Critique « Triple 9 » de John Hillcoat

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Triple 9 est un thriller doublé d’un film de braquage rudement mené, réunissant un casting de premier ordre composé d’acteurs talentueux, et réalisé par le metteur en scène de La Route et de Des Hommes sans Loi, le dénommé John Hillcoat. 

Un long métrage à la technique irréprochable

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John Hillcoat, qui a démontré son talent de photographe avec le très esthétique La Route, revient en grande forme avec Triple 9, dont la technique est irréprochable. Avec beaucoup d’aisance, le metteur en scène et son équipe technique réalisent un long métrage abouti. La photographie est somptueuse et donne à la couleur rouge une prédominance implacable servant certaines situations hérétiques, le montage nerveux permet de donner une dimension vive au long métrage, et l’enchaînement des situations apparaît fluide. Ces aspects techniques permettent de donner à Triple 9 un souffle vitaminé salvateur à l’origine d’un rythme jamais en perte d’intensité. Les séquences d’action sont maîtrisées au millimètre, insufflant une violence crue et réaliste honorée par des passages de gun fight canalisés, permettant à John Hillcoat de filmer ses personnages encrés dans le décor, au centre de manipulations malsaines. Grâce à ce contrôle sur son film John Hillcoat offre un thriller grandiose, vif et réellement réussi qui subjugue son spectateur avec des séquences proprement hallucinantes, notamment la scène d’intervention policière, longue, sous tension et exécutée consciencieusement par l’intégralité de l’équipe devant et derrière la caméra. Une séquence d’anthologie représentative du film lui-même : un drame policier tendu, directement inspiré du cinéma de Ben Affleck sous sa casquette de réalisateur, avec ses mémorables Gone Baby Gone et The Town. John Hillcoat reprend d’ailleurs des thématiques proches, telle que la difficile intégration d’un flic intègre dans un monde violent et corrompue, ou encore le traitement du point de vue selon les braqueurs, personnages principaux de The Town.

Triple 9 : une intrigue claire et précise

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Casey Affleck et Woody Harrelson

John Hillcoat n’avait pas la vocation de faire un long métrage complexe, porté par un scénario sinueux. A la limite écrit comme une série B, le scénario reprend des ressorts classiques du genre, voir même des clichés éculés depuis longtemps sur des affaires policières et des flics ripoux. Pour autant, la grâce avec laquelle John Hillcoat réalise son histoire fait complètement oublier la simplicité apparente du scénario. Quand bien même celui-ci n’est pas innovant, encore faut-il dénouer correctement une intrigue efficace. De plus le metteur en scène devait également penser à faire un montage suffisamment intelligent pour donner une dimension importante à ses nombreux protagonistes. Car les personnages sont nombreux, les péripéties et les rebondissements foisonnent et John Hillcoat ne pouvait se perdre dans un montage maladroit. L’imprécis est banni. Ledit montage confectionne un enchaînement plaisant de situations passionnantes et donne au casting sa raison d’être. Triple 9 apparaît parfois comme un film à tiroir à la manière de Collision, où chaque situation peut avoir une incidence sur la suivante, ce qui crée une absence de certitude quasi-totale sur le questionnement de savoir qui va survivre ou non dans cette bande de joyeux tarés. John Hillcoat contrôle son scénario à la perfection jusqu’à un final légèrement expédié, mais qui conclut avec honneur une intrigue croustillante.

Un casting de premier ordre

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Anthony Mackie

John Hillcoat peut également compter sur son casting quatre étoiles. De nombreuses têtes d’affiche qui interprètent des personnages parfois stéréotypés mais pour le moins attachants, suffisamment travaillés pour être convaincants, le talent des acteurs permettant de donner une réelle épaisseur aux protagonistes. Dans Triple 9 le manichéisme est rejeté, il n’y a ni méchant ni gentil, simplement des êtres humains survivants dans la rue, cherchant leurs idéaux et leurs finalités. On y retrouve ainsi en vrac les flics ripoux avec les variantes de celui qui a des remords, de l’ordure de première, de celui à qui on force la main et enfin du camé perdu, évidemment interprété par Aaron Paul, assez proche de son personnages de Jesse Pinkman dans Breaking Bad.

Reste deux personnages secondaires assez brillants. D’abord Woody Harrelson qui interprète encore une fois avec beaucoup de talent un flic expérimenté porté sur la bouteille et la drogue, véritable déchet ambulant et pourtant au flair encore intact. Mais surtout Kate Wintslet, magnifique en matrone de la pègre Russe officiant aux Etats-Unis aussi froide et dur que Kristin Scott Thomas dans Only God Forgives.

Triple 9 est un thriller musclé, parfaitement maîtrisé par John Hillcoat, qui démontre au fil de sa carrière un véritable talent de mise en scène pour magnifier des personnages intéressants, évoluant au centre de scènes assez spectaculaires.