Critique « Da 5 Bloods » de Spike Lee : la rage d’un cinéaste engagé

0
469

Le cinéaste engagé Spike Lee est de retour avec un nouveau film politique. Après Blackkklansman, il revient avec Da 5 Bloods, une autre critique sociale du statut des afro-américain aux États-Unis. Pour l’occasion, il réunit un casting hétéroclite notamment composé de Chadwick Boseman, Jean Reno, Delroy Lindo, Paul Walter Hauser ou encore Mélanie Thierry. Et encore une fois, Spike Lee a frappé fort. Da 5 Bloods est disponible sur Netflix depuis le vendredi 12 juin 2020.

Da 5 Bloods raconte comment quatre amis, vétérans de la guerre du Vietnam, décident de retourner là-bas. Leur but est de retrouver la dépouille de leur chef tombé au combat et un hypothétique trésor. Avec Da 5 Bloods, Spike Lee propose plus de 2h30 de métrage. Encore une preuve de la liberté que laisse Netflix à ses réalisateurs après les 3h30 de The Irishman.

Une mise en place légèrement trop lente

Spike Lee est remonté, et il le fait sentir une fois de plus à travers un film engagé. Da 5 Bloods fait un triste échos au meurtre de George Floyd et au combat de « Black Lives Matter ». Da 5 Bloods tombe encore une fois malheureusement à pic.

Critique "Da 5 Bloods" de Spike Lee : la rage d'un cinéaste engagé

Le cinéaste veut signer un film éminemment politique, à travers lequel il cherche à montrer du doigt quelle place réserve l’Amérique blanche à ses citoyens noirs. Pour autant, Spike Lee prend trop son temps. Notamment à travers la première partie qui offre une contextualisation parfois trop longue et une quête qui met du temps à débuter. Heureusement, la seconde partie est beaucoup plus rythmée, propose des séquences d’action parfaitement maîtrisées et un enchaînement plus fluide.

Cette deuxième partie fait d’ailleurs parfois échos à Triple Frontière, notamment dans sa manière d’aborder l’argent, les soldats américains, et leur relation avec le gouvernement. Comme dans le film de J.C. Chandor, Da 5 Bloods dépeint les portraits de vétérans désabusés par leur gouvernement, qui s’estiment lésés, délaissés, par une administration qui leur doit énormément mais ne leur donne pourtant rien. Les deux films se retrouvent dans le traitement du rêve américain brisé. Un rêve mensonger, face à des vétérans amères vis à vis de l’absence de reconnaissance de leur État. Comme dans Triples Frontière, ces anciens soldats décident de tenter le tout pour le tout par leurs propres moyens.

Un film éminemment politique

A travers ce discours, Spike Lee rappelle la place des vétérans. Des soldats, des héros au service d’un pays qui ne reconnait pas leur valeur, préférant les oublier. Un sujet abordé dans un nombre incalculable de productions, de Rambo à The Punisher. Mais en plus de ce statut de vétéran jamais récompensé, Spike Lee aborde évidemment la place des afro-américain dans son pays. Il rappelle qu’en plus d’être des vétérans, ses personnages sont des noirs. Un double statut avec lequel il est difficile de négocier dans une Amérique profondément blanche.

Critique "Da 5 Bloods" de Spike Lee : la rage d'un cinéaste engagé

Spike Lee réalise ainsi un film très politique dans lequel il met en relation le pouvoir, l’argent et le fait d’être noir. Il rappelle que les afro-américains ont en partie battit cette nation, mais qu’ils ne reçoivent aucune contrepartie. Et ce, alors qu’ils vont se sacrifier dans les lignes ennemies. Cette quête du trésor perdu est un parallèle intelligent. Une métaphore de la reconnaissance, de la rébellion pour l’obtention de la liberté. Elle est également la représentation de la société capitaliste, du désir toujours plus avare de l’accumulation des richesses. Un trésor qui pourri les âmes, dérègle l’esprit, et crée finalement une fragmentation au sein de la société. La division des hommes à cause du pouvoir de l’argent.

Il offre également un final radical, qui fait échos aux violences raciales que subissent constamment les États-Unis. En incorporant quelques images d’archives, il ancre son œuvre dans la réalité, et lui donne ainsi une portée bien plus grande. Puis il conclut son histoire avec une petite touche de moralisation salvatrice. Il affirme que si les richesses étaient partagées et utilisées pour le bien commun, la Terre tournerait un peu plus rond !

Da 5 Bloods est donc un Spike Lee remonté et engagé. Totalement enragé, on ressent constamment sa lassitude, son énervement, sa tristesse et sa rage contre les violences raciales de sa nation. Anti-guerre, anti-facho, anti-raciste, Da 5 Bloods est un manifeste politique brûlant. Un film terriblement engagé dans lequel Spike Lee met toute sa frustration. Même si le récit est un poil trop long, il dépeint une Amérique capitaliste inégale et raciste. Il pointe du doigt la place des noirs dans un pays dominé par la guerre et l’argent. 

Da 5 Bloods – Trailer