Le film Patients est une adaptation du roman autobiographique du même nom écrit en 2012 par Grand Corps Malade. Aujourd’hui l’artiste, en association avec le réalisateur Mehdi Idir, décide d’adapter à l’écran l’histoire de son passage dans le centre de rééducation de Coubert suite à l’accident qu’il a eu à 20 ans et qui l’a rendu tétraplégique incomplet. Ainsi, il laisse la chance à Pablo Pauly d’innover dans son univers artistique afin de jouer le rôle de Ben. Le personnage de Ben (renommé ainsi pour le film) représente lui-même Grand Corps Malade et son histoire bouleversante.
L’histoire touchante d’une vie qui a basculé
Benjamin (surnommé Ben) a 20 ans, il fait des études pour devenir professeur de sport. Il joue au basket-ball au niveau national, il a des parents qui l’aime et des amis comme tous les jeunes de son âge. Un jour, il saute dans une piscine pas assez remplie et se retrouve tétraplégique incomplet. Il se réveille à l’hôpital sans pouvoir bouger. Voilà l’histoire de Ben. Mais si ce n’était arrivé qu’à Ben… Une chute à moto, un accident de la route, une dépression… Dans ce film, on s’aperçoit en découvrant les histoires de vie des personnages qu’il y a autant de raisons différentes de leur présence dans le centre qu’il y a de patients. Ces histoires nous touchent forcément car on se dit « ça aurait pu m’arriver » et c’est cette première prise de conscience qui rapproche donc inconsciemment le spectateur de Ben et des autres en provoquant un phénomène d’identification indirect.
Changer son destin
Mais le film ne s’attarde volontairement pas sur le passé de Ben qui est simplement mentionné afin de mettre paradoxalement la lumière des projecteurs sur la « partie active » du handicap. En effet, toute la force de Ben et de beaucoup d’autres patients du centre réside dans le fait qu’ils n’acceptent pas la fatalité du handicap. Alors qu’ils découvrent un monde parallèle où le temps semble s’être arrêté, un corps dont ils ne sont plus maîtres, que leur chambre d’hôpital devient leur nouvelle maison, les patients leur nouvelle famille, ils surmontent toutes ces épreuves l’une après l’autre sans jamais s’en plaindre. Réadapter son quotidien, ses objectifs mais aller toujours plus loin, voilà leur combat quotidien. Ce combat, chaque patient le mène contre lui-même mais jamais seul. Le personnage de Ben par son ironie amicale, Farid par son expérience et son recul, Toussaint par son sourire, tous se battent à leur manière pour affronter le handicap. Ces personnalités toutes singulières, forment étonnamment un tout homogène et soudé prêt à mener la plus grande bataille de leurs existences.
Un réalisme stupéfiant
Un travail impressionnant a été effectué par les deux réalisateurs pour que le film soit le plus fidèle possible à l’expérience qu’a vécue Grand Corps Malade. À commencer par les lieux : le tournage du film a eu lieu au centre de rééducation de Coubert (Seine et Marne) où l’artiste avait lui-même effectué son séjour en 1997. De ce fait,certains figurants apparaissant dans le film ne sont pas des acteurs mais bien des patients du centre. Le personnage plus que touchant du patient amnésique Samir est par exemple interprété par Samir El Bidadi qui a réellement subi une opération crânienne ce qui fait que ses cicatrices sont authentiques. De plus, les personnages les plus charismatiques du personnel soignant, comme la maladroite Christiane (incarnée par Anne Benoit), le joyeux Jean-Marie (interprété par Alban Ivanov) ne s’exprimant qu’à la troisième personne du singulier, ou encore le kinésithérapeute François (Yannick Renier), sont totalement inspirés de ceux qu’a réellement connu Grand Corps Malade en 1997. Le décor nous replonge aussi pleinement dans la fin des années 1990. Des grosses radios, en passant par les walkmans, jusqu’aux pulls et survêtements, le tout sur fond de rap de l’époque.
Ce réalisme est également parfaitement souligné par la sublime performance de Pablo Pauly dans le rôle de Ben. Ce jeune acteur avait déjà joué dans plusieurs films humoristiques comme Les Lascars en 2014, Amour sur place ou à emporter en 2014, En passant pécho en 2015 et n’avait surtout encore jamais assumé un rôle seul en tête d’affiche. Il nous offre pourtant une performance impeccable, criant de sincérité. Il a su parfaitement adopter la gestuelle d’un handicapé et transmettre un flot intense d’émotions uniquement grâce à sa voix, son énergie, son regard, ses expressions faciales, à tel point qu’on a du mal à se dire qu’il est en réalité 100% valide. C’est donc un virage artistique pleinement réussi pour ce jeune acteur !
Une véritable leçon de vie
Ce film nous ouvre les yeux sur la vie de nombreuses personnes qui pourtant nous entourent mais dont nous n’avons pas forcément assez partagé le quotidien pour se rendre compte de toute l’ampleur de la situation. On découvre qu’être handicapé, ce n’est pas seulement ne plus pouvoir marcher sur ses 2 jambes… C’est ne plus pouvoir aller aux toilettes, se faire doucher, être nourri, habillé, voir le regard des autres changer.
Ce qu’il y a d’encore plus beau, c’est que les patients eux-mêmes relativisent leur situation en se disant que d’autres ont des handicaps encore plus prononcés ou des situations personnelles plus délicates. Ils pensent également à leurs familles, leurs amis et tentent de les préserver. Devant tant de sagesse, nous ne pouvons que relativiser nos petits problèmes du quotidien.
Patients est un appel à la tolérance, un hymne à la pureté des relations humaines, une invitation à la solidarité, un hommage au personnel soignant et enfin un modèle de force. Après ces 2 heures passées en immersion avec ces patients, le mot « handicapé » n’inspire plus de la compassion mais un profond respect. Dans cette quête de la vie, les handicapés sont sans aucun doute les plus grands des guerriers.