Critique « Première Année » de Thomas Lilti : le paradoxe de la médecine brutale

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Thomas Lilti, ancien médecin et réalisateur depuis quelques années, continue de nous évoquer les aspects plus ou moins connus de la médecine moderne. Après Médecin de Campagne en 2016, le réalisateur revient en septembre pour son prochain film Première Année. Après avoir évoqué les difficultés d’accès aux soins dans les territoires ruraux, il s’attaque aujourd’hui au thème de la difficile première année de médecine qui passionne autant que terrifie des milliers de jeunes étudiants ambitieux. 

Antoine et Benjamin commence leur première année de médecine. Alors que le premier passe sa troisième première année et le second est un élève peu studieux, ils vont tout tenter pour arriver au terme de cette année des plus difficiles où leur amitié pourrait être mise à l’épreuve. 

Après Le Concours qui nous dévoilait les dessous du concours de la Fémis, nous sommes ici plongés dans un univers certes familier mais où les codes sont totalement différents. 

Très inspiré de la propre expérience du réalisateur, Première Année se permet cependant également de surprendre en présentant des personnages intéressants et complets dans un univers sans aucune rancune. Il est essentiel de mettre en avant les personnages car ils sont réellement la pièce maitresse de ce film. 

Des personnages forts dans un laboratoire de monstres

S’il est aussi important de parler des personnages de Benjamin et d’Antoine, c’est parce qu’avant de se compléter, ils sont complets. Parfaitement présentés et construits, c’est un réel plaisir de les suivre dans leurs révisions, leurs galères et parfois leurs échecs. 

Même si Benjamin, joué par William Lebghil, est vraiment fort, intéressant et surtout très attachant, c’est vraiment Vincent Lacoste qui crève l’écran en devenant peu à peu un monstre incontrôlable. La médecine est le docteur Frankenstein et le personnage d’Antoine en devient peu à peu le monstre. Ces deux personnages sont vraiment forts mais ils ne sont évidemment pas seuls ! Mais la complicité entre les deux acteurs est folle ! On les sent proches et investis chacun dans cette amitié puissante ! Le duo fonctionne à merveille et nous rend encore plus amoureux de ces deux jeunes acteurs qui crèvent l’écran d’année en année.

On apprend peu à peu à connaître leurs entourages et surtout leurs familles. Ces dernières qui exercent une pression plus ou moins forte mais qui sont toujours là, dans le dos des personnages. Néanmoins, on fait aussi la connaissance de la voisine de Benjamin. Seul personnage réellement peu traité, on reste sur notre faim quant à sa relation avec les protagonistes. A part ce léger détail, les personnages sont attachants et très bien écrits ! On s’attache à eux et quand la fin du film approche, on ne peut qu’être impatient de savoir s’ils vont réussir.  

Mais le décor joue aussi dans ce film qui se rapproche parfois de l’horreur avec le personnage d’Antoine qui est vraiment incroyable. C’est cet univers de compétition, de concurrence totale qui construit aussi les personnages jusqu’au point de non-retour. Un univers si bien retranscrit que le stress est palpable tout au long du film. Le stress, la panique s’installent quand les étudiants s’installent à leur tour dans les immenses salles de concours (images qui ont d’ailleurs été filmées pendant et après les concours pour habilement mêler fiction et réalité). Il est inutile de parler davantage de cette relation au risque de spoiler le film mais sachez que vous serez forcément très attachés à ces protagonistes. 

Un film « romanesque » selon Thomas Lilti.

Lors de l’avant-première, Thomas Lilti nous a dit plusieurs fois : « Mon film est un film romanesque. ». En parlant de la relation de Benjamin avec sa voisine ou encore de la fin quelque peu prévisible, le film est en effet très romanesque et peu ancré dans la réalité. Mais, même si cela peut ennuyer certains spectateurs, le réalisateur n’a pas hésité à affirmer sa volonté de partager le message qu’il voulait faire passer sans se soucier du reste. Et cela est on ne peut plus louable dans une époque où le rôle de certains producteurs limite parfois la liberté d’expression des réalisateurs. 

Cependant, on peut également être admiratif de la mise en scène extrêmement intelligente de Thomas Lilti. En plus de nous proposer de magnifiques plans (comme celui visible en haut de cet article), il utilise une caméra à l’épaule lors de plusieurs scènes dont celle où les personnages passent les concours. Cela peut paraître comme un détail mais l’immersion est décuplée et l’impression de passer le concours avec eux est grandissante tout comme notre stress ! Cette caméra à l’épaule est utilisée de manière intelligente tout au long du film et c’est un réel point positif pour ce film dont il est difficile de se défaire après la séance. 

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Thomas Lilti expliquant ses choix de réalisation à l’avant-première du film.

Finalement, cet enseignement brutal, cette usine à monstres est un décor de grande qualité et s’immerger dans celui-ci est un plaisir, une découverte. Thomas Lilti réussit le pari de faire un film fort, puissant et vrai sur la première année de médecine, sur cet univers violent, brutal et sans aucune pitié où la solidarité de ces deux amis est la seule solution pour ne pas craquer. 

Première Année sort le 12 septembre mais fera certainement parler de lui à la rentrée. Basé sur l’expérience personnelle (mêlée à de la fiction bien évidemment), il permettra de donner une image proche de la réalité de ce qui attend les courageux étudiants de première année de médecine. En bref, Première Année est dans la continuité de la filmographie de Thomas Lilti mais cette fois-ci, il se pourrait bien que la médecine soit plus brutale que douce.