Entre un scénario révélé sur la toile et la colère de son auteur qui ne voulait plus le réaliser, la genèse chaotique de The Hateful Eight aura provoqué nombre d’émules sur Internet. La sortie du film renommé chez nous Les 8 salopards étant proche, l’heure était venu de se pencher sur ce film qui démontre encore une fois l’ardeur de Quentin Tarantino à vouloir dépoussiérer le genre du western, qui plus est dans une histoire convoquant autant règlements de compte, faux semblants que trahisons.
Le Retour de Quentin Tarantino.
A l’issue de la projection, force est de constater que si le badinage du réalisateur de Kill Bill semble moins prononcé qu’avant, son sens du professionnalisme reste lui étourdissant de maitrise. Une maîtrise d’ailleurs perceptible dès la première scène où Tarantino pose sa caméra au beau milieu d’un blizzard. Une plaine enneigée balayée par des bourrasques de vent ne distillant que froid et solitude, où se mue une diligence affrontant les éléments au rythme d’une partition d’Ennio Morricone : en une économie de parole étonnante et un sens du cadre à faire palir la jeune génération, QT parvient à un stade qui le voit côtoyer les plus grands, en réussissant à rendre identifiable son œuvre au regard d’un seul premier plan.
Avec l’aide un casting imposant ravi d’être la, entre un Samuel L Jackson bouffeur d’écran compulsif et un Michael Madsen mutique ; un Bruce Dern en vétéran rêvant de sa gloire passée et un Tim Roth quasi ersatz de Christophe Waltz, QT offre une mise en scène plus aboutie et profonde servie par un montage calculé au millimètre parvenant ainsi à assurer le show quand bien même son premier acte et par la suite des choses, son second, ne consiste qu’en de longues tirades scandées par des personnages hétéroclites.
Un jeu de dupes grandeur nature.
Une grande partie de l’histoire tourne ainsi autour du personnage de Kurt Russel, qui à l’instar de celui qu’il occupait dans The Thing de John Carpenter, est le premier à amener un vent de suspicions dans l’auberge où se côtoient ce ramassis de criminel. Décors enneigé, aucune sortie possible, paranoïa, psychose, peur ; les deux oeuvres, outre Russel comportent ainsi nombre de points communs notamment sur l’analyse psychologique des personnages et leurs relations ambiguës à mesure que la tempête sévit, aboutissant à la monté d’une paranoïa indescriptible qui va les pousser à s’affronter. Les différents chapitres des 8 Salopards qui découpent les évènements comme à l’accoutumé dans les films de QT, déferont ainsi les complexes incertitudes qui planent sur les personnages et leurs motivations. A chaque nouveau chapitre, le spectateur découvre un élément inédit, Tarantino n’hésitant pas à répéter des scènes entières pour saisir le point de vu et ressenti des différents personnages en présence. Il se délecte à filmer le comportement de ses hors la loi, tous aux abois, soucieux de connaître le fin mot de l’histoire et de trouver une issue favorable à ce massacre en devenir. Ca en devient quasi théâtral par endroit, QT faisant monter la tension de minutes en minutes ; l’entracte devenant par la force des choses bien vite nécessaire puisque procurant un court moment de répit avant le festival de violence qui s’annonce.
Une conclusion explosive.
Et finalement, cette dernière partie justifie à elle seule le prix du ticket. Déferlement de violence sèche et abrupte, QT délaisse quelque peu son habituelle marée d’hémoglobine décomplexée et ironique pour exposer une fureur brutale et sanguinaire au centre d’un carnage où il est difficile de pouvoir dénicher une personne respirant la droiture morale ; une absence de bon amenant la création d’alliances improbables, les protagonistes choisissant leurs camps par intérêt, s’alliant ici et là à leurs propres ennemis. Pour autant, alors que le générique sonne la fin du carnage, un seul point noir est a relever du 8eme film de Quentin Tarantino : sa longueur. A trop vouloir distiller de la tension et de la paranoïa dans son film, procédé qu’il obtient de par sa réalisation et ses choix de scénario le voyant notamment répéter certaines de ses scènes, Tarantino pourra agacer voire lasser son spectateur ; ce dernier s’épanchant sur près 2h47 de pellicule pour finalement donner à voir une exposition travaillée et détaillée alimentant l’intrigue et la paranoïa ambiante et amenant à cette conclusion en grande pompe. Une conclusion violente et sombre à l’image de ces 8 Salopards qui se veut plus sérieux et pessimiste tout en s’assumant comme une des œuvres les plus travaillées de son auteur.
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