Chill & Cult : découvrez « Le Criminel » d’Orson Welles sur Netflix

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Film oublié de la filmographie d’Orson Welles, Le Criminel est disponible sur Netflix depuis la semaine dernière. C’est l’occasion pour nous de parler de ce petit bijou cinématographique trop souvent laissé de côté, qui même après soixante-dix ans se laisse regarder comme un excellent polar. Précurseur du cinéma de Hitchcock, dont certaines scènes qui ne sont pas sans nous rappeler le classique Vertigo qui sortira douze ans plus tard, Orson Welles confirme son incroyable talent, dans un film haletant et maîtrisé de bout en bout.

Le Criminel (The Stranger en version originale) s’impose comme le film écho au procès de Nuremberg. Sorti en 1946, le cinquième long-métrage d’Orson Welles se voulait comme un « film standard hollywoodien ». Pourtant Welles ne peut s’empêcher d’injecter dans son film sa maîtrise de l’image et son talent scénaristique, pour tenir de bout en bout ce film haletant. Haletant est bien le mot, puisque Le Criminel raconte la fuite du nazi Franz Kindler (interprété par Orson Welles lui-même) qui, recherché par l’inspecteur Wilson (Edward G. Robinson), se cache sous l’identité du professeur Charles Rankin.

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Même si Welles considèrera ce film comme son moins bon, Le Criminel n’en reste pas moins du très beau cinéma : le scénario est bien évidemment propice aux jeux d’ombres et de lumière, et Welles parvient à exploiter ces possibilités en conférant à son film une magnifique photographie toute en nuances. Tous les personnages sont confrontés aux masques des autres, si bien que la caméra prend le rôle essentiel de démasquer par la lumière, de mettre à jour les crimes et les trahisons. Si l’entourage de Kindler est aveuglé par le costume parfait et l’apparence idéale du professeur si talentueux, notamment son épouse Mary (Loretta Young), la lumière elle ne se laisse pas berner par la noirceur de l’âme du nazi, et révèle au spectateur toutes ses zones obscures. Les innombrables projections des ombres sur les murs clairs des maisons typiquement américaines résonnent comme une menace qui plane au dessus de cette fausse tranquillité.

Le Criminel est également fortement marqué dans son esthétique par la fuite, celle des apparences et du déni. Les jeux de regards se multiplient au fur et à mesure que le piège se ressert autour de Kindler, et les yeux de Welles se perdent dans chaque recoin de l’image, dans une paranoïa si justifiée et réaliste. Les nombreux fondus enchaînés si propres au cinéma de Welles font entendre ici cet enchaînement irrémédiable des révélations et des confessions jusqu’au dénouement final inévitable. La caméra suit cette fuite dans de beaux travellings bien symboliques de la filmographie de Welles.

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Comme souvent dans les films de Welles, le réalisateur donne à ses personnages des passions révélatrices et qui entraînent généralement les chutes et les révélations, dans ce film, celle de Kindler est l’horlogerie. Au milieu des aiguilles et des chiffres, le criminel nazi retrouve son attache dévorante qui va finalement trahir ses penchants. Le temps fuit et rattrape irrémédiablement le criminel, piégé par sa propre passion. Son erreur aura peut-être été celle de remettre cette horloge en marche, pour finir pourchassé par les anges et les diables. La chute n’en sera que plus rude.

Si Orson Welles considère Le Criminel comme une erreur de parcours, nous ne pouvons nous empêcher de voir ce film comme une démonstration de force de la technique de Welles. Grand classique intemporel et livre d’images éternel, le long-métrage est à (re)découvrir sans plus attendre sur Netflix. Et si vous voulez en apprendre plus sur l’un des plus grands réalisateurs de son siècle, nous vous laissons avec l’émission Blow Up qui retrace la filmographie incroyable d’Orson Welles.

Episode sur Orson Wells de l’émission Blow Up :