Les moments clés du Journal de Spirou: l’envers du décor d’un géant de la BD

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Après un article sur la carrière du plus célèbre groom, JustFocus découvre ici l’envers du décor illustré par François Ayroles dans Moments clés du journal de Spirou publié chez Dupuis.

Une BD sur la BD ?

François Ayroles, déjà auteur de 3 volumes sur l’histoire de la bande dessinée, retrace ici certains épisodes marquants de l’histoire du journal belge Spirou. Plus qu’une bande dessinée, il s’agit plutôt d’un livre illustré. Par l’illustration des pages de droite, il joue au ping-pong avec le texte : l’arrivée de Rob Vel devient l’image d’un enlèvement de la gestapo. François Ayroles ne semble pas choisir les dates ou même écrire le texte. Bien que des tensions au sein de la rédaction et le manque de femmes soient mis en avant, le texte reste tout de même consensuel. Il ne faut pas chercher des scandales ici mais une découverte d’un autre monde : la vie d’un journal de BD.

L'équipe de Spirou dans les sixties

La vie de bureau

Le lecteur découvre la vie du journal, la création du personnage de Spirou. La création du célèbre personnage devient le récit autobiographique de Rob Vel comme groom. Le récit parle de la vie de bureau mais aussi de l’évolution stylistique. Différents styles s’opposaient en Belgique entre l’école de Bruxelles – sérieuse et formaliste – avec Hergé et Jacobs contre école de Marcinelle – plus drôle – chez Spirou. Des auteurs méconnus réapparaissent comme la femme de Rob Vel.

Le journal n’est pas un monde clos mais il est ouvert artistiquement à l’industrie des comics – Superman est publié chez Spirou. Politiquement, Spirou est aussi concerné par le monde. La période la plus intéressante du livre est celle de la Seconde Guerre mondiale car le journal doit subir le rationnement, l’arrestation de Jijé, refuse de collaborer et finalement est interdit en septembre 1943. Dans les années 1950, l’émergence de la société de consommation transparaît par la production de statuettes et de produits dérivés.

On pénètre l’envers du décor. L’art séquentiel dans les années 40 et 50 est très cadré par le poids du catholicisme avec un directeur de conscience. La famille Dupuis a créé un club de lecteurs, des spectacles de marionnettes et même des camps de vacances. Le récit est, avant 1945, centré sur la famille Dupuis mais on découvre le rôle central de Jijé. C’est un dessinateur prolifique, le tuteur du dessinateur Will à 16 ans, le formateur de Franquin… Après 1945, on se rend compte que le journal a hébergé la génération classique de l’école franco-belge : Franquin, Will, Morris, Charlier puis Tilieux …

La famille Dupuis au centre du journal

Moins de folie et plus d’industrie

Au fil du livre, le journal et la BD change avec de nouvelles générations d‘artistes après 1968. Ces jeunes loups se rebellent et bousculent le journal en refusant les contraintes anciennes. On sent que la modernité est plutôt en France chez Pilote mais il reste des séries mythiques comme Yoko Tsuno, Sammy et Jack… Franquin et Delporte ont tenté de réveiller le journal endormi en créant chez Dupuis le supplément plus moderne du Trombone illustré. Ces 30 numéros divisent la rédaction. Ils font venir Moebius ou Gotlib. On redécouvre les années 80 avec la place de Yann et Conrad – Hauts de page puis Innommables.

Dupuis nous offre un superbe travail d’édition avec une belle couverture granuleuse et une belle composition intérieure.

En refermant ce volume, on est impressionné de découvrir l’histoire de tout un pan de la BD au sein d’un seul journal. Mais attention à votre budget ! Toutes ces découvertes donnent envie de relire ou d’acheter des camions de BD.