Festival de Cannes: Critique de « I, Daniel Blake » by Ken Loach

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Grand habitué du Festival de Cannes et déjà auréolé de la palme d’or en 2006 pour Le vent se lève, le réalisateur Britannique continue d’émouvoir avec un nouveau long métrage montrant les difficultés sociales d’une certaine classe de la population. Il dénonce ici, avec justesse, l’idiotie de l’administration anglaise et du traitement réservé à ceux qui sont dans le besoin. 

Synopsis : 
Pour la première fois de sa vie, Daniel Blake, un menuisier anglais de 59 ans, est contraint de faire appel à l’aide sociale à la suite de problèmes cardiaques. Mais bien que son médecin lui ait interdit de travailler, il se voit obligé de rechercher un emploi sous peine de sanction. Au cours de ses rendez-vous réguliers au « job center », Daniel va croiser la route de Katie, mère célibataire de deux enfants qui a été contrainte d’accepter un logement à 450km de sa ville natale pour ne pas être placée  en foyer d’accueil. Pris tous deux dans les filets des aberrations administratives de la Grande-Bretagne d’aujourd’hui, Daniel et Rachel vont tenter de s’entraider…

Une mise en scène simple et centrée sur la dimension sociale qu’aborde le film.

Certes pas d’un visuel mémorable, la photographie d’un film de Ken Loach ne sert au spectateur que très peu de gros plans sur ses personnages, ni de composition, quoique. En effet, cette façon de faire paraît bien pensée, car sans doute voulue. On sent tout au long qu’une telle réalisation nous plonge mieux dans la simplicité et le côté humain des personnages. Et c’est là qu’a toujours résidé la grande force du plus engagé des réalisateurs anglais. Ayant l’habitude de travailler avec des comédiens non professionnels, il cherche toujours à donner plus de naturel à son histoire. C’est pourquoi, dans les bureaux du « Pole emploi  de Newcastle », la plupart des figurants et comédiens secondaires sont des habitués de ces locaux. Là ou le génie Ken Loach s’active, c’est que malgré cette simplicité, on est tout de suite touché par ce qui arrive aux personnages, et à leurs situations sociales difficiles. Cette critique poignante du système britannique (qui ressemble horriblement à l’administration française), de toutes ses règles, son paradoxe et son absurdité dans les procédures, nous fait vivre de l’intérieur cette triste réalité au travers du personnage de Daniel Blake. Par moments, on en rit, comme dans beaucoup des films du cinéaste, dans lesquels son personnage ironise délicieusement, sans pour autant cesser d’être à bout. La fragilité de Daniel Blake, ce sont ses problèmes cardiaques.

Katie

Des comédiens parfois imprécis, mais touchants de réalisme

Le problème (qui n’en est pas entièrement un) dans ce film, comme pour d’autres œuvres de Ken Loach, c’est le coté amateur, ou non professionnel de certains comédiens. Ils abordent des scènes qu’ils ont vécu ou vu dans leur vie, sans avoir l’expérience artistique. Par moments, cela se ressent comme lors de la seule dispute entre Daniel Blake et Rachel. Le cinéaste octagénaire a ce don pour rapprocher l’être humain que nous sommes de ses personnages. Une direction d’acteurs toujours des plus intéressantes dans un film qui traite énormément de la solidarité et de la compassion. Même les plus égoïstes pourront s’identifier à ces personnages victimes de ce système. Hayley Squires (une « Katie » aux airs de Lily Allen), tremblante de sensibilité et de sincérité, ne sort jamais de son rôle. Même si, justement, le choix des plans se veut aussi simple que ses personnages, La jeune comédienne a le bénéfice de transmettre toute son émotion dans le dénouement (un unique plan de quelques secondes).

La performance de Moi, Daniel Blake laisse penser que le metteur en scène a toutes ses chances d’être récompensé une fois de plus, tant il donne du plaisir au spectateur. En demandant à un ami réalisateur-écrivain comment il s’y était pris pour diriger ses comédiens, tous excellents de justesse et pleins de vie (dans un court-métrage), celui-ci m’a répondu: « Je les aime tout simplement ». Mr Loach est sans nul doute de cette nature.

 

 Un extrait du film: