Tiki, un chien, un valium et au lit

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A la suite du confinement, certaines personnes ont changé de vie. Ils ont déménagé, démissionné ou divorcé. Fred a pris un chien, Tiki… Mais, pour lui, c’est toute une aventure.

Le récit d’une rupture

Tiki et Fred un mariage raté

Pendant le deuxième confinement, Fred Leclerc, par ailleurs co-scénariste de ce volume, décide d’acheter un chien Tiki. Cet achat est un réconfort dans une période difficile. Cette surprise ravit sa conjointe Sophie et sa fille. On découvre la longue et prudente réflexion de toute la famille avant de céder à un coup de cœur puis les premiers jours idéaux avec Tiki. Mais le jeune Shiba se révèle très vite un poids qui va pourrir la vie de Fred. Édité par La Boîte à Bulles, Tiki est un livre rare. Non seulement, peu de bandes dessinées traitent de l’adoption d’un animal de compagnie mais ils sont encore moins nombreux à montrer un échec. Cette situation fait réfléchir le lecteur en montrant qu’une adoption n’est pas anodine. Le lecteur en apprend beaucoup. Il existe des chats hypoallergéniques. Les adoptions ont explosé depuis le début de la pandémie… la bd laissant ironiquement supposer que les autorisations de promenade lors du premier confinement ont eu un impact. Par une hilarante série, on découvre les cinq règles d’or du dressage.

Tiki n’est pas seulement un chien perturbé mais il est le signal qui montre les failles de toutes les personnes de la famille. Très rapidement, Fred ressent un sentiment de jalousie car le chien est le centre de l’attention et l’homme de la famille a moins d’autorité que sa fille et sa compagne. Cette incapacité le pousse à l’introspection. Il voit le chien comme un démon car Fred déteste la plupart des animaux de compagnie : il compare des perruches à des sirènes de voitures qui chient.

Le récit d’une chute

Tiki et la déprime

La première image de Tiki pourrait être pornographique, celle d’une paire de fesses mais elle est plus médicale car on comprend que Fred reçoit une injection de calmant. Co-scénariste avec David Azencot, Tiki est la première bande dessinée de Fred Leclerc qui était auparavant directeur artistique dans la publicité… tout comme le personnage principal. Plus qu’une œuvre sur l’adoption, Tiki se révèle une autobiographie graphique sur Fred. Le lecteur découvre ses failles comme son incapacité à prendre une décision ou à dire non. Les pages suivantes montrent comment un cadre dans la publicité bascule progressivement dans la dépression. Cette chute venant de faits extérieurs (la pandémie de la covid, les confinements et les attentats terroristes) fait forcément écho au contexte vécu par le lecteur. Cette crise est aussi intérieure (un licenciement).

Ce sentiment de fébrilité est parfaitement rendu par les dessins de Fred Leclerc. Son style franco-belge peut évoquer les œuvres pour enfants mais les formes volontairement maladroites évoquent la période de crise que traverse Fred. David Azencot dessine avec Tiki sa première œuvre de bd. Cet humoriste adepte des Comedy Clubs et chroniqueur radio allège le récit par des blagues. Cela passe par les images (l’hilarante couverture d’un livre : les kebabs, une chance pour la France ?) et les dialogues (le destin tragiquement drôle du lapin de compagnie de Fred). La coloriste Lucie Firoud a également un rôle prépondérant dans la réussite. Loin du réalisme, elle alterne des pages en camaïeu comme le gris pour montrer la déprime de Fred et des pages plus colorées lors de l’arrivée de Tiki.

Partant de l’adoption ratée d’un chien, Tiki est une œuvre autobiographique sensible. Fred Leclerc évoque ses failles nées de la crise sanitaire et mondiale et politique nationale mais aussi ses phobies et ses échecs. On suit le compte à rebours au jour le jour d’un échec mais le volume se clôt par un regard plus positif.

Vous pouvez trouver d’autres tranche de vie dans les chroniques sur Taxi, Paul & Tom.