Critique « Julieta » de Pedro Almodovar (Cannes 2016)

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Julieta est le 6ème film présenté au festival de Cannes par le réalisateur espagnol , qui fut lui même membre du jury en 1992.

Avant d’aller plus loin dans cette critique, l’essentiel est d’admettre que ce film est une véritable œuvre d’art. Plaisant à l’ensemble de la critique française, le film n’a pas fait l’unanimité en Espagne, mais ce mélodrame triste et sentimental le fera peut-être pencher vers la case palme d’or, si le jury se laisse emporter par son histoire. Pour sa 5ème participation en compétition officielle du festival, Pedro Almodovar, à qui manque encore la palme d’or, donne naissance à un long métrage qui ne plaira que subjectivement. Chacun aura son avis selon ses goûts prononcés.

JULIETa

Une mise en scène magistrale, des actrices à la hauteur.

On connait Almodovar pour sa tendance à mettre en scène de façon unique des actrices qu’il sublime à l’écran, en les montrant à l’image comme très peu savent le faire dans ce domaine. C’est l’une des raisons pour lesquelles il est considéré comme l’un des plus grands. Victoria Abril, Penelope Cruz, Elena Anaya, et ici, le duo Emma Suarez-Adriana Ugarte (20 ans d’écart) jouent le même rôle d’une femme à des âges différents. De part sa mise en scène des plus artistiques, le réalisateur espagnol mélange tous les codes pour nous gratifier de plans tous aussi soignés les uns que les autres, et ainsi offrir l’une de ses oeuvres les plus personnelles et sentimentales. Jouant habilement sur les couleurs comme sur les « cadres dans le cadre », il s’applique toujours à transiter par fondus ou sur coups de théâtre, les passages entre Julieta jeune et Julieta 20 ans après. Si l’énorme travail de lumière, de maquillage ou de gros plans divins sur les comédiennes dénature quelque peut quelque peu le réalisme du film, la beauté admirable de celles-ci accentue l’admiration qu’on a pour leurs interprétations. Bien qu’étant différentes physiquement, le moment choisi par Almodovar pour faire fusionner les 2 actrices est saisissant, tant il pourrait passer inaperçu. Telles que vues sur l’affiche du film, cet instant marque le point de gravité du récit (la fille de Julieta sèche les cheveux de sa mère, en retirant la serviette, et  Emma Suarez apparait alors). Les 2 remarquables interprétations de Julieta ne font plus qu’une. Point fort également du cinéma d’Almodovar, le récit, tel un roman pour décrire une histoire à différentes époques.

10 JULIETA_El Deseo©Manolo Pavón

Une musique trop omniprésente, pour raconter une histoire sans surprises.

Orchestré à la façon d’une tragédie grecque, Julieta plait par son coté mélodramatique, artistique et romanesque. Mais la musique d’Alberto Iglesias, compositeur attitré d’Almodovar (également sur les films Ché et Exodus), ressemble à celle d’un thriller de Brian de Palma, avec une omniprésence, même dans les moments de dialogues les plus calmes. Les violons manquent trop souvent de faire respirer nos oreilles, sans quoi certains instants de drames placés sous silence pourraient être plus judicieux. Style musical adapté pour un certain genre d’intrigue qui aurait davantage sa place dans un bon polar. Le film est d’ailleurs adapté de récits s’appelant « Hasard, bientôt et silence« , d’Alice Munro. Mais de silence, il n’est presque point question dans cette bande son. Tirée de ces récits, l’histoire montrée à l’écran, illustrant une mère perdue et désespérée, se prend bien trop au sérieux pour émouvoir. Seuls les plus sentimentaux laisseront couler leurs larmes. Almodovar ne prend donc pas de risque, et s’aventure à nouveau dans un sujet qu’il affectionne, mais dont il a sans doute fait le tour. Quand certains diront avoir été touchés par cette approche sur la rancune, ou encore la souffrance de se sentir ignoré voire oublié, d’autres diront tout simplement qu’il ne se renouvelle pas. On peut donc définir ce roman filmé d’un ennui à mourir, manquant d’originalité pour surprendre, et d’ambition pour atteindre les sommets.

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