Critique « K.O. » de Fabrice Gobert : une mise en abîme inégale

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Amateurs de réalités alternatives, sachez-le : K.O. sort mercredi prochain. K.O. relate l’histoire d’Antoine, un homme d’affaire redoutable subissant l’assaut armé d’un de ses collaborateurs. Touché par une balle, il tombe dans le coma. À son réveil, tout a changé ! Il n’est plus l’homme respecté qu’il était. Pire encore, tout le monde lui explique qu’il n’a jamais subi d’attaque à main armée et qu’il s’agissait tout simplement d’une crise cardiaque. Est-ce un rêve ? Un complot contre lui ? Antoine va devoir mener une enquête semée d’embûches… Porté par un Laurent Laffite au top de sa forme, K.O. est un film très intéressant mais aussi très inégal, notamment dans son écriture.

 

Des inégalités scénaristiques regrettables

Il s’agit du problème principal du film. Si le postulat de base est particulièrement alléchant, le traitement qui en est fait est hétérogène et se traduit par un résultat en demi-teinte. Explications : cette réalité alternative pose les bases d’une très bonne histoire. L’idée est d’assaillir le spectateur de doutes concernant la véracité de ce qu’il voit. Cependant, l’écriture alterne entre une parfaite maîtrise de son sujet et des facilités scénaristiques assez déconcertantes. Cela fait malheureusement perdre de son impact à l’histoire. Ceci est regrettable car certaines scènes sont réellement prenantes et bien menées, notamment concernant les parallèles que notre protagoniste peut faire entre l’ancienne et la nouvelle réalité.

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Pio Marmaï et Laurent Lafitte

En outre, si la volonté de déstabiliser le spectateur est visible, elle n’est cependant pas palpable et cela est bien dommage. Pas palpable car trop peu d’éléments sont distillés pour réellement perdre le spectateur. Seul le personnage principal est perdu et nous ne faisons que suivre ses pérégrinations en essayant d’anticiper ce qui va arriver par la suite. Or, nous ne devrions pas être en mesure d’anticiper ce qui est à venir dans ce genre de mise en abîme. Nous devrions être perdus au même titre que notre héros est perdu.

Il faut toutefois replacer les choses dans leur contexte : le scénario K.O. n’est pas mal écrit. Sa faiblesse réside principalement dans les inégalités entre les moments passionnants et ceux qui semblent s’éterniser. Il est donc regrettable qu’un scénario au postulat si prometteur n’ait pas pleinement profité de son potentiel de déstabilisation. Il faut également souligner que même si la déstabilisation du spectateur n’est pas constante, la fin nous laisse tout de même dans un état de doute quant à ce qu’il vient de se passer. 

 

Une réalisation sobre portée par des acteurs inégaux 

Malheureusement là encore, il faut parler d’inégalité (bonjour la redondance…). Ceci est important à souligner concernant les acteurs. La première chose à dire est que Laurent Laffite est particulièrement crédible dans ce rôle de salaud voyant son monde s’effondrer juste sous ses pieds. Si le sociétaire de la Comédie Française n’a pas toujours été convaincant dans le registre comique, force est de constater que le drame lui convient à merveille et que cela permet à tout son charisme de s’exprimer. C’est donc un vrai plaisir de suivre ses errances durant l’intégralité du film. Il en va de même pour Pio Marmaï (toujours convaincant quel que soit le registre) et pour Chiara Mastroianni, débordante d’élégance et faisant passer un nombre incalculable d’émotions.

Chiara Mastroianni, Laurent Lafitte
Chiara Mastroianni et Laurent Lafitte

Toutefois, le reste des acteurs n’est pas forcément à la hauteur des enjeux qui nous sont présentés. Alternant entre le sur-jeu ou des émotions mal retranscrites, certains seconds rôles semblent trouver difficilement leur registre. Il ne s’agit cependant que d’une anicroche, pas particulièrement dommageable pour suivre ces personnages.

Enfin concernant la réalisation, celle-ci se veut simple et efficace. La mise en scène se met au service de l’histoire par des plans tantôt esthétisés, tantôt simples, mais toujours dans une optique de suspens et parfois de déstabilisation (dont un plan aérien particulièrement réussi et déstabilisant). Rien de particulier à dire donc sur la réalisation, si ce n’est que celle-ci fonctionne très correctement dans le récit. 

K.O. est un film agréable à suivre mais beaucoup trop hétérogène dans sa construction pour être réellement marquant. Les facilités scénaristiques et le manque de développement de certains aspects psychologiques empêche ce film à fort potentiel d’être un réel grand film français. Toutefois, il reste un polar efficace pour quiconque apprécie ce registre cinématographique. 

 

Bande-annonce de K.O. :