Joy : Un conte de Noël à l’américaine

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David O.Russel réunit Jennifer Lawrence, Bradley Cooper et Robert De Niro pour la troisième fois au cinéma : Joy sort le 30 décembre en salle.

Après Happiness Therapy (Silver Linings Playbook) et American Bluff (American Hustle) sortis respectivement en 2012 et 2013, c’est la troisième fois que David O.Russel fait appel à son trio favori : Robert De Niro et Bradley Cooper donnent la réplique à Jennifer Lawrence dans Joy, un biopic semi-fictif sur l’entrepreneuse Joy Mangano, devenue millionnaire grâce à des créations telles que la serpillière magique.

Un film féministe

Comme pour Happiness Therapy et American Bluff, le cadre qu’a choisi O.Russell pour Joy reste un cocon familial bruyant. Mais cette fois, le cinéaste célèbre les femmes audacieuses, telles que Joy Mangano, qui s’est battue pour réaliser son rêve : créer des produits utiles pour les ménagères. Afin de montrer que l’histoire n’est pas seulement inspirée de la vie de cette entrepreneuse américaine, son nom de famille n’est jamais mentionné dans le film. Dès lors, Joy s’attache à décrire l’entrepreneur type, perçu comme un visionnaire avec des capacités créatives innées. La grand-mère de Joy, qui raconte en voix-off son parcours, reconnaît en elle un fort potentiel créatif lorsque, petite, Joy invente toutes sortes d’objets pour s’amuser. C’est d’ailleurs la seule personne, à part Joy elle-même (contrairement à ce qu’affirme le slogan du film en français « personne ne croyait en elle, sauf elle »), qui n’a jamais cessé de croire en elle. Néanmoins, il ne suffit pas d’avoir la fibre entrepreneuriale dans le sang pour réussir et nombreux sont les obstacles sur le chemin de Joy, à commencer par sa famille, qui n’a de cesse de lui répéter qu’elle n’a pas l’étoffe d’une femme d’affaires. A cela, s’ajoutent les commerciaux qui, incrédules, ne veulent pas acheter ses serpillières ou encore les fournisseurs malhonnêtes. Mais c’est surtout sa condition de femme qui constitue le frein le plus important pour sa carrière. Si beaucoup reprochent à O.Russell d’avoir donné le rôle d’une mère de famille trentenaire à Jennifer Lawrence, âgée de seulement 25 ans, qui d’autre qu’elle pouvait incarner cette femme déterminée ? Quand on connait l’audace avec laquelle la star de Happiness Therapy s’est battue pour obtenir le rôle qui lui a valu d’être la plus jeune actrice récompensée par un Oscar, et sa vision féministe de la parité des salaires à Hollywood, on se dit que le rôle était fait pour elle.

joy critique film
© 2015 Twentieth Century Fox

A travers cette quête initiatique, David O.Russel décrit une success story pour les femmes et les petites filles qui se rendront au cinéma. Le réalisateur veut reproduire sur grand écran l’effet qu’ont les soap operas sur le petit écran : être une source d’inspiration pour les femmes.

Les personnages des soap operas comme modèles

Lors de l’écriture du scénario, Joy Mangano a confié à O.Russel qu’elle regardait parfois les soap operas que sa mère aimait voir à la télévision et qu’ils l’avaient inspirée. Dans le film, la mère de Joy reste scotchée des journées entières devant un feuilleton fictif, pour lequel David O.Russel a réalisé quelques scènes avec des acteurs de soap operas très populaires aux Etats-Unis. Pour le cinéaste, quelle que soit la qualité de ces émissions, force est de constater qu’elles permettent aux spectatrices de s’identifier aux personnages principaux, et parfois même de s’en inspirer de façon positive. Le film débute avec une scène de la série fictive, où, pour régler un différend familial, l’héroïne principale s’empare d’un revolver. Plus loin dans le film, une scène fait écho à ce soap opera fictif lorsque, pour tester la ténacité de Joy avant de lui prêter de l’argent, la nouvelle petite-amie du père de Joy, incarnée par Isabella Rossellini, lui demande si, pour protéger ses investissements, elle serait prête à brandir un revolver sur une table dans une situation particulière. Ce à quoi Joy répond, déterminée, « I pick up the gun ».

Ce film se veut donc une source d’inspiration pour les femmes comme les soap operas, mais aussi et surtout comme les contes pour enfants, qui ont toujours une visée didactique.

Joy, un conte de Noël moderne

David O.Russel adapte à l’écran l’histoire de Joy Mangano comme un conte de Noël moderne. En effet, si en France, le film sort tout juste avant le réveillon du nouvel an, il est sorti le jour de Noël aux Etats-Unis. Cela est, certes, avant tout dû à une question de timing, une sortie avant la fin de l’année permettant au film d’être présenté à la cérémonie des Oscars 2016, mais la date de Noël est idéale. Pour rendre ce film plus festif et merveilleux, le réalisateur y intègre de la neige (vraie et artificielle) et une musique qui contribue également à créer une atmosphère magique. Enfin, le prénom Joy qui donne son nom au film, rappelle un peu la chanson de Noël américaine « Joy to the world ».

© 2015 Twentieth Century Fox
© 2015 Twentieth Century Fox

Joy est donc une Cendrillon moderne. Elle est prisonnière de sa condition de femme et nettoie littéralement le désordre créé par sa famille. Elle doit affronter des « méchants », tels que sa demi-sœur jalouse et très antipathique ou les fournisseurs malhonnêtes par exemple. Mais ce conte de fées est différent et, même en 2015, plutôt novateur pour un film centré sur une femme. Un flash-back dans l’enfance de Joy nous avertit qu’il ne faut pas attendre l’arrivée d’un prince charmant. L’intrigue est résolue par le succès entrepreneurial de Joy, qui ne doit sa réussite qu’à elle-même. Ce conte moderne de Noël, c’est l’American Dream par excellence, ce cliché selon lequel il n’y a qu’aux Etats-Unis que n’importe qui peut, du jour au lendemain, devenir millionnaire, comme le pense le personnage de Bradley Cooper dans le film.

Un conte de Noël qui célèbre le matérialisme

Malheureusement, ce film tombe dans l’écueil d’un matérialisme grossier. Si on ne peut que louer l’intention de O.Russel de vouloir célébrer les femmes audacieuses et inspirer les spectatrices à se battre pour leurs rêves, on ne peut que déplorer la conclusion de ce film. Si le dénouement ne se fait pas grâce à un prince charmant, en revanche, à la fin, on attend des spectateurs qu’ils s’extasient devant toutes les belles maisons qu’a pu s’acheter Joy.

Le film s’inspirant largement de la vie de Joy Mangano, on connaît déjà la fin et on ne vous apprendra alors rien en vous disant qu’elle vécut heureuse et eut beaucoup d’argent.