les déchets proposent une vision crue et sans filtre d’une réalité des profondeurs de la rue. Coincé dans un purgatoire dans lequel les morts font partie intégrante du décor, le choix de faire un polar en noir et blanc parvient à accentuer cette balance entre désordre et espoir. Même les personnages principaux, pourtant du bon côté au préalable, seront montrés sous un angle déshumanisant.

Entre vengeance et rédemption, le temps est compté pour arrêter le meurtrier et agresseurs des jeunes femmes d’Hong Kong. Le film Limbo réunit les codes d’un polar fascinant et parvient à captiver le spectateur jusqu’à la dernière minute. Si au début les scènes peinent à avoir du sens, l’ensemble du film s’éclaircit du point de vue de la vérité et permet de fermer l’arc narratif de certains personnages.