Critique «12 jours» de Raymond Depardon : une folie administrative et juridique?

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Le dernier documentaire de Raymond Depardon, 12 jours, présenté hors-compétition au festival de Cannes 2017, combine deux des sujets de prédilection du cinéaste, à savoir la psychiatrie et la justice. Avec San Clemente et Urgences, le réalisateur s’était déjà penché sur le fonctionnement du milieu psychiatrique et il a également consacré deux de ses documentaires à l’institution judiciaire (Délits flagrants et 10e chambre, instants d’audience). C’est toujours avec un regard respectueux et tendre qu’il traite cette fois-ci la question de l’hospitalisation sous contrainte.

Un dispositif documentaire simple

Dans son documentaire, Raymond Depardon ne s’embarrasse pas de grands procédés de mise en scène. Une phrase à propos de la procédure d’hospitalisation sous contrainte au-delà de douze jours en début de film et un premier travelling immersif au sein des couloirs de l’hôpital psychiatrique lyonnais permet de contextualiser la démarche du réalisateur auprès de son public. Le cinéaste se fait ensuite le témoin des rencontres entre les patients hospitalisés sans leur consentement (à la demande de leurs proches ou d’une tierce personne) et le juge de la liberté et de la détention qui, en vertu d’une loi de septembre 2013, doit donner son accord pour toute hospitalisation sous contrainte au-delà de douze jours. La rencontre s’effectue dans un bureau et prend la forme d’un champ contre-champ classique, à valeur de cadre égal, donnant tour à tour la parole au patient et au juge. Grâce au champ contre-champ, Depardon traite chacun les interlocuteurs de manière équivalente et formalise ainsi la séparation qui existe entre eux : chacun évolue dans son propre cadre et ne déborde pas dans celui de l’autre. Chacun évolue dans son monde, dans sa propre réalité. C’est dans cette incompréhension que réside tout l’intérêt du documentaire.

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Un dialogue de sourd

Avec 12 jours, Depardon interroge les limites de la société, le respect de certaines valeurs fondamentales comme la liberté et cela avec une douceur toute particulière, accompagnée par la musique mélancolique d’Alexandre Desplat. Il se confronte à l’absurdité du système de vouloir encadrer « la folie » avec des règles pragmatiques et judiciaires dans un jargon insaisissable pour « le commun des mortels ». Ces face-à-face entre patients et juges donnent parfois lieu à des échanges et des situations assez cocasses au cours desquels les protagonistes eux-mêmes ne peuvent s’empêcher d’esquisser des sourires significatifs. La plupart des patients, à peu près lucides quant à leur situation, ont conscience que cet entretient leur laisse en somme peu de chance de recouvrer la liberté, mais qu’il constitue un espace de parole et d’écoute essentiel dans leur parcours.

Avec 12 jours, Depardon met en lumière avec beaucoup d’humanité les difficultés du système à encadrer cette procédure d’hospitalisation mise en place pour le bien de la société ou de la personne elle-même.

Bande Annonce 12 jours :