Six mois après l’exclusion d’Harvey Weinstein, l’Académie des Oscars a radié ce jeudi le réalisateur Roman Polanski et l’acteur Bill Cosby.
« Le Conseil des Gouverneurs de l’Académie des Arts et des Sciences du Cinéma s’est réunie mardi soir afin de voter l’expulsion de l’acteur Bill Cosby et du réalisateur Roman Polanski de ses membres, en accord avec ses normes de bonne conduite », indique le communiqué de l’Académie. « Le Conseil continue d’encourager les normes éthiques encourageant ses membres à se conformer aux valeurs de respect de la dignité humaine. »
L’institution américaine fait donc subir le même sort que Weinstein au réalisateur franco-polonais et à l’acteur afro-américain, tous deux sous le coup de scandales sexuels.
Il faut savoir qu’il y a près de six mois, le 7e Art a adopté un code d’anti-harcèlement et dans le sillage du séisme #metoo, l’Académie des Oscars se devait donc de se mettre au diapason.
En conséquence, l’organisation a expulsé deux de ses membres les plus controversés à savoir le réalisateur franco-polonais Roman Polanski, reconnu coupable de détournement de mineure il y a quarante ans et la star de télévision Bill Cosby, sous le coup de multiples accusations d’agressions sexuelles.
Il est clair que ces deux personnalités étaient sur la sellette depuis l’exclusion en octobre d’Harvey Weinstein surtout quand le New York Times et le New Yorker avaient révélé l’ampleur des viols et abus commis par Polanski.
Ces radiations surviennent alors même que Bill Cosby, star adorée des Américains pour son personnage de père idéal dans la série Cosby Show, a été jugé coupable, jeudi dernier, d’agression sexuelle en 2004 sur l’ancienne basketteuse Andrea Constand. Cosby encourt jusqu’à trente ans de prison. Il connaitra alors sa sentence d’ici trois mois. On note que des dizaines d’autres femmes l’ont accusé de les avoir abusées pour des faits remontant parfois à plus de trente ans.
Les démêlés de Roman Polanski avec la justice américaine remontent eux aux années 70. En 1977, le cinéaste fut reconnu coupable de détournement de mineure pour avoir eu des relations en 1973 avec Samantha Geimer, alors âgée de 13 ans. Ce seul chef d’accusation retenu était le résultat d’un accord amiable, après que Polanski eut été inculpé initialement de chefs d’accusation plus graves, notamment viol sous l’influence de stupéfiants.
Suite à un revirement du juge, qui risquait de le condamner à une peine bien plus lourde que prévue, Polanski a fui les États-Unis. Plusieurs tentatives d’extraditions de la justice américaine ont échoué, mais la position du producteur est devenue de plus en plus précaire ces dernières années. En 2017, il avait dû renoncer à la présidence des Césars suite à la mobilisation de l’association Osez le féminisme. On rappelle qu’un hommage qui lui avait été consacré à la cinémathèque avait aussi couler beaucoup d’encre.
Toutefois, une position prise nous semble quelque peu curieuse… En effet, sa victime Samantha Geimer, qui lui a pardonné et demande l’arrêt des poursuites, a dénoncé une posture hypocrite. Selon elle, «Les Oscars expulsent un membre qui a purgé sa peine, c’est une mesure laide et cruelle qui sert les apparences». «Ça ne change en rien la culture sexiste d’Hollywood aujourd’hui. Cela montre simplement qu’ils dévoreraient les leurs pour survivre», a- t-elle ajouté.
L’avocat de Polanski a, quant à lui, regretté auprès de Variety que l’Académie n’ait pas offert à son client l’opportunité de se défendre. Pour lui, «l’institution envoie un bien mauvais signal quand elle rejette quelqu’un sans avoir tous les éléments à sa disposition». Sur Twitter, les internautes raillaient les quatre décennies nécessaires à l’Académie pour parvenir à une telle décision.
Jusqu’à l’affaire Weinstein, se faire expulser de l’Académie était quasiment inédit. En effet, seul l’acteur Carmine Caridi, vu dans Le Parrain, a souffert d’une telle sanction pour avoir diffusé sans autorisation des DVD de films nommés aux Oscars. Mais Caridi, Weinstein, Polanski et Cosby seront-ils les seuls à être sanctionnés ? Jusqu’où ira l’Académie ? En effet, plusieurs de ses membres vedettes comme Kevin Spacey, Mel Gibson, Paul Haggis ou Dustin Hoffman ont été accusés d’abus sexuels. Quant à Woody Allen, dont la radiation est réclamée sur les réseaux sociaux, les experts du Hollywood reporter et de Variety croient savoir que le cinéaste new-yorkais a toujours refusé d’intégrer l’Académie.
Cette sanction, aussi lourde soit-elle, nous semble totalement compréhensible. Elle s’inscrit dans une démarche visant à lutter contre le harcèlement sexuel. Maintenant que le mouvement est laissé, une question se pose : jusqu’où ira l’Académie des Oscars dans la prise de ses sanctions ?
