Critique « Zoé » (Netflix) : une charmante dose d’amour et d’IA

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Réussir à nous parler une nouvelle fois d’amour et d’IA est un pari épineux ; après l’incroyable Her, ainsi que quelques épisodes fascinants des série Black Mirror et Westworld, on pensait avoir déjà vu une grande partie de cette passionnante problématique. Comment créer un androïde intelligent capable d’aimer ? Et surtout, comment appréhender l’amour porté à ce qui ressemble à une machine en tant qu’humain ? La nouvelle production Netflix Zoé relève le défi avec brio, en nous offrant un film plein de délicatesse et d’interrogations.

Dans l’ambiance qu’il dégage, Zoé nous fait très rapidement penser au magnifique Her de Spike Jonze ; et pourtant Drake Doremus parvient à se défaire de sa source d’inspiration pour recréer son propre univers, en partie grâce à son personnage Cole (Ewan McGregor), l’inventeur des nouvelles technologies de l’amour. Machine capable de calculer la compatibilité d’un couple, robot intelligent fait pour aimer, ou encore drogue qui produit pour quelques instants les effets du premier amour : les inventions de Cole sont fascinantes et sublimes, mais inquiétantes. La recherche du bonheur se fait par ligne de code et par pilule, si bien que qu’elle se dilue pour se transformer en une recherche du plaisir immédiat et éphémère. 

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La force de Zoé réside dans la maîtrise de son rythme et de son scénario ; évitant avec brio un twist final trop évident, qui aurait rendu le tout faible et insipide, Drake Doremus assume son sujet jusqu’à la dernière minute, en posant des questions complexes et fascinantes. Zoé nous promène de nuance en nuance, d’interrogations en interrogations ; la place du créateur est joliment portée par le fascinant personnage de Cole, de loin le plus abouti du film. Ewan McGregor souligne avec force les doutes et nuances d’un inventeur qui refuse le bonheur et se confronte à ses propres inventions ; créateur et créations se renforcent entre eux, pour porter un propos puissant qui se posera forcément dans quelques années.

Zoé interpelle également quant à la condition de la femme ; Jewels (Christina Aguilera), une prostitué robotique programmée pour satisfaire les désirs de ses clients, tient un discours parfois glaçant, qui pourtant nous ramène à une réalité qui existe déjà malheureusement dans les esprits de quelques uns ; si l’intégrité de la femme n’est déjà pas totalement acquise pour certains, la questions se pose évidemment quant aux femmes robots du futur. Zoé (Léa Seydoux) se promène ainsi dans ce film à travers les vies des différents personnages, qui apportent chacun leurs lots d’interrogations et de nuances. 

zoe 1 Critique "Zoé" (Netflix) : une charmante dose d'amour et d'IA

Mais Zoé est malheureusement desservi par une photographie qui n’arrive pas à soutenir son propos ; alors que Drake Doremus nous livre une approche intime de ses personnages, pour sonder au plus près les sentiments et les impressions, la caméra quant à elle a tendance à instaurer une distance bien souvent désagréable. Les amorces (premier plan flou devant la caméra, souvent ici un objet ou un pan de mur) sont utilisées à outrance, donnant une impression d’obstruction de l’image qui finit par être désagréable. Les visages sont souvent mal éclairés, comme masqués par un voile brumeux et obscur, qui empêchent une intimité entre personnage et spectateur pourtant préconisée par le scénario et l’ambiance générale du film de Doremus.

Zoé est de loin l’une des meilleures productions Netflix de cette année. Avec un rythme qui vous emporte très facilement par les nuances d’un tel sujet et par son lot de questionnements tous plus intéressants les uns que les autres, Drake Doremus relève avec brio le pari du film d’anticipation en instaurant une délicatesse et une fascination portées par ses personnages. Il ne manque qu’à Zoé une belle photographie pour devenir un brillant film de science-fiction. 

Bande-annonce : Zoé de Drake Doremus