Le film BigBug disponible sur Netfilx depuis le 11 février 2022, marque le retour derrière la caméra de Jean-Pierre Jeunet après 9 ans d’absence.
En 2045, la vie est facilitée par la technologie qui est omniprésente dans tous les aspects du quotidien. Les humains ne se donnent plus la peine d’écrire de manière manuscrite. Ils ont pour ange gardien des robots de maison qui satisfont leur moindre désir. Quand une révolte d’androïdes Yonyx éclate à l’extérieur, les robots verrouillent la maison d’Alice (Elsa Zylberstein) pour protéger ses occupants hauts en couleur. C’est le début d’une cohabitation entre machines et humains.
L’empreinte de Jeunet.
Les univers post-apocalyptiques où règne une étrangeté inquiétante que l’aspect burlesque vient magnifier, sont la marque de fabrique du réalisateur Jean-Pierre Jeunet. On se souvient du quotidien loufoque et angoissant des résidents d’un immeuble dans Delicatessen en 1991 ou encore du voleur de rêve d’enfants dans La Cité des enfants perdus en 1995. BigBug s’inscrit dans cette continuité de vision futuriste où des androïdes déguisés en Robocop prennent le pouvoir sur des humains hébétés par une vie dénuée de sens. Allant jusqu’à les ridiculiser dans des jeux du cirque absurdes. Au-delà des aspects parfois manqués du film, il nous interroge sur la société actuelle et la course effrénée à la technologie.
Une mise en scène au service d’un récit oublié.
On retrouve malgré tout le style de mise en scène de Jean-Pierre Jeunet que ce soit dans l’utilisation des panoramiques, qui mettent en valeur la richesse du décor parsemé d’antiquités montrant l’évolution technologique du siècle dernier. Au détour d’un plan, on contemple un rubik cube devenu un objet figé par le temps sous un écrin de verre.
Le jeu sur les gros plans qui sculptent et figent les visages à l’écran fait totalement partie du travail minutieux de mise en scène qui a fait le succès des œuvres précédentes de Jean-Pierre Jeunet. En premier lieu, l’iconique, Fabuleux destin d’Amélie Poulain en 2001. On retrouve dans BigBug des personnages ou devrait-on dire des voix qui se renouvellent à chacun de ses films. Ainsi, le robot loufoque Einstein à qui André Dussollier prête sa voix n’est pas sans rappeler Irvin de La cité des enfants perdus, qui comme ici avait réponse à tout.
Le gros bug du film.
La faiblesse du film réside dans l’histoire elle-même, qui est beaucoup trop superficielle. Si l’on ajoute la surinterprétation de certains comédiens telle que Claire Chust qui incarne Jennifer et dont l’élocution et le jeu de potiche absurde ressemblent fortement au personnage de Dorothy Doll, qu’interprétait Frédérique Bel dans La minute blonde. L’alchimie voulue par cette fable sur le progrès peine à se dégager de l’aspect caricatural de beaucoup de situations. Le cyborg Yonyx (François Levantal) à la méchanceté parodiée inspire moins l’inquiétude que le cyclope tueur (François Hadji-Lazaro) dans La Cité des enfants perdus.
Seule Isabelle Nanty qui interprète la voisine Françoise, parvient à rester dans la justesse de son personnage sans avoir besoin de surjouer ses émotions.
Le huis clos devient très vite pesant. Il enlève la magie que Jean-Pierre Jeunet réussissait à insuffler dans ses films précédents.
On peut regretter que le récit soit prévisible et que certaines situations frôlent l’absurde. Faut-il prendre pour preuve avec ce film, que le cinéma et l’argent ne font pas toujours bon ménage. Très souvent, ce sont les contraintes financières qui stimulent la créativité.
BigBug restera malheureusement pour de multiples raisons une œuvre unique dans la carrière de Jean-Pierre Jeunet. On peut garder à l’esprit que ce long-métrage marque sa première collaboration avec Netflix.