Critique « Peninsula » de Sang-Ho Yeon : difficile de rater autant une suite…

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Après Seoul Station et le Dernier Train pour Busan, Sang-Ho Yeon continue sa plongée dans l’univers des films de zombies avec Peninsula. Quatre ans après les événements du précédent opus, le cinéaste replace ses personnages dans l’enfer. Alors qu’il ne reste des zombies que dans la péninsule, un groupe tente d’y retourner pour récupérer un camion rempli d’argent. Évidemment, les choses ne vont pas se passer comme prévue.

Peninsula : une approche visuelle hideuse 

La qualité de Dernier train pour Busan n’est plus à prouver. Le précédent film de zombies de Sang-Ho Yeon était d’une maîtrise totale. Une précision d’écriture impressionnante, pour un métrage intelligent, presqu’en huit clos, qui jouait avec les sens des spectateurs. Face à cette réussite, le réalisateur sud-coréen a gagné en moyen. Et qui dit plus de budget, dit excès de confiance et perte de créativité… Sang-Ho Yeon s’est fourvoyé dans un blockbuster bourrin au lieu de rester dans la lignée de sa précédente œuvre : film d’épouvante plus modeste.

Critique "Peninsula" de Sang-Ho Yeon : difficile de rater autant une suite...

Ainsi, le réalisateur change de style et veut offrir à son assistance un blockbuster à gros budget, comme ses collègues occidentaux aiment tant le faire. Mais Sang-Ho Yeon se plante complètement… Très peu d’éléments fonctionnent dans cette suite. Tout ce que tente d’entreprendre le réalisateur fini par tomber à plat, dans une forme de désintérêt total. Alors que Dernier train pour Busan partageait un savoir faire de tous les instants, que ce soit dans la mise en scène comme dans l’écriture de son scénario, Peninsula se fourvoie via une approche esthétique immonde.

Sang-Ho Yeon signe un gloubiboulga incompréhensible d’effets numériques hideux. Armé de son budget plus conséquent, l’artiste plonge tête la première dans une vague d’effets spéciaux sortis d’un jeu de PS4. Peninsula repose ses séquences d’action sur une utilisation à outrance d’effets numériques pas très réussis apportant ainsi un design d’une mocheté à toute épreuve. En utilisant la méthode George Lucas, le cinéaste fait de Peninsula une proposition à la plastique détestable. C’est médiocre, de mauvais goût, insignifiant, et surtout d’un désintérêt total. C’est bien simple, les courses poursuites se rapprochent plus d’un mauvais Burnout que de Mad Max, auquel voulait se référencer le cinéaste.

Un potentiel gâché 

Le tout n’est pas aidé par une mise en scène dénuée de panache, et de maîtrise. Peninsula manque cruellement de fluidité, que ce soit dans sa photographie, dans ses mouvements ou dans son traitement de l’action. Sang-Ho Yeon a perdu tout son talent, et filme de manière épileptique des moments d’action qui manquent cruellement de souffle épique. À chaque fois que le cinéaste tente d’initier quelques moments iconiques, ces derniers tombent irrémédiablement à plat, comme un pétard mouillé.

Critique "Peninsula" de Sang-Ho Yeon : difficile de rater autant une suite...

Tout le potentiel du film ne parvient pas à s’exprimer, et Sang-Ho Yeon rate constamment ses fulgurances. En témoigne la première course poursuite, qui aurait pu être un grand moment de cinéma, gâchée par d’écœurants effets spéciaux, et une mise en scène portée par un homme atteint de la maladie de Parkinson. De même, l’idée des Hunger Games dans la cage avec des zombies n’est jamais développée, ni même stylisée. Toutes les bonnes propositions de Sang-Ho Yeon sont diluées dans un raz de marée d’effets spéciaux qui ne sont jamais utilisés convenablement.

Peninsula propose des hommages appuyés

Bon, pour le côté graphique, il faudra repasser. Malheureusement, l’écriture n’est pas franchement meilleure. L’idée de base, même si elle manque d’originalité, avait de quoi potentiellement séduire. Ce groupe de mercenaires parachutés dans l’enfer des zombies est un concept simpliste mais toujours efficace. L’idée de départ d’une série B sans prétention, qui aurait pu gagner le cœur du public par le développement d’un style propre à ce genre de film. Mais Sang-Ho Yeon préfère jouer la carte du blockbuster stupide.

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Le cinéaste n’hésite pas à emprunter à George Miller et à John Carpenter pour composer sa nouvelle œuvre. Les références à Mad Max sont évidentes, tant la dernière course poursuite ne cesse de lui rendre hommage. Mais bien loin des cascades grandeur nature de George Miller, Peninsula souffre énormément de la comparaison. Quant à John Carpenter, il n’hésite pas à emprunter le pitch de départ de New York 1997, où Kurt Russell était plongé dans une ville post-apocalyptique dominée par une horde de mercenaires et de hors la loi. Sang-Ho Yeon utilise la même recette en opposant ses protagonistes à une bande de soldats dégénérés. Un hommage appuyé et pour le coup assez ludique.

Une écriture poussive

Malheureusement, Sang-Ho Yeon signe une écriture beaucoup trop poussive. Pour coller avec son style blockbuster l’auteur en fait des caisses. Il s’égare dans des ralentis à n’en plus finir, une musique pathos au possible, pour tenter de faire passer quelques ressorts émotionnels qui ne fonctionnent pas. La sensibilité ne prend jamais vraiment, alors Sang-Ho Yeon l’alourdie, la fait durer, à grands coups de violons et de slow-motions. C’est ce que démontre les rares morts des personnages principaux, appuyées par de longs plans sans âme, une musique à faire saigner les oreilles et des pleurs interminables. Sang-Ho Yeon est trop fleur bleue pour le sujet qu’il dépeint. Un mode opératoire qui n’était pourtant pas utilisé dans Dernier train pour Busan.

Critique "Peninsula" de Sang-Ho Yeon : difficile de rater autant une suite...

Et à force, Peninsula pourrait presque s’apparenter à une parodie de blockbuster américain, tant Sang-Ho Yeon utilise tous les poncifs du genre, avec une grandiloquence presque pathétique. A l’image de ce climat final, interminable, d’une naïveté dégoulinante de bons sentiments, et d’une force inexistante. Des pataquès inutiles qui font de Peninsula un film terriblement bouffi.

Reste quelques moments agréables. Notamment la scène d’ouverture, relativement réussie, qui propose un mini-remake de Dernier train pour Busan, mais dans un bateau. À noter également les performances de Dong-won Gang, Jung-hyun Lee et Re Lee qui tiennent tout simplement le film sur leurs épaules. Peninsula n’est finalement pas du tout le même film que Dernier Train pour Busan, et n’a pas du tout le même objectif. Exit le film d’horreur à concept rythmé, ici c’est un blockbuster tout venant, (heureusement) parfois assez divertissant, qui se rapproche plus de World War Z que des films de Romero.