Critique Nope de Jordan Peele : Histoire d’une Image

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En trois longs-métrages, Jordan Peele est déjà un cinéaste fascinant. Après le remarquable et remarqué Get Out, le clivant US, il revient. On ne savait pas trop à quoi s’attendre. Mais Nope, mélange entre un western et la science-fiction, sortie tout droit de La Quatrième Dimension contant l’histoire d’un « rancher » et de sa sœur cherchant à tout prix à obtenir la première vidéo potable d’un OVNI impressionne encore une fois. Sacré Jordan !

L’une des premières images de Nope est extrêmement perturbante : il s’agit de la première image animée de l’histoire à avoir jamais été produite : un homme noir faisant du cheval. Nous apprenons par la suite, que nos deux protagonistes incarnés par Daniel Kaaluya et Keke Palmer sont les descendants du « premier acteur, premier cascadeur et première star de l’histoire du cinéma » et sont les héritiers du ranch familial : un élevage de chevaux qui fournirait des équidés depuis les débuts du septième art.

Très vite, nous découvrons que la fratrie connait des difficultés. Leur pères est mort dans des circonstance mystérieuses (officiellement attribué à des déchets tombés d’un avion), ils doivent subir la concurrence des chevaux numériques… Le contexte de nos protagonistes n’est donc pas des plus joyeux. Sachant qu’en plus, des événements étranges se produisent. Assez rapidement, ils découvrent donc qu’il y a un Ovni qui vit au-dessus de leurs têtes.

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Nope s’avère être un blockbuster estival nous offrant un trépidant western mélangé à de la SF old-school. De nombreuses images imprègnent la rétine : cheval qui s’envole, pluie de sang, design d’extraterrestre passant d’un chapeau de cow-boy géant à un monstre issu tout droit des films de Myazaki… De quoi nous clouer dans notre fauteuil devant la puissance de ces plans et de la mise en scène de Peele.

Peu spectaculaire au premier abord, (il n’y a pas de mouvement de caméra défiant les lois de la physique etc.), le cinéaste va à l’essentiel, en simplifiant au maximum sa réalisation afin de pouvoir permettre de rester attentif à ces personnages et de permettre au spectateur de les accompagner durant ce duel face à l’infiniment grand. Mais là où Nope fascine c’est dans ces multiples niveaux de lecture qui font retourner le cerveau.

Dans un premier niveau de lecture, nous pouvons considérer que Nope nous raconte comment une équipe de tournage va tout faire pour obtenir un money-shot, ces plans extrêmement couteux, spectaculaires, qui sont censés donner envie aux publics de se déplacer pour voir un film en salles. Tous les moyens sont bons pour l’obtenir, nous permettant d’assister à une petite leçon technique sur l’histoire du cinéma racontée à l’envers.

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En effet, nos personnages vont tenter d’avoir une vidéo de l’extraterrestre en utilisant la technologie. Pas de bol, ledit Alien n’a pas spécialement envie d’être filmé et possède la capacité de provoquer la panne de tous les appareils électromagnétiques, donc smartphone, caméra etc… Très vite, le seul moyen de pouvoir obtenir ce plan, est donc en ayant recourt à l’argentique pour pouvoir obtenir une image. De même, en dehors de l’histoire du cinéma, c’est aussi l’histoire d’un genre que Jordan Peele va explorer en évoquant celui du western.

Plus précisément, ce n’est pas l’histoire du western qui va être directement évoquée, malgré les citations visuelles et sonores (l’usage du scope, la musique aux tons très Morriconien) ainsi que le décor de ranch quasi désertique, au paysage s’étendant sur des miles et des miles. Mais bien l’histoire de l’exploitation des codes du western, en nous mettant face à la rivalité entre les ranchers, et les exploitants d’une fête foraine.

C’est bien une histoire du divertissement à l’américaine qui nous est montrée : la fête foraine, le show en live, qui provient tout droit du wild west show de Buffalo Bill qui fait face au cinéma. L’inventeur du blockbuster et l’art qui en a hérité.

En un film, Peele, semble nous livre une forme de dissertation sur l’obsession que nous avons sur le fait de filmer des événements. D’une certaine façon, il nous invite à lever la tête et à contempler ce que nous avons au-dessus de nous. Ici, en l’occurrence, à regarder l’écran de cinéma.